Les forces africaines de la MISMA, il faut le dire, ne sont pas prêtes à prendre le relais, si tant est qu'elles le soient un jour. Il y a des problèmes de formation, de logistique, de nombre, d'équipement, mais aussi des questions politiques. L'engagement, pour quelques États faibles ou très faibles, voisins du pays, représente un danger pour eux-mêmes en cas d'investissement militaire trop marqué. Les événements de Centrafrique montrent d'ailleurs l'extrême fragilité de toute cette grande zone, où l'on additionne plutôt les maillons faibles que les noyaux durs.
Je disais dans mon intervention du mois de janvier que nous devons être en soutien à une opération africaine, et non l'inverse. Ce qui s'est passé depuis quatre mois nous montre clairement, même si nous le savions, qu'à l'exception du Tchad, du Sénégal et du Nigeria, il n'existe pas de pays capable de mener une opération militaire structurée, car leur armée n'existe tout simplement pas ou à peine.
Qui d'autre pourrait donc prendre le relais de l'armée française ?
Les Américains ? Ils ont fait ce qu'il fallait pour nous aider, mais d'une part ils n'ont pas envie de porter sans arrêt l'uniforme de gendarme du monde, conformément à la nouvelle politique de Barack Obama, d'autre part leurs priorités sont ailleurs, et notamment dans la zone Pacifique.
L'Europe ? Elle a montré une fois de plus, c'est un Européen convaincu qui le dit, son incapacité à avoir un rôle militaire et donc politique. À quoi bon d'ailleurs, monsieur le ministre de la défense, continuer à construire des forces européennes diverses et variées que nous préparons et organisons, puis les annoncer à grand renfort de communication pour in fine ne jamais s'en servir ? J'ai eu cent fois ce regret quand j'étais en fonction. Il faudra un jour poser cette question aux Européens.
L'OTAN ? Ce n'est ni son rôle ni son théâtre d'action.
L'ONU ? Elle sera présente pour occuper le terrain mais pas pour faire le coup de feu. Nos forces seront donc nécessaires pour être en quelque sorte la force de réaction rapide de l'ONU, un peu à l'identique de ce qui s'est passé en Côte d'Ivoire avec Licorne et l'ONUCI.
À l'évidence, il n'y a personne à qui passer la main, il faut regarder la réalité en face. Le seul élan est et restera français. Nous resterons donc aussi longtemps que le Mali ne sera pas capable d'assurer par lui-même sa sécurité, ce qui doit donc constituer la priorité absolue. Je rappelle à tous ceux qui l'ont oublié que nous sommes arrivés au Tchad en 1984 et que nous y sommes toujours.
La priorité, si nous voulons un jour réduire notre engagement puis y mettre fin, doit donc être la reconstruction de l'État malien, car, comme toujours le succès militaire est une chose mais la vraie victoire est politique. Rappelons que les djihadistes ne sont pas intervenus au Mali par hasard mais parce qu'ils avaient face à eux un État failli, un président sans légitimité, un État à l'abandon sous le contrôle d'un capitaine putschiste.
La reconstruction passe par le dialogue, en particulier entre l'État central et les Touaregs, lesquels, il faut le dire, nous ont apporté leur concours lors des premières semaines d'intervention. Rien ne serait pire pour la reconstruction du Mali que les Touaregs se sentent roulés dans la farine en étant les grands absents du processus de reconstruction démocratique.