Intervention de Nicole Ameline

Séance en hémicycle du 22 avril 2013 à 17h00
Déclaration du gouvernement sur l'autorisation de la prolongation de l'intervention des forces françaises au mali débat et vote sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Ameline :

Monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission de la défense, mes chers collègues, la France est engagée au Mali, courageusement.

Elle l'est au nom de la solidarité que nous devions à l'État malien.

Elle l'est au nom des principes qui fondent notre responsabilité dans le monde et notre conception de la sécurité collective.

Elle l'est également aux côtés des forces africaines dont nous avons tous salué ici la détermination.

Le Mali est un élément central de l'arc de crise qui, de la Somalie à l'océan Atlantique, se constitue aux portes de l'Europe.

Appuyé sur des États défaillants, le redéploiement de groupes armés alimentés par des trafics mafieux et criminels en tout genre, a créé une menace réelle qui, sans l'intervention de la France, aurait pris la forme d'une insurrection terroriste réussie au coeur du Sahel. Chacun en mesure rétrospectivement les conséquences pour la région, pour les deux rives de la Méditerranée, mais aussi pour l'Union européenne. C'est l'une des raisons qui motivent et légitiment notre soutien à cette intervention.

Si l'engagement militaire, activement soutenu par le Royaume-Uni et quelques États européens, porte ses fruits, force est de constater que, dans le cadre de la mise en oeuvre de cette opération lourde, et, encore une fois, courageuse, les négociations conduites par la France auprès de ses alliés européens, ont démontré un isolement relatif.

Monsieur le Premier ministre, vous avez évoqué trois agendas, qui s'inscrivent dans un calendrier extrêmement contraint.

D'abord, l'agenda militaire. Je me contenterai, dans les quelques minutes qui me sont imparties, de vous poser quelques questions à ce sujet.

Le désengagement de nos forces est naturellement subordonné à la mise en place de la force internationale, par application de la résolution de l'ONU, dans le cadre du chapitre VII de la Charte, qui confère à la Minusma – chose essentielle au regard de l'urgence de la stabilisation des zones libérées – des facultés réelles d'intervention. Pouvez-vous nous indiquer aujourd'hui le calendrier de mise en oeuvre de cette force internationale et nous apporter des précisions sur les conditions dans lesquelles la France s'apprête à participer à ce dispositif ?

Deuxième agenda – chacun en a souligné l'importance à cette tribune : la consolidation de l'état de droit. La tenue des élections est tout à fait essentielle, mais peut-on raisonnablement tenir des élections présidentielles et législatives compte tenu du nombre de personnes déplacées et réfugiées ?

Monsieur le ministre, vous m'avez apporté une réponse l'autre jour, mais permettez-moi de compléter ma question : pensez-vous qu'il serait concevable de dissocier les élections présidentielles et législatives ? En effet, le retour des réfugiés constitue un enjeu extrêmement important, au même titre que la restauration de l'administration locale et des services publics dans ces régions.

Troisième agenda : la mise en oeuvre de la commission « vérité et réconciliation ». Qu'en est-il des critères clairement posés par les autorités maliennes, notamment s'agissant du désarmement du MNLA ?

Je ne saurai trop insister, vous le comprendrez, sur le rôle et la place des femmes, premières victimes des violences, mais aussi première force de paix au sein de ces dispositifs ô combien essentiels de réconciliation.

S'agissant de la réunion des donateurs prévue en mai, quels espoirs fondez-vous sur la solidarité financière européenne et internationale ? Peut-on espérer que l'Europe, très absente de l'acte I – si vous me permettez l'expression –, sera plus présente au stade de la reconstruction ?

À cet égard, je veux dire un mot de la solidarité européenne. Le Mali n'est pas seulement une question africaine : ce pays est porteur d'enjeux directs pour l'Europe. L'insuffisante prise en considération par l'ensemble des pays européens de leur responsabilité en matière de sécurité collective extérieure, au moment où les États-Unis redéploient leur stratégie en Asie, est source d'enseignements.

Si, grâce au courage de nos militaires, qui méritent, partout dans le monde, notre admiration, cette intervention est à ce stade réussie, qui peut imaginer que le danger terroriste dans cette zone soit éradiqué ?

L'Europe doit être consciente qu'à ses portes se concentrent des menaces réelles dont nous devons tous mesurer la portée. Quelles initiatives comptez-vous prendre, avec l'ensemble des pays de la région, pour soutenir la stabilisation du Sahel – très vaste territoire que ne peuvent appréhender seules les forces locales et nationales ? L'Union pour la Méditerranée peut-elle d'ores et déjà constituer un cadre adapté à une négociation et un dialogue politiques ?

Au moment où les budgets militaires diminuent, comment ne pas voir dans l'affaiblissement des capacités opérationnelles de l'Europe un risque majeur pour sa légitimité et sa crédibilité ?

Enfin, concernant la vision stratégique de l'avenir, le devoir de l'Europe et de la France ne s'arrêtera pas à la reconstruction – entreprise difficile, mais, nous l'espérons tous, couronnée de succès –, pas plus qu'il ne se limitait à la seule opération militaire. Le redéploiement de nos fonds d'aide au développement en direction de l'Afrique, sous la forme d'une stratégie beaucoup plus claire, d'une offre politique plus forte, s'impose : elle doit être notre priorité absolue. C'est un enjeu considérable. Ici encore, l'Europe resterait en deçà de son destin, tel un Gulliver empêtré malgré toute sa puissance, si elle ne parvenait à proposer ce dialogue constructif.

Pour terminer, monsieur le président, je citerai cette très belle phrase du député Victor Hugo, prononcée à cette tribune en 1848 : « ce que Paris conseille, l'Europe le médite ; ce que Paris entame, l'Europe le continue ».

Puissent les prochains mois contredire en partie cet adage et nous montrer que l'Europe peut être aussi réactive, aussi intelligente et aussi courageuse que nous le sommes nous-mêmes (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

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