Intervention de Alain Laurier

Réunion du 3 avril 2013 à 18h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Alain Laurier, président de l'association et président de Pierre épargne Retraite Logement, PERL :

Avant de vous démontrer comment ce dispositif peut contribuer à l'optimisation des aides à la construction de logements sociaux en fonction des besoins, il est nécessaire de poser toutes les données du problème.

Deux chiffres, provenant de Jean-Martin Delorme, le directeur régional et interdépartemental de l'hébergement et du logement en Île-de-France, disent l'ampleur du travail qui reste à accomplir : dans cette région, les crédits d'aides de l'État pour l'investissement s'élèvent à 250 millions d'euros, alors que le coût de l'hébergement d'urgence est de 500 millions d'euros.

S'interroger sur l'optimisation des aides à la construction de logement c'est d'abord analyser quelles sont les zones où il y a des problèmes et pourquoi. Il y a d'abord les zones tendues qui souffrent d'un déficit de logements sociaux, notamment l'Île-de-France – territoire d'immigration pour des populations d'origine étrangère et du nord et de l'est de la France –, la façade atlantique et le sud de la France.

Selon l'Union HLM, au cours des dix dernières années, le prix du loyer moyen a cru, en dix ans, de 30 % et le coût de la production de logements de 85 %. Le prix moyen du logement est de 140 000 euros pour 67 mètres carrés. Ces chiffres expliquent la difficile équation entre l'existence de secteurs distincts et ce qu'on peut réaliser en leur sein.

La Caisse des dépôts et consignations (CDC), a calculé que le prix de revient total d'un T3 (environ 67 mètres carrés) s'élevait à 140 000 euros hors Île-de-France alors qu'en Île-de-France il serait de 170 000 euros, soit 1 950 euros le mètre carré, hors coût du foncier.

L'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région d'Île-de-France constate la croissance depuis plusieurs années (2005 à 2009) de ce coût de revient. Il évalue, quant à lui, le prix de revient total du logement en surface utile en Île-de-France à 2 800 euros le mètre carré. Il fait apparaître par ailleurs une très forte croissance de la part de l'emprunt dans le financement du logement, jusqu'à 1 900 euros par mètre carré.

Le schéma de répartition du parc de logements existants en fonction des loyers dans la première couronne parisienne, dessiné par l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (OLAP), nous permet de connaître la part du logement social, avec des loyers inférieurs à 6 euros le mètre carré, et celle du logement locatif privé (graphique en annexe). Il y a fort à parier qu'un schéma de répartition selon les revenus des ménages adopterait la forme d'une courbe de Gauss. Les procédures de construction de logements sociaux qui ont été suivies jusqu'ici sont un élément d'explication mais on peut y voir également l'effet des variations du taux de TVA applicable.

Le niveau de revenu des ménages est évidemment un élément essentiel de l'analyse. Dans le cas d'un couple avec un enfant, le revenu minimal est de 1 666 euros par mois, net d'impôt, et le revenu médian de 3 300 euros. En tenant compte du taux d'effort (20 % pour un ménage « pauvre » et 25 % pour un ménage disposant de revenus médians) pour la location d'un trois pièces, le loyer sera de cinq euros le mètre carré pour les plus pauvres bénéficiaires du prêt locatif aidé d'intégration (PLAI), de huit euros pour les ménages modestes relevant du prêt locatif à usage social (PLUS), et de douze euros pour les ménages correspondant au niveau de revenu médian, public visé par le prêt locatif social (PLS) en Île-de-France. Tous les bureaux d'études avec lesquels nous travaillons sur l'élaboration de programmes locaux de l'habitat regrettent de ne pas avoir accès aux statistiques sur les revenus des ménages du secteur.

Les conditions de l'équilibre du compte d'exploitation des bailleurs sociaux intervenant dans ces zones constituent un autre élément déterminant pour notre analyse. Pour que l'équilibre d'exploitation soit assuré, il faut qu'un logement financé par le fameux prêt locatif intermédiaire (PLI), ou par le dispositif « Duflot » d'investissement immobilier en Île-de-France, soit loué 17 euros le mètre carré. Un logement construit par un bailleur social en zone A et financé par un prêt locatif social (PLS) devra, lui, être loué 9,50 euros le mètre carré, dans l'hypothèse où le bailleur finance ce logement à hauteur de 20 000 euros de fonds propres et emprunte 115 000 euros à un taux de 4 %, soit un coût de 135 000 euros sur trente ans pour un T 3 de 67 mètres carré, le prix de revient étant alors de 2 000 euros maximum. Le bailleur est donc à l'équilibre d'exploitation sur 30 ans en n'assumant que 2 000 euros.

Quand le coût de construction est de 1 700 euros auquel s'ajoutent les honoraires techniques, on parvient à un prix de revient de 1 950 euros. Cela signifie qu'on ne peut construire du logement financé en PLS ou en PLUS en zone A que si la charge foncière est gratuite ou s'il existe d'autres sources de financement complémentaires (subventions, aides…).

On peut faire le même exercice dans le cas d'une opération de prêt locatif intermédiaire. En prenant en compte un niveau maximum de fonds propres de 120 000 euros, rémunérés à 2,5 % l'an, les loyers perçus permettent de rembourser un prêt de 160 000 euros, au taux de 4,5 % sur vingt-cinq ans. Dans ces hypothèses, le prix de revient global du logement moyen ne peut pas être supérieur à 280 000 euros, soit un plafond de 4 200 euros au mètre carré habitable. Là où on peut faire du logement à 17 euros, le coût de construction sera d'environ 1 950 euros le mètre carré si la charge foncière n'excède pas 900 voire 1 000 euros le mètre carré.

Ces chiffres permettent de mesurer les limites des dispositifs d'aide à la construction de logement social, dont l'effectivité suppose, pour le PLI, une charge foncière nulle ou l'existence d'autres sources de financement et, pour le PLS, une charge foncière n'excédant pas 1 000 euros. C'est ce constat qui nous a incités à développer une autre solution pour favoriser la construction de logement, en distinguant la possession d'un actif immobilier et l'usage qui en est fait. Lorsqu'on est d'abord intéressé par l'usage d'un logement, pourquoi devrait-on nécessairement en payer, par des subventions, le patrimoine correspondant?

Le dispositif que nous cherchons à développer depuis une dizaine d'années vise à drainer l'épargne privée pour l'affecter à une politique publique. Jusqu'ici tous les dispositifs d'aide à l'investissement locatif, qu'il s'agisse du « Quilès-Méhaignerie », du « Périssol », du « Robien », du « Borloo » ou du « Scellier », avaient pour objectif d'affecter l'épargne là où l'investisseur l'a décidé, avec les dérives ou les excès que l'on déplore. Le schéma d'usufruit locatif social, en revanche, permet d'orienter l'épargne vers des opérations de logement décidées par la collectivité locale, en fonction de son programme local de l'habitat (PLH).

Le principe de l'usufruit locatif social (ULS) est celui de la dissociation temporaire du droit de propriété en usufruit et de la nue-propriété, deux droits réels immobiliers qui existent depuis deux mille ans et qui ont été consacrés par le code civil de Napoléon. Ces deux droits réels sont distincts et chacun d'eux peut être cédé séparément sans que cela affecte l'existence de l'autre. Dans le dispositif d'ULS, l'usufruit temporaire ne se distingue de l'usufruit viager que par son terme, qui est connu à l'avance, puisqu'il est consenti pour une durée de 10 ans, 15 ans ou 18 ans. Durant cette période, l'usufruitier bailleur dispose de toutes les prérogatives du propriétaire : il peut occuper, louer le bien ou s'en procurer les fruits. Il doit simplement s'engager à conserver le bien en bon état. Le nu-propriétaire est le propriétaire en puissance, il peut aliéner le bien tandis que l'usufruitier use du bien en bon père de famille.

Nous avons commencé à imaginer un tel schéma vers la fin des années 90, quand la question des retraites a commencé à se poser. Il nous semblait en effet intéressant de le proposer à des personnes appartenant à la classe moyenne ou moyenne supérieure, qui ne sont pas à la recherche d'un complément de revenus immédiat (professions libérales…) mais désireuses de se constituer un patrimoine pour leur retraite sans avoir à s'occuper de sa gestion quotidienne.

Nous avons contacté le service en charge du financement du logement à la direction du Trésor (bureau B3). Ce service avait alors à sa tête M. Bruno Bézard, qui nous a recommandé de tester directement ce schéma sur le terrain pour le rendre crédible auprès de l'administration. Nous avons donc proposé ce dispositif à des bailleurs sociaux et à des professionnels du droit (notaires, professeurs de droit) et au Crédit foncier. La condition sine qua non était pour nous de garantir au bailleur social que son compte d'exploitation serait à l'équilibre grâce aux seuls loyers futurs, ces logements ne nécessitant ni subvention de collectivités locales, ni immobilisation des fonds propres du bailleur. Quand on vend un usufruit à 9,50 euros de loyer PLS en zone A pour un usufruit sur 17 ans, le prix d'acquisition au mètre carré varie de 1200 à 1400 euros en fonction de la composition des programmes. Le bailleur ne finance que cette quote-part.

L'intérêt du nu-propriétaire est de se constituer une épargne complémentaire. Ne payant que 60 % d'un bien, il en récupérera 100 % au bout de quinze ans, dans l'hypothèse d'une valeur constante du bien. Ainsi, le gain est de 3,5 % l'an. C'est le taux de rentabilité interne (TRI) du placement.

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