Je souhaite attirer l'attention de Mme la garde des sceaux sur l'impuissance des maires face aux demandes de mariage impliquant des étrangers en situation irrégulière.
Dans sa décision du 20 novembre 2003, le Conseil constitutionnel a jugé que la liberté du mariage est un principe fondamental et une composante « de la liberté individuelle protégée par les articles 2 et 4 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ». De ce fait, le respect de ce principe «s'oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d'un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l'intéressé ».
C'est là que le bât blesse et que les principes se heurtent malheureusement à la réalité. Naturellement, il n'est pas question pour moi de remettre en cause les composantes de la liberté individuelle. Quant à la décision du Conseil constitutionnel, elle s'impose à toutes les autorités publiques et ne peut faire l'objet d'aucun recours.
Toutefois – et je l'ai écrit récemment au Président du Conseil Constitutionnel – cette décision est choquante car elle est appliquée par les tribunaux de façon absolue et sans discernement.
Ainsi, comme beaucoup de maires, et peut-être, monsieur le ministre, comme vous-même à Palaiseau, j'ai été récemment confronté à un mariage où l'un des futurs époux était en situation irrégulière. Et surtout il était manifeste pour tout le monde – sauf peut-être malheureusement pour la future mariée – que la motivation première du futur époux n'était pas l'amour mais l'intérêt, celui d'obtenir un titre de séjour voire, au bout d'un certain temps de vie commune, une carte de résident ou, pourquoi pas, la nationalité française !
Estimant que c'était mon devoir, pour la première fois depuis vingt-quatre ans que je suis maire, j'ai aussitôt signalé cet état de fait au tribunal de grande instance d'Amiens – je ne désespère pas de pouvoir le faire à l'avenir au TGI de Péronne, dont j'attends avec impatience la réouverture –, mais on m'a opposé la décision du Conseil constitutionnel.
Je suis respectueux de la loi et le mariage a donc été célébré. Comme c'était prévisible, il n'a fallu que très peu de temps pour que le nouvel époux, ayant obtenu ce qu'il voulait, oublie totalement les sentiments qui soi-disant l'animaient. « Bien mal acquis ne profite jamais »… Le proverbe, si l'on se réfère à cet exemple concret, n'est pas exact !
Monsieur le ministre, ce genre de situation est absolument incompréhensible pour les maires, mais aussi pour nos concitoyens. Personne ne peut comprendre que nous ne puissions légitimement, dans ces circonstances précises, refuser de célébrer le mariage !
Vous me répondrez que des poursuites peuvent toujours être engagées ultérieurement. Mais cela n'enlève rien au caractère choquant de la situation.
Je vous demande donc de me donner votre point de vue sur cette question et de me préciser les moyens dont dispose un maire pour s'opposer à ce cas de figure.