Ce projet de décret d'avance tend en effet à mettre en oeuvre l'article 22 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (LOPFG) qui prévoit que les crédits du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) sont regroupés au sein d'un programme spécifique de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
Il ouvre donc, à titre d'avance pour 2013, des crédits d'un montant de 782 396 euros sur le nouveau programme 340 Haut Conseil des finances publiques et annule un montant équivalent de crédits sur le programme 164 retraçant ceux de la Cour des comptes et autres juridictions financières. Ce projet de décret d'avance n'a donc pas d'impact sur l'équilibre budgétaire et transfère simplement une part des crédits de la Cour des comptes vers le HCFP.
Notre Commission doit rendre un avis formulant des observations articulées autour de trois questions majeures :
1.– Est-il possible de créer un programme budgétaire par décret d'avance ?
La question s'est déjà posée à l'égard des décrets de virement et de transfert régis par l'article 12 de la LOLF qui précise notamment qu'« aucun virement ou transfert ne peut être effectué au profit de programmes non prévus par une loi de finances ».
Dans sa décision du 25 juillet 2001, le Conseil constitutionnel a considéré que la restriction prévue par l'article 12 se borne à reconnaître la compétence exclusive de la loi de finances pour créer un programme.
Qu'en est-il de la création d'un programme par décret d'avance ?
Deux analyses sont possibles :
– Soit l'on considère qu'il faut transposer la jurisprudence du Conseil relative à l'article 12 au cas du décret d'avance, auquel cas le Gouvernement ne pourrait pas créer ce programme ;
– Soit l'on suit un raisonnement a contrario : dès lors que l'article 13 relatif au décret d'avance ne prévoit aucune restriction, contrairement à l'article 12 relatif au décret de transfert, il serait possible de créer un programme budgétaire par décret d'avance.
L'analyse des débats parlementaires sur la LOLF montre que c'est ce dernier choix qui était privilégié par les rapporteurs généraux de l'Assemblée et du Sénat en 2001. M. Didier Migaud considérait : « il est tout à fait légitime que le pouvoir exécutif puisse, en cas d'urgence, être en mesure de créer un programme et de prévoir les crédits correspondants par décret d'avance ».
En l'espèce, je vous propose de poser les termes de ce débat pour inviter le Conseil d'État à trancher cette question sur le plan juridique mais de considérer que le Gouvernement est légitime à proposer la création de ce programme, d'un enjeu budgétaire très limité, par décret d'avance dès lors qu'il s'agit de mettre en oeuvre une disposition organique de même rang, dans la hiérarchie des normes que la LOLF : l'article 22 de la LOPFG.
2.– Les ouvertures de crédits proposées sont-elles bien inférieures à 1 % des crédits ouverts en LFI et les annulations de crédits sont-elles inférieures à 1,5 % des crédits ouverts en LFI et LFR de l'année ? En l'espèce, la réponse est positive étant donné que les ouvertures et annulations sont inférieures à 800 000 euros.
3.– Y-a-t-il urgence ou nécessité impérieuse d'intérêt national pour créer le programme budgétaire consacré au HCFP ?
Le Gouvernement estime qu'il y a urgence car le HCFP, créé officiellement le 1er mars 2013 et dont les membres ont été nommés le 16 avril 2013 a démarré son activité. L'autonomie budgétaire du HCFP serait par ailleurs une garantie de l'indépendance de cet organisme.
Votre Rapporteur considère que s'il n'était pas possible de procéder à la création d'un tel programme dès la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2013 compte tenu de l'entrée en vigueur postérieure de la LOPFG, sa création par décret d'avance peut éventuellement être justifiée par la nécessité impérieuse de prendre toutes les mesures d'application de la LOPFG dans un délai raisonnable.
Précisons néanmoins que, sur le fond, l'indépendance du HCFP résulte moins de son autonomie budgétaire par rapport à la Cour des comptes, elle-même indépendante que des exigences d'indépendance et de compétences imposées à ses membres.
Pour autant, la création d'un programme budgétaire spécifique devrait permettre d'améliorer l'information du Parlement sur les missions et les moyens du HCFP dès lors que les documents budgétaires s'y rapportant seront correctement renseignés (PAP et RAP). Le projet de PAP transmis à la commission des Finances pour l'année 2013 montre à cet égard la nécessité de le compléter par un dispositif de performance et une comptabilité d'analyse des coûts dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014.
Sur le plan strictement budgétaire, la maquette du projet annuel de performance proposée par le Gouvernement détaille l'utilisation des crédits et emplois ouverts au profit du HCFP pour 2013.
Ceux-ci ont été négociés entre le président du HCFP et la direction du budget sur la base théorique de dix mois d'activité à compter du 1er mars 2013 et sont les suivants :
– les crédits ouverts sur le titre II Dépenses de personnel s'élèvent à 332 396 euros, soit 42,5 % des crédits du programme.
Il s'agit de prendre en charge l'ensemble des dépenses de rémunération d'un conseiller-maître de la Cour des comptes chargé, en qualité de rapporteur général à mi-temps, de diriger le secrétariat permanent du Haut Conseil (pour un salaire annuel net de 57 149 euros) et de deux rapporteurs généraux adjoints, à temps plein, chargés d'assurer le suivi administratif des travaux du Haut Conseil (pour un salaire annuel net moyen de 83 465 euros pour le conseiller référendaire et de 56 296 euros pour l'auditeur).
Je vous propose de formuler à cet égard une observation – par nature interrogative – sur la nécessité de mobiliser deux rapporteurs généraux adjoints à temps plein pour « assurer le suivi administratif des travaux du Haut Conseil des finances publiques ». On peut penser que les personnels à temps complet iront bien au-delà de cette mission afin d'approfondir les problématiques macroéconomiques qui lui seront soumises ;
– les crédits ouverts sur les autres titres s'élèvent à 450 000 euros pour 2013 et correspondent à des travaux d'aménagement d'une salle de réunion dédiée et à son équipement pour 75 000 euros ; à des crédits pour passer des marchés d'expertise externes pour 35 000 euros ; à des frais de fonctionnement courant et de déplacement pour 25 000 euros (dépenses informatiques et de télécommunications avec la création d'un site Internet dédié au HCFP pour 10 000 euros et les frais de courrier, de reprographie, ainsi que les frais de mission couvrant les déplacements des membres du Haut Conseil ne résidant pas à Paris, les déplacements effectués dans le cadre des travaux du Haut Conseil ainsi que le remboursement des frais des personnes invitées pour être auditionnées pour 15 000 euros).
Le projet d'avis qui vous est soumis reprend les observations que je viens de faire. L'avis doit être transmis aujourd'hui même pour que le Conseil d'État puisse en disposer cet après-midi lorsqu'il examinera le projet de décret.