Intervention de Eva Sas

Séance en hémicycle du 23 avril 2013 à 15h00
Déclaration du gouvernement en application de l'article 50-1 de la constitution sur le programme de stabilité de la france pour 2013-2017 débat et vote sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEva Sas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, ce programme de stabilité pour la période 2013-2017 s'inscrit dans la lignée du traité de stabilité, de coordination et de gouvernance et, à ce titre, il suscite chez nous les mêmes interrogations. Plus encore, il nous inquiète, pour au moins deux raisons.

Les prévisions de croissance apparaissent trop optimistes aux dires mêmes du Haut Conseil des Finances Publiques. Celui-ci en effet « considère que le scénario pour les années 2013-2014 est entouré d'un certain nombre d'aléas qui font peser un risque à la baisse sur les prévisions ». Il estime en particulier que l'effet négatif des politiques d'austérité en France et en Europe est sous-estimé, à la fois sur la demande intérieure et sur les exportations. Il estime également que les effets positifs annoncés du CICE et de l'ANI ne sont pas documentés et demeurent de ce fait incertains.

Nous aurions pu considérer que ces prévisions optimistes, à défaut d'asseoir la crédibilité budgétaire de la France, laissaient une forme de souplesse par rapport au rythme des déficits : c'est en partie vrai. Mais malgré cette forme de souplesse, la contraction budgétaire prévue reste très soutenue, ce qui constitue notre deuxième source d'inquiétudes.

Vous le savez, nous, écologistes, avons toujours considéré qu'il fallait inscrire la France dans une trajectoire de réduction des déficits et qu'il s'agissait même d'une question de responsabilité vis-à-vis des générations futures. Néanmoins, nous en avons aussi toujours questionné le rythme. Or force est de constater que nous n'avons pas été, jusque-là, entendu, alors même qu'un nombre toujours plus grand d'observateurs économiques alertent sur les risques sociaux et politiques de cette folle obstination : jusqu'au FMI et aujourd'hui jusqu'à José Manuel Barroso lui-même qui déclare que la politique d'austérité en Europe a atteint ses limites. Nous ne pouvons donc qu'être inquiets des conséquences de ce programme de stabilité.

Tout d'abord, l'effet sur l'emploi de ces politiques de contraction budgétaire est déjà dramatique : 5 millions d'inscrits à Pôle emploi, 1,9 million de demandeurs d'emploi inscrits depuis plus d'un an et un taux de chômage qui devrait atteindre 11,2 % en fin d'année.

Ensuite, en faisant s'effondrer l'activité, ces politiques d'austérité sont contre-productives du point de vue même de la réduction des déficits. En janvier et en février de cette année, le déficit aura été supérieur aux deux premiers mois de l'année dernière, tant les bases fiscales se sont effondrées.

De plus, ce programme de stabilité prévoit 14 milliards d'euros d'économies sur les dépenses publiques en 2014 et 60 milliards d'euros sur la mandature, sans que l'on sache aujourd'hui quels services publics, quels projets d'infrastructures, quelles prestations sociales seront touchés.

Enfin, et surtout peut-être, la France est la seule en Europe à pouvoir infléchir la politique européenne : il est donc de sa responsabilité de faire entendre sa voix contre l'austérité généralisée. Comme l'écrit très bien Guillaume Duval dans son dernier éditorial d'Alternatives Économiques : « L'austérité généralisée en Europe, promue par une Allemagne en situation de leadership incontesté, est suicidaire pour la cohésion sociale européenne. La France doit tirer le signal d'alarme avant qu'il ne soit trop tard. »

Dès lors, la France se doit de tirer ce signal d'alarme, pour réorienter les politiques économiques européennes, et pour mettre en oeuvre de véritables réformes structurelles : non pas les réformes que l'on appelle habituellement structurelles et qui ne sont que libérales – baisse du coût du travail, flexibilisation du marché du travail, baisse des dépenses publiques –, mais des réformes structurelles sociales et écologiques.

Cela suppose d'abord une réelle réforme fiscale, sur la base d'une fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG, afin de garantir une véritable progressivité de l'impôt, mais également une réforme fiscale écologique qui met en cohérence notre système fiscal avec nos objectifs environnementaux : réduction des niches fiscales antiécologiques, à commencer par le diesel et le kérosène, et mise en place d'une contribution climat énergie.

Cela suppose ensuite une véritable politique d'investissement, pour préparer notre économie et notre industrie aux mutations écologiques qu'elle devra affronter demain. Nous savons qu'il manque entre 15 et 20 milliards d'euros par an pour investir dans les transports, la rénovation thermique des bâtiments ou les énergies renouvelables, soit autant d'investissements salutaires pour changer de modèle, créer de l'emploi et sortir de cette crise par le haut.

La réduction des déficits ne peut tenir lieu de politique à la France. Nous devons renouer avec les véritables objectifs de notre politique commune : l'emploi et l'environnement. Vous nous disiez tout à l'heure, monsieur le ministre, que l'austérité n'était pas une solution et que notre priorité doit être l'emploi ; malheureusement, je ne retrouve pas ces louables intentions dans votre programme de stabilité.

Renoncez à ces orientations : la France doit parler haut et clair en Europe et faire cesser la course folle aux restrictions budgétaires qui prive notre jeunesse de son avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

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