Intervention de Paul Giacobbi

Séance en hémicycle du 23 avril 2013 à 15h00
Déclaration du gouvernement en application de l'article 50-1 de la constitution sur le programme de stabilité de la france pour 2013-2017 débat et vote sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Giacobbi :

…qui observaient les statistiques de croissance des économies et de solde des finances publiques depuis de très longues années, ce qui devait être d'un ennui extraordinaire. Un jour, une bonne fée leur fit découvrir une corrélation selon laquelle, à moyen et à long terme, plus les comptes publics étaient équilibrés, plus forte était la croissance. Encouragés par la fée et alléchés par les propositions de leurs éditeurs, ils publièrent, après quelques publications académiques, un livre austère et ennuyeux, truffé de tableaux statistiques, d'analyses et de conclusions moralisantes, sous le titre prétentieux de This time is different.

La fée les gratifia d'un autre miracle : celui d'un tirage inespéré pour un ouvrage aussi indigeste. J'ai lu ce livre en 2011, et j'ai surtout été frappé par le fait qu'il était fondé sur une coupable confusion entre la corrélation et la causalité. Ce n'est pas en effet parce qu'un événement est toujours suivi statistiquement par un autre que l'un entraîne nécessairement l'autre dans tous les cas de figure, et c'est la raison pour laquelle les liens de causalité entre le solde des finances publiques et la croissance sont, comme toujours en économie, complexes et paradoxaux. Ce serait aussi stupide que de croire que ce qui entraîne les turbulences dans un avion de ligne, c'est le fait d'allumer le petit panneau où il est marqué : « Attachez vos ceintures » ! Quand on l'allume, c'est en général en prévision de turbulences.

Toujours est-il que les hommes politiques, marqués par le syndrome de la contrition et de la punition, ont accueilli ce livre comme la démonstration scientifique que leurs instincts restrictifs les entraînaient dans la bonne voie de la prospérité économique. L'Europe s'est donc lancée dans l'expérimentation de cette théorie, qui a donné ce que tout calcul macroéconomique élémentaire aurait laissé prévoir : dans une période de récession, plus on restreint la dépense publique, plus on approfondit la récession, moins on a de recettes fiscales et plus on alourdit le solde négatif des finances publiques. Cela rappelle ce qu'avait dit John Kenneth Galbraith à propos du regretté Milton Friedman : « Milton's misfortune was that his policies had been tried. »

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