Les 62 000 agents civils que compte aujourd'hui le ministère de la Défense se répartissent entre les grands employeurs que sont ses différents programmes : le programme 178, préparation et emploi des forces, est le plus important, avec 40 000 emplois civils ; le programme 212, relatif au soutien et géré par le secrétaire général pour l'administration, n'en occupe que 9 000 ; les autres programmes, comme le 144, dédié au renseignement, le 146, aux équipements, le 167, aux relations entre l'armée et la nation et le 169, à la mémoire du monde combattant, n'emploient ensemble qu'environ 13 000 agents.
16 % des personnels civils appartiennent à la catégorie A de la fonction publique, 17 % à la catégorie B, 34 % à la catégorie C et 32 % ont le statut des ouvriers de l'État. Cette dernière population est, historiquement particulièrement importante au ministère de la Défense.
Les personnels civils sont principalement employés à des tâches d'administration générale et de soutien, conformément au dernier Livre blanc, encore en vigueur pendant quelques jours, et à la loi de programmation militaire (LPM) de 2008. Il convient de noter que c'est une évolution puisqu'ils occupaient autrefois majoritairement des fonctions industrielles dans les arsenaux.
Ils représentent aujourd'hui 23 % des effectifs du ministère, contre 25 % en 2008.
Le Livre blanc fixait en 2008 un objectif de 40 % de personnels civils dans les fonctions de soutien, taux effectif en 2009 qui est passé à 42 % en 2011. Sur la base de ces projections ils pourraient atteindre 46 % en 2016, sans préjudice des effets de la prochaine étape de restructuration du ministère.
99 postes de haut niveau de responsabilités sont occupés par des civils, agents de catégorie A. Un tiers d'entre eux, soit environ 20 000, est basé à Paris ou en Île-de-France, les deux autres tiers dans le reste de la métropole, outre-mer et à l'étranger.
Je voudrais appeler votre attention sur l'importance de la fonction d'employeur qui est maintenant clairement distincte de la fonction de gestionnaire du personnel. Les employeurs ont la responsabilité de définir leur besoin et la manière dont ils souhaitent employer les personnels que les gestionnaires leur affectent. Depuis la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), nous avons conçu une fonction de DRH ministérielle, alors que celle-ci était auparavant éclatée entre les armées, à la fois employeurs et gestionnaires de leurs personnels. Malgré des règles statutaires identiques, on observait alors de grandes disparités dans les pratiques.
Comme je l'ai déjà dit les principaux employeurs de personnel civil sont aujourd'hui les armées et en particulier l'état-major des armées (EMA) qui emploie 42 % de civils notamment au travers de la fonction de soutien selon l'organisation en bases de défense. La fonction de gestionnaire de l'ensemble du personnel civil incombe en totalité à la DRH, à la fois à l'échelon central pour le pilotage que dans les six centres ministériels de gestion (CMG) répartis sur l'ensemble du territoire.
Il revient à l'employeur de décrire son organisation et l'évolution de celle-ci, notamment pour déterminer quels postes il entend réserver aux militaires et aux civils, dans le cadre d'un dialogue mené avec le gestionnaire, c'est-à-dire la DRH pour ce qui concerne le personnel civil.
Sauf nouvelle réorganisation, toujours possible, de la gouvernance des ressources humaines du ministère, l'employeur a la responsabilité de la masse salariale de ses agents, civils comme militaires, et pourrait rendre des arbitrages en la matière, ce qui ne s'est pas produit de manière très visible jusqu'ici.
Malgré leur distinction, l'employeur et le gestionnaire partagent cependant certains leviers, par exemple pour les détachements : la DRH fixe des directives afin de s'assurer que le ministère emploie bien la totalité de ses ressources internes, l'employeur intervenant ensuite pour sélectionner les candidats au détachement.
La DRH a, seule, pour mission de réguler l'ensemble de la fonction, notamment la gestion des réintégrations de droit, le calendrier des épreuves des concours ainsi que des nominations et, bien sûr, les actes administratifs individuels.
Au cours des années 2009 et 2010, nous avons connu ce que nous appelons une « sur-exécution de la déflation » des personnels civils, soit, plus simplement, une diminution de leurs effectifs plus rapide que prévue. Les personnels militaires partaient moins vite que selon nos prévisions mais les personnels civils plus vite. En 2011, nous sommes parvenus à un équilibre conforme à l'objectif de la LPM. Mais 2012 a marqué une inflexion, s'achevant avec un sureffectif de personnels civils, à raison de 338 équivalents temps plein (ETP), conséquence de « l'effet retraite », d'une moindre utilisation des indemnités de départ volontaire qu'au début de la réforme et d'une réduction des possibilités de détachements dans les autres ministères, chacun se rétractant sur ses propres populations. Ce qui pose un vrai problème pour la mobilité interministérielle.
Pour tenir notre objectif d'évolution de la masse salariale et continuer d'assurer la déflation prévue par la LPM, nous avons dû prendre, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2012, des mesures de régulation en juillet dernier en arrêtant net tous les recrutements au deuxième semestre et en réduisant par voie de conséquence le nombre des recrutements pour 2013. Cette gestion par à-coup n'est pas satisfaisante et les DRH n'aiment guère ces situations, imputables au défaut d'anticipation globale au niveau de l'ensemble du ministère.
Le ministre nous a demandé de lancer quelques grands chantiers, donnés pour objectifs lors du comité technique ministériel (CTM) de juillet dernier et traduits en agenda social au CTM de décembre. Nous en présenterons un compte rendu précis à celui de juin prochain.
Ils portent sur le bilan de la mise en oeuvre des accords de Bercy, la santé et la sécurité au travail des personnels civils, le recrutement, l'avancement et la politique indemnitaire des ouvriers de l'État, l'information, l'emploi, la mobilité et l'égalité professionnelle.
Antérieurement aux accords de Bercy, le ministère de la Défense pratiquait un mode de concertation dérogatoire par rapport au reste de la fonction publique. Pour simplifier nous pouvons dire que nous rentrons maintenant dans le droit commun avec, comme partout ailleurs, trois types de comités techniques : ministériel, d'administration centrale et de proximité. Notre singularité tient aux bases de défense, la proximité s'appréciant alors de deux façons : selon les établissements, qui constituent des entités ayant leurs propres missions, et les bases de défense elles-mêmes dans une logique géographique C'est pourquoi, à côté des comités techniques correspondant à celles-ci, nous avons créé dix comités techniques de réseau afin de prendre en compte les spécificités des différents métiers. C'est le cas notamment pour le service industriel aéronautique (SIAé) qui regroupe non seulement l'atelier industriel de l'aéronautique (AIA) de Bordeaux, par exemple, mais aussi les autres établissements de même nature.
Ce maillage, aussi serré soit-il, ne signifie pas nécessairement un dialogue social suffisamment pertinent aux yeux des syndicats. La profusion des réunions, due à l'éclatement des instances, ne fournit pas toujours une vision des évolutions structurelles aussi précise et synthétique que par le passé, avec les anciennes commissions d'information économiques et sociales (CIES). Nous sommes en cours d'établissement d'un bilan de cette situation.
La question de la santé et la sécurité au travail (SST) des personnels civils est traitée, d'une part, conformément aux dispositions réglementaires qui s'inscrivent désormais, s'agissant des instances de concertation, dans les dispositions communes à la fonction publique de l'Etat et, d'autre part, selon l'architecture des bases de défense. Cette situation a sensiblement modifié l'organisation du dialogue social : auparavant la représentativité syndicale se fondait sur les résultats des élections aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), elle dépend aujourd'hui des comités techniques. L'impact de toutes ces évolutions sur la cartographie des CHSCT a été important car ils sont désormais liés à la fois aux organismes et aux bases de défense, d'où une certaine perte de cohérence. De plus, le foisonnement des sujets concernant la SST perturbe parfois les syndicats. C'est pourquoi, nous avons décidé, avec eux et avec les employeurs, de dresser d'abord un bilan de la situation. Une fois établi, il nous conduira à proposer au ministre, dans le courant du deuxième semestre de 2013, des évolutions du dispositif nous assurant que les CHSCT pourront maîtriser l'application des réformes et les tensions budgétaires sources d'importantes inquiétudes.
Le recrutement, l'avancement et la politique indemnitaire des ouvriers de l'État est un chantier très complet. Il y a d'abord la question de la liquidation des pensions liée au déplacement des limites d'âge. Les ouvriers de l'État peuvent choisir de bénéficier d'une indemnité de départ volontaire (IDV), instituée afin de diminuer leurs effectifs et dont la date est calculée de façon à leur donner ultérieurement droit à une indemnité de chômage puis à la liquidation de leur pension. Or, quand nous avons décalé les limites d'âge, consécutivement à la dernière réforme des retraites, ceux qui bénéficiaient déjà de l'IDV ont subi un écart, sans rémunération, entre la fin de leur période d'indemnisation du chômage et la possibilité de liquider leur pension. Ils touchent cependant une contribution financée par la Caisse des dépôts et consignations mais inférieure au montant de leur pension à venir. Cette situation dure depuis maintenant près de deux ans, avec des cas personnels très difficiles. Les arbitrages sont en cours et nous pourrons très prochainement résoudre le problème par le versement d'une IDV spéciale, équivalente à l'allocation temporaire de solidarité (ATS).
Un deuxième sujet concerne les travaux insalubres. Les ouvriers de l'État ayant effectué, pendant un certain nombre d'années, des travaux insalubres peuvent partir en retraite plus tôt que les autres, mais ils n'ont pas nécessairement acquis le nombre suffisant de trimestres de cotisations pour toucher une pension à taux plein. Alors que les fonctionnaires en activité peuvent améliorer leur retraite par dix trimestres supplémentaires d'activité et de cotisation, nous avions autorisé les ouvriers de l'État à aller au-delà. Mais la Caisse des dépôts et consignations qui gère, à Bordeaux, le fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) estime qu'un tel mécanisme méconnaît le droit applicable et refuse donc de liquider les pensions correspondantes. Voilà sans doute pourquoi on vous sollicite aussi à ce sujet, qui renvoie parfois à des situations humaines dramatiques. Mais la recherche d'une solution progresse, dans la stricte application de la réglementation que nous avons nous-mêmes édictée.
Les recrutements des ouvriers de l'État sont gelés depuis avril 2008, conformément à une lettre de la direction du budget. Les ouvriers de l'État bénéficient, en effet, d'un régime de pensions particulièrement attractif qui rend très délicate la gestion du FSPOEIE. Mais ils détiennent aussi de précieuses compétences techniques pour notre défense. Nous nous sommes organisés afin de pallier l'absence de recrutements, notamment pour la maintenance du parc d'aéronefs, en faisant appel à 400 contractuels pour des fonctions d'opérateurs en maintenance aéronautique (OMA), conformément à la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984. Ce qui nous permet de les rémunérer convenablement, c'est-à-dire au-delà des normes de la catégorie C des agents de l'État, mais sans leur fournir de visibilité sur leur parcours professionnel, même s'ils sont tous sous contrat à durée indéterminée (CDI), ce qui nous expose à la concurrence des entreprises du secteur aéronautique. Pour le moment, nous n'avons pas à déplorer de débauchages.
Se pose aujourd'hui la question de nouveaux recrutements d'ouvriers de l'État. Car nous manquons de certaines compétences techniques, notamment en pyrotechnie, et nous ne pouvons recourir ici à la loi de 1984 : la formation des pyrotechniciens est extrêmement longue, ce qui correspond mal au statut de contractuel. La logique voudrait que la défense possède ses propres agents. Pour les quatre ou cinq années à venir, elle aurait ainsi besoin de recruter environ 700 ouvriers de l'État dans les métiers les plus sensibles.
Le sujet de l'avancement des ouvriers de l'État est également très sensible en raison du gel de leurs rémunérations depuis 2010, Celles-ci ont la particularité d'être indexées sur celles de la métallurgie parisienne, qui ont beaucoup progressé au cours des dernières années. Cette mesure, prise par équité en même temps que le gel du point de la fonction publique a pour conséquence un gel complet de la rémunération des ouvriers de l'État car, à la différence de celui des fonctionnaires, le régime indemnitaire des ouvriers de l'État suit la rémunération de base. D'où l'importance de l'avancement pour faire progresser les rémunérations et l'explication des différentes demandes parvenus jusqu'à vous.
La formation des personnels civils avait fait l'objet d'un cinquième accord-cadre couvrant la période 2008-2011. Nous discutons aujourd'hui, avec les employeurs comme avec les syndicats, de l'élaboration d'un document d'orientation à moyen terme visant à concentrer notre effort sur les formations indispensables à la conduite des missions du ministère et à l'employabilité, immédiate et renouvelée tout au long de la carrière, de ses personnels. Car, à la différence de nombreux militaires, notamment les militaires du rang et les sous-officiers, la plupart des civils partent à l'âge de la retraite, comme les autres fonctionnaires. Les techniques et les missions évoluant, nous devons sans cesse adapter les compétences de nos agents. D'où la nécessité d'une formation plus ciblée et moins « statutaire » qu'au cours des dernières années, une formation qu'on ne se contente plus de consommer mais qui valorise les parcours professionnels.
L'emploi et la mobilité s'appuient sur l'élaboration d'un référentiel des emplois et des métiers du ministère, indépendamment des statuts des personnels. L'important est bien de valoriser d'abord les compétences.
Le diagnostic territorial d'emploi, chantier lancé en 2012, consiste à ce que, dans le ressort d'activité de chaque CMG, nous établissions, en liaison avec les employeurs, une cartographie des ressources existantes, que nous confrontons à l'état des besoins. Aujourd'hui, un millier d'agents civils sont employés en sureffectifs alors que certains besoins ne sont pas satisfaits. Il nous faut donc parvenir à faire coïncider ceux-ci avec les compétences disponibles. Nous pourrons ainsi bâtir des parcours professionnels et recourir à la mobilité dans les meilleures conditions. Nous nous appuyons pour cela sur des conseillers carrière et sur l'organisation de forums, comme celui qui s'est tenu la semaine dernière sous l'égide du CMG de Bordeaux et qui a réuni un millier agents venus s'informer des besoins des employeurs.
Contrairement à une image entretenue à tort, nos personnels civils sont très conscients des changements du ministère et ils s'avèrent parfaitement capables de s'adapter à l'évolution des missions et des organisations. Ils savent prendre des initiatives, que nous accompagnons individuellement.
Dernier chantier voulu par notre ministre, l'égalité professionnelle, priorité du gouvernement, s'est déjà traduit par la nomination d'une haute fonctionnaire à l'égalité des droits, Mme Françoise Gaudin qui, en liaison avec les employeurs et la DRH pour les personnels civils, élabore des plans d'actions, notamment de formations, de promotion des femmes et d'articulation de leur vie professionnelle avec leur vie privée, ainsi que de partage de données statistiques. Il s'agit de favoriser, dans des viviers que nous avons identifiés, la prise de postes à responsabilités par nos personnels féminins.
D'une façon générale, et même si, ce qui est bien normal, les organisations syndicales nous poussent à aller toujours plus loin, le dialogue social au sein du ministère de la défense est très nourri et plutôt fructueux, comme le montre la récente réforme consensuelle des comités sociaux, dont le nombre a été ramené de 150 à 91 (hors périmètre de la gendarmerie nationale qui en conserve 50).