Intervention de Jacques Feytis

Réunion du 16 avril 2013 à 16h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jacques Feytis :

Les décisions de déploiement de Louvois étant antérieures à mon entrée en fonction, en juillet dernier, je bénéficie d'une plus grande liberté pour en parler.

Je voudrais vous présenter les quelques grands dysfonctionnements que j'ai identifiés :

• un système indemnitaire particulièrement dense, avec 170 indemnités différentes en plus de la solde de base et qui, liées à l'activité militaire, varient en permanence, Cette variabilité permanente est génératrice d'une complexité extraordinaire qui n'a son pareil dans aucune autre administration ou entreprise privée Ces dernières ne pourraient pas le supporter d'ailleurs ;

• une défaillance dans la définition du fonctionnement administratif du ministère. En effet, chaque armée disposait avant le passage à Louvois de sa propre organisation liée à son système de paye. Trois mois après la mise en oeuvre de Louvois, rien de spécifique n'a été mis en place alors qu'il aurait été nécessaire de définir en amont une nouvelle organisation, la description du rôle de chacun et une bonne coordination générale, notamment des flux d'information ;

• un nettoyage insuffisant des situations antérieures, avec notamment 130 000 dossiers individuels en retard au moment de la bascule. La difficulté du traitement de rattrapage de ces dossiers a été accentuée par une superposition de plusieurs réformes dans le domaine du soutien qui a profondément modifié l'ancienne organisation : la création des bases de défense, la fermeture peut-être prématurée des centres administratifs et comptables, la réforme des commissariats alors même qu'ils devenaient opérateurs des soldes ;

• il y a donc eu au total un problème général de gouvernance, les décisions ayant sans doute été prises sur la base de consensus insuffisamment explicites.

Le ministère de la Défense a ainsi été doté d'un système d'information extrêmement structurant qui nécessitait une adaptation simultanée de son organisation. Il aurait donc fallu en amont simplifier l'organisation au lieu de bâtir un système de systèmes d'information devant gérer la complexité.

Pour l'avenir, nous devrons, en préalable, simplifier et harmoniser nos pratiques avant d'introduire un nouveau système d'information RH afin de se doter des meilleures chances de réussite.

Nous avons donc entrepris de redresser la situation en commençant par mieux définir la gouvernance et déterminer clairement les responsabilités de chacun. Doit s'ensuivre un pilotage fonctionnel : qui traite quelle donnée ? Comment fonctionne le contrôle interne ?

Il est également indispensable d'adopter, à travers les référentiels, un langage commun. Il faut enfin assurer la bonne formation des personnels à la pratique du nouveau système.

Nombre de ces exigences ont été méconnues.

Nous sommes aujourd'hui parvenus, avec les DRH d'armée et le commissariat, à gérer convenablement nos flux d'information en direction de Louvois, qui les redistribue ensuite dans chacune des armées et permet à celles-ci de les vérifier. Mais de nombreux ajustements seront encore nécessaires avant que « l'écosystème de la solde » devienne une machine bien huilée.

Le dossier se complique du fait que nous devons, à la fois, remettre le système à flot et régler le stock de problèmes qui ont été générés au moment de la bascule.

Les difficultés les plus grandes concernaient en outre des militaires affectés outre-mer, à l'étranger ou en opérations extérieures. Nous avons donc pris, à la fin de 2012, des mesures de contournement qui ont permis de solliciter les trésoriers et de payer directement nos dettes.

Mais il nous faut maintenant régulariser aussi les erreurs « positives », c'est-à-dire les trop versés, ce qui est évidemment très délicat. Nous établirons donc des échéanciers en nous attachant à favoriser un traitement personnalisé le plus adapté aux situations individuelles.

L'ensemble des moyens mis en oeuvre permettra de stabiliser « l'écosystème » de la solde des militaires ; l'avenir du logiciel Louvois dépend des formules possibles de remplacement et de leur coût. Cette perspective est également liée à l'avenir de l'opérateur national de paye (ONP).

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