L'autre modification majeure intervenue au Sénat était la suppression de l'article 4. Cet article, rétabli à l'issu de la commission mixte paritaire, précise les procédures de consultation des institutions représentatives du personnel. Le rejet de cet article en dit long sur une certaine vision de l'entreprise : les salariés ne devraient être au courant de rien et suivre les directives de leur direction. Cela va à rebours d'un dialogue social approfondi et constructif où des objectifs communs peuvent être adoptés dans la concertation. Pour que les salariés acceptent des changements majeurs dans leur entreprise lorsque c'est nécessaire, il est évident qu'ils doivent avoir suivi l'évolution des données stratégiques de leur entreprise, non pas depuis une ou deux semaines, mais depuis plusieurs années.
S'y opposer, c'est nier le dialogue social, c'est déséquilibrer l'accord qui stipulait précisément la mise à disposition d'une base de données accessibles aux représentants des salariés. C'est d'ailleurs à l'initiative des députés du groupe RRDP, et notamment de Jean-Noël Carpentier, que les délégués du personnel pourront avoir accès à cette base de données, à défaut de comité d'entreprise.
Revenons sur ce qui s'est passé au Sénat, car l'Assemblée nationale ne peut pas ignorer les procédures utilisées dans l'autre chambre du Parlement français. Il est évident que le vote bloqué ne permet pas au Parlement de prendre toute sa part dans l'élaboration des lois, et il est regrettable qu'il ait dû être utilisé au Sénat en raison d'une obstruction manifeste.
La crise économique impose que le Gouvernement agisse avec célérité sans pour autant avancer aveuglément. Les partenaires sociaux ont eu plusieurs mois pour négocier, puis l'accord national a dû être transposé, et enfin il a été soumis aux deux chambres du Parlement. Les radicaux ne sont pas adeptes de l'obstruction et comprennent le choix du Gouvernement face à de tels procédés.
Faut-il rappeler l'urgence économique ? Le chômage est de 10,8 %. Le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle Emploi en catégorie A, c'est-à-dire sans emploi, s'établit à près de 3,2 millions en France métropolitaine. Il faut agir ; c'est ce que fait le Gouvernement aussi bien avec les contrats de génération et les emplois d'avenir qu'avec ce projet de loi sur la sécurisation de l'emploi.
Lors de l'examen en première lecture, les députés radicaux avaient émis des inquiétudes sur plusieurs aspects du texte. Nombre de dispositions ne deviendront effectives que lorsque les accords de branche auront abouti. Certains secteurs n'auront aucune difficulté à conduire efficacement les négociations ; dans d'autres secteurs, au contraire, ces négociations risquent d'être plus délicates.
Nous avions attiré votre attention sur plusieurs secteurs : celui de la grande distribution où les horaires de travail hachés et à des heures indues affectent gravement la vie personnelle et familiale des salariés ; celui du tourisme, marqué par l'importance des contrats saisonniers.
Il est souhaitable que les filières puissent s'organiser selon la spécificité de leur activité, mais l'État ne doit pas laisser la question du travail aux seules branches. Il est de son devoir de s'assurer que tous les salariés puissent disposer de droits équivalents.
Actuellement, on observe des inégalités croissantes entre des salariés protégés par des accords de branche très favorables et des salariés nettement moins protégés bénéficiant de moins d'avantages. Ces différences ne résultent pas seulement d'adaptation à la nature des activités mais de plus en plus sur des déséquilibres lors des négociations.
Dans certaines branches, des syndicats ont du mal à créer un rapport de force favorable, notamment en raison de la petite taille des entreprises du secteur. Les différences sont vérifiées et croissantes non seulement entre les branches mais aussi entre les entreprises, principalement entre les salariés des grandes et des petites entreprises. Il est sain que l'État encourage la négociation, mais il est de son devoir d'agir lorsque des différences criantes apparaissent.
Ce constat pose la base d'une problématique plus large : notre vision du progrès social doit évoluer. Ce n'est pas seulement pour les salariés de sexe masculin, âgés de trente à cinquante-cinq ans et en CDI dans une grande entreprise que le droit du travail doit être renforcé. Il doit l'être aussi pour les mères de famille, en CDD dans une petite entreprise de sous-traitance et qui passent trois heures dans les transports en commun chaque jour.