Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du 24 avril 2013 à 21h30
Infrastructures et services de transports — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce projet de loi sur les transports a débuté au Sénat en février et devrait se terminer ce soir. Il nous aura fallu moins de trois petits mois pour aboutir à une loi ambitieuse.

Renforcer « la prise en compte du développement durable, la lutte contre les risques écologiques et la protection des salariés » dans le code des transports, tel est l'objectif de ce texte, que nous partageons tous.

Les députés du groupe RRDP l'ont répété à de nombreuses reprises, nous soutenons ce projet. Il s'agit d'un soutien non pas béat et satisfait, mais lucide sur les défis qu'il nous faut relever.

Nous sommes conscients que la mise en oeuvre de la fameuse écotaxe poids lourds sera complexe, coûteuse et laborieuse, que cette écotaxe aura des répercussions économiques pour les transporteurs, les chargeurs et les professionnels faisant du transport en compte propre et qu'il faudra remettre l'ouvrage sur le métier à l'occasion de la remise du rapport d'évaluation prévu à l'article 7, mais nous sommes aussi conscients que notre pays avait besoin de mettre en place une écotaxe poids lourds.

La mise en place de l'écotaxe est la traduction d'un engagement du Grenelle de l'environnement. Le principe avait été inscrit dans la loi de programmation « Grenelle 1 », loi adoptée à l'unanimité du Parlement. Il s'agissait d'une démarche audacieuse et ambitieuse, et le Grenelle a amorcé un changement économique et sociétal dans notre rapport aux exigences écologiques.

L'écotaxe poids lourds est une nécessité. C'était l'engagement 45 des travaux préparatoires de la loi Grenelle et, d'un point de vue normatif, elle a aussi été votée dans l'article 153 du projet de loi de finances pour 2009.

Comme les péages pour les autoroutes sont fonction des coûts d'utilisation de l'infrastructure, l'écotaxe poids lourds doit couvrir les coûts d'usage par les poids lourds du réseau routier dit « non concédé ». Ensuite, cette écotaxe doit inciter à réduire l'impact environnemental du transport routier en agissant sur la diminution de la demande. Enfin, elle va dégager de nouvelles ressources pour favoriser le développement du transport intermodal et le financement de nouvelles infrastructures avec son affectation à l'Agence pour le financement des infrastructures de transport de France.

Certes, elle ne correspond pas parfaitement aux canons économiques d'une écofiscalité pure et parfaite, elle ne remplace pas une taxe existante, elle recherche un rendement fiscal et n'a pas vocation à aboutir à l'extinction de son assiette, mais elle participe du mouvement vers la mise en place d'une fiscalité écologique car elle fait porter les externalités négatives sur les utilisateurs.

Je rappelle que la fiscalité écologique n'a augmenté que de 10 % depuis 2000. C'est relativement bien moins que les autres taxes sur les produits, par exemple. Notre objectif pour réussir la transition écologique, c'est d'inverser ces courbes en tarifant des nuisances environnementales, si possible de façon neutre.

Dans ce texte, le mécanisme de répercussion proposé instaure une majoration forfaitaire. Cette déconnection du montant du coût réel de l'écotaxe a fait naître des inquiétudes, mais après des mois de concertations les acteurs concernés ont reconnu à l'unanimité qu'il s'agissait de la moins mauvaise des solutions.

La répercussion des coûts de la taxe pour les transporteurs dans le prix de leur prestation est primordiale pour ce secteur, d'autant qu'une immense majorité d'entre eux sont des PME et qu'elles risquaient des négociations trop défavorables avec les chargeurs, plus concentrés. La rentabilité économique du transport routier est faible et nous connaissons tous des entreprises de ce secteur en difficulté.

Comme vous tous, les députés du groupe RRDP ont aussi entendu des professions qui ont peur de subir plus que d'autres. Je pense aux coopératives, aux déménageurs, à ceux qui font du transport en compte propre, et même aux élus, qui craignent des reports de trafic.

Le Gouvernement a entendu les revendications bien spécifiques du secteur laitier. L'exemption est très ciblée, les véhicules citernes forment une catégorie particulière du fait du ramassage quotidien du lait, ils entrent donc dans le cadre d'une directive européenne. Cela montre l'esprit d'ouverture du Gouvernement pour améliorer le texte avec le travail parlementaire.

Il y avait une demande pour décaler l'entrée en vigueur du dispositif de plusieurs mois. Ce report était nécessaire aux entreprises pour mettre en place le système de l'écotaxe et s'équiper. Le Gouvernement a pris en compte ces arguments.

À propos de travail parlementaire, je veux rappeler l'apport décisif de mon collègue Joël Giraud en commission des affaires économiques. Avec un sous-amendement adopté à l'unanimité, il a imposé pour le rapport prévu à l'article 7 l'avis des comités de massif concernés pour évaluer les reports de trafic. Les élus de la montagne se félicitent de cet ajout. Les comités de massif élaborent le schéma interrégional des massifs, ils sont les mieux placés pour constater les reports de trafic, ils doivent avoir leur mot à dire, et nous faisons confiance au Gouvernement pour écouter avec soin ces avis.

De manière plus générale, l'évaluation de l'impact de l'écotaxe prévue par la deuxième partie de l'article 7 envisage la possibilité de revenir sur des dispositions qui se révéleraient préjudiciables. Cela nous permet d'apaiser aujourd'hui des inquiétudes, mais ce n'est pas un chèque en blanc. Nous serons très attentifs à ce rapport d'évaluation et nous comptons sur le Gouvernement pour tenir compte des constatations qu'il établira. Nous sommes convaincus que la réussite de cette écotaxe poids lourds passera par sa capacité à l'améliorer.

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