Intervention de Patrice Carvalho

Séance en hémicycle du 24 avril 2013 à 21h30
Infrastructures et services de transports — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Carvalho :

Les sénateurs se sont émus du manque à gagner sur les recettes de la taxe. Je me permets d'appeler votre attention sur deux pistes.

L'exonération de la taxe intérieure sur les produits pétroliers consentie au transport routier coûte chaque année à l'État 330 millions d'euros. Je vous invite à les mettre en rapport avec le montant de 1,2 milliard que doit rapporter l'écotaxe poids lourds.

L'ancien gouvernement avait décidé de confier la collecte de l'écotaxe à un partenariat public-privé, c'est-à-dire à la société Ecomouv, filiale d'Autostrade per l'Italia, qui va prélever 230 millions d'euros par an sur plus de dix ans, soit plus de 2 milliards. Nous aurions tout intérêt à confier cette tâche au service public, en l'occurrence au service des douanes.

J'en viens à l'article 23 qui a motivé notre vote négatif en première lecture. Il concerne la régulation du cabotage maritime national.

L'Union européenne a ouvert le transport maritime en 1986, puis le cabotage maritime en 1992 à la concurrence européenne, mais les États membres ne se sont pas mis d'accord sur les critères communs d'immatriculation de leurs navires. Certains ont abaissé leur pavillon au standard international, y compris pour le cabotage européen, instaurant ainsi une concurrence déloyale avec les navires immatriculés en France au pavillon de premier registre.

Conséquence, l'activité et l'emploi maritimes ont été mis à mal en France et la situation s'aggrave, en raison des distorsions de concurrence entre armateurs, avec l'existence en Europe de véritables pavillons de complaisance. C'est de cette manière que la compagnie Corsica Ferries avait raflé à la SNCM les deux tiers du trafic vers la Corse avec des prix cassés.

L'enregistrement sous le pavillon du premier registre français assure un haut niveau de garantie en matière de sécurisation et de droits des salariés. Mais à présent, des entreprises d'armement remplacent des équipages de marins sous statuts nationaux par des marins communautaires ou issus de pays tiers, afin de les employer à bas coût et à des conditions sociales minimales, selon les normes internationales en vigueur.

Ces normes tendent, au final, à devenir la règle en Europe et en France, grâce à la création de pavillons sous registre international. Se dessine ainsi une harmonisation par le bas du secteur maritime sur fond de mondialisation et de libéralisation des échanges. Ces pavillons peuvent afficher des coûts de transports 40 % moins cher. Des navires battant pavillon français peuvent naviguer sans plus aucun marin français à bord et dans des conditions sociales minimales et précaires.

Vous nous dites, monsieur le ministre, que le projet tend à réguler l'anarchie qui s'est installée, mais dans les limites de l'euro-compatibilité – c'est-à-dire qu'en réalité, on ne peut pas réguler grand-chose. La directive Bolkestein, à son origine, instaurait cette jungle en faisant prévaloir la législation du pays d'origine. La levée de bouclier qu'elle a suscitée a conduit à l'amender, de sorte que nous pouvons imposer les règles du pays d'accueil, d'autant plus que le secteur du transport a été sorti du champ de la directive.

C'est pourquoi je maintiens notre exigence d'application de la législation du pavillon français de premier registre aux pavillons circulant dans nos eaux territoriales. Par ailleurs, j'insiste sur l'urgence que la France porte au niveau européen l'exigence de création d'un pavillon européen équivalent au pavillon français de premier registre avec la garantie d'une haute protection sociale aux gens de mer.

Nous maintenons donc notre vote négatif.

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