Intervention de Martial Saddier

Séance en hémicycle du 24 avril 2013 à 21h30
Infrastructures et services de transports — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartial Saddier :

Les premiers seront redevables de l'écotaxe alors que les seconds seront frappés au titre du mécanisme compensateur.

De plus, cette situation fera courir le risque d'une réelle distorsion de concurrence entre ces deux types de chargeurs. Le nouveau dispositif de répercussion touchera également plus durement le transport de proximité, dont les tournées de livraison sont optimisées autour d'un faible rayon d'action. La majoration forfaitaire du prix de la prestation de transport, option retenue par votre gouvernement, semble totalement déconnectée de la taxe effectivement payée par le transporteur. Or de telles atteintes au principe de libre concurrence n'apparaissent, à nos yeux, pas justifiées au regard de l'intérêt général environnemental initialement poursuivi, et encore moins au regard des objectifs initiaux du législateur lors de l'instauration de la taxe poids lourds.

Par ailleurs, nos travaux ont fait apparaître les difficultés que pourraient rencontrer les entreprises devant utiliser plusieurs fois par jour une petite portion du réseau taxé et celles effectuant des circuits courts – une telle entreprise devant à chaque fois payer la taxe, sans pour autant pouvoir la répercuter sur la facture de ces clients. Or l'essence même du dispositif initial portait sur les longs trajets. Pour les trajets dits locaux, les 33 plans de protection de l'atmosphère – les PPA – comportent déjà de nombreuses mesures à destination du transport routier local. Pourquoi, alors, soumettre ces entreprises à la fois au futur mécanisme des PPA et à l'écotaxe ?

La rédaction actuelle de l'article 7 du projet de loi organise aussi les conditions d'un enrichissement sans cause du transporteur, méconnaissant ainsi un principe général du droit qui, nous le savons tous, s'impose tant à l'administration qu'à l'État. En effet, les transporteurs acquitteront une taxe calculée en fonction des routes empruntées par le véhicule alors que leurs clients acquitteront une majoration forfaitaire calculée en fonction des régions traversées et cela, quel que soit l'itinéraire emprunté. C'est ainsi que certains transporteurs pourront répercuter auprès de leurs clients, en majorant le prix du transport, une taxe qu'ils n'auront eux-mêmes pas payée puisqu'ils auront fait le choix d'emprunter un itinéraire non taxé.

En outre, dans ce cas, la partie du produit collecté auprès du client final représente une fraction de recette publique conservée par un acteur privé, ce qui viole le principe d'unité du budget de l'État.

Pour les mêmes raisons, le mécanisme de répercussion de l'article 7 viole également le principe de spécificité du budget de l'État et le principe de la non-affectation des recettes, en permettant à un acteur privé de conserver une fraction de recettes publiques dont le montant est inconnu de l'État.

Je ne vous cache pas, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, qu'avec l'ensemble de mes collègues du groupe UMP, nous nous interrogeons sur ces sujets depuis plusieurs semaines ; ce ne sera pas faute, en tout cas, de vous avoir interpellé sur ces différents points.

Cela me rappelle au plus haut point les débats que nous avons tenus au mois de septembre : sur un autre texte – celui instituant le bonus-malus –, à cette même tribune, avec une poignée de mes collègues – les mêmes que ceux ici présents –, nous n'avions eu de cesse de vous alerter sur les risques d'inconstitutionnalité encourus par la proposition de loi Brottes et son dispositif de bonus-malus.

De la même façon, nous nous interrogeons depuis plusieurs semaines, sur le fondement des arguments que je viens de vous présenter, sur l'éventuelle censure de l'article 7 de votre loi par le Conseil constitutionnel, soit à la suite d'un recours intenté par les parlementaires, soit à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité qui, nous n'en doutons pas, sera inévitablement posée.

Je souhaite le rappeler une dernière fois, au sein du groupe UMP, nous avons toujours défendu le principe même de l'écotaxe poids lourds et la mise en oeuvre d'un dispositif de répercussion facile à appliquer par les transporteurs, équitable, juridiquement stable et qui garantisse des ressources pérennes pour financer des infrastructures alternatives à la route.

Je viens de vous le démontrer, monsieur le ministre, le dispositif se révélera rapidement complexe, impossible à mettre en oeuvre, pénalisant pour nos entreprises et nos activités économiques. D'autres, y compris sur les bancs de la majorité, l'ont dit avant moi.

Tout au long de nos débats, tant en commission du développement durable qu'en séance publique, nous vous avons mis en garde contre les risques que le maintien en l'état du mécanisme de la répercussion de l'écotaxe faisait courir et quant à la nécessité impérieuse de le réviser pour assurer au transport de proximité et au transport pour compte propre les mêmes garanties qu'aux transporteurs routiers.

Le Gouvernement a fait le choix d'ignorer nos arguments et je suis convaincu, avec mes collègues du groupe UMP, que le dispositif connaîtra malheureusement le même sort que le bonus-malus écologique voté au mois de septembre. Cela aura un impact non négligeable sur nos infrastructures de transport et ce ne sera pourtant pas faute de vous avoir mis en garde.

Vous l'aurez compris, pour toutes ces raisons et malgré l'avancée que représente l'exonération des véhicules utilisés pour la collecte de lait dans les fermes, le groupe UMP se prononcera contre le projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transport (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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