Intervention de Olivier Véran

Réunion du 23 avril 2013 à 16h45
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran, rapporteur pour avis :

Seul l'article 22 est soumis aujourd'hui à notre discussion, mais son enjeu est essentiel car il traite du recrutement et de la formation de nos futurs professionnels de santé. Il s'agit de permettre aux universités d'expérimenter, pour une durée maximale de six ans, de nouveaux modes de réorientation des étudiants en difficulté et d'intégration des étudiants en provenance d'autres cursus dans les études de santé via des passerelles précoces.

Comme vous le savez, la loi du 7 juillet 2009 a instauré la première année commune aux études de santé, ou PACES.

Cette loi est née d'un constat unanime : l'organisation de ces études engendre, pour les étudiants, trop d'échecs et de frustration, de stress et de temps perdu. Un constat d'échec d'autant plus regrettable que le niveau des bacheliers accédant à ces filières est souvent excellent – une proportion élevée d'entre eux a obtenu une mention – et que, par ailleurs, beaucoup d'étudiants se découvrent une appétence pour le travail universitaire en intégrant les facultés.

La loi de 2009 poursuivait plusieurs objectifs : ouvrir aux étudiants un nombre élargi de débouchés et une orientation adaptée afin de réduire le taux d'échec en première année ; décloisonner les études de santé et forger une culture scientifique commune aux professions médicales et pharmaceutiques ; diversifier le recrutement des futurs professionnels de santé.

Or, les premiers bilans disponibles montrent que la mise en place de la PACES n'a pas permis de rendre cette année d'études réellement formatrice et de remédier au taux d'échec massif aux épreuves de sélection organisées à son issue.

En premier lieu, le principal objectif de la PACES, qui est de remédier au gâchis humain, n'est pas atteint.

Alors que beaucoup craignaient une augmentation importante des inscriptions en première année, on a constaté une diminution d'environ 4 % du nombre des inscrits. Mais les taux de réussite demeurent très faibles. En 2011-2012, le numerus clausus était fixé à 12 812 places, soit 24 % des inscrits en PACES. En médecine, le taux de réussite national est proche de 20 %. Il est de seulement 10 % dans les filières odontologie et maïeutique et de 27,4 % en pharmacie. Notons que l'intégration de cette dernière spécialité à la PACES a pu nuire à son attractivité et qu'il sera nécessaire, dans les années à venir, d'améliorer la communication sur ce point.

Selon la Commission pédagogique nationale des études de santé (CPNES), seuls 15 % des primants et 39 % des redoublants ont réussi à intégrer une filière santé à l'issue de la PACES en 2010-2011. Par ailleurs, on sait que 61 % des étudiants échouent à l'issue de deux présentations aux concours. En d'autres termes, près de deux étudiants sur trois qui effectuent deux années pleines n'obtiennent aucun débouché dans les filières santé. Cette année d'entrée dans l'université, qui devrait être un moment d'enthousiasme et d'épanouissement au sortir des études secondaires, est toujours vécue, et pour cause, comme une épreuve redoutable, d'autant que les voies de sortie pour ceux qui échouent sont encore trop limitées.

C'est pour remédier à ce gâchis humain, et dans l'objectif plus général d'améliorer la réussite de tous les étudiants dans le supérieur, que le premier volet de l'article 22 prévoit la possibilité d'une « orientation des étudiants de la première année commune des études de santé à l'issue d'épreuves portant sur les enseignements dispensés au début de cette première année ».

Le principe même d'une réorientation en cours d'année ou à la fin de l'année n'est pas nouveau. Il a été établi en 2009 mais très peu d'étudiants en ont bénéficié : 639 candidats seulement ont été réorientés en fin de premier semestre, 5 000 en fin d'année, sans que l'on atteigne jamais le maximum théorique de 15 %. En outre, tous n'ont pas pu intégrer une autre filière en cours d'année. Plusieurs raisons expliquent cette situation : pour que les étudiants puissent se réinscrire au second semestre, ils doivent passer les premières épreuves au plus tard à la mi-décembre, ce qui n'est pas le cas dans toutes les universités ; la réorientation intervient trop tardivement pour être efficace ; enfin, le contenu du programme du premier semestre est extrêmement lourd et le temps consacré aux révisions réduit, ce qui limite les possibilités de réussite.

Il est donc proposé d'améliorer l'efficacité du dispositif en avançant le calendrier des épreuves donnant lieu à réorientation et en adaptant leur contenu. Dans un amendement visant à préciser le champ de cette expérimentation, je propose que les réorientations aient lieu à l'issue d'épreuves portant sur le programme universitaire de l'année en cours et organisées après une période minimale de huit semaines d'enseignement. Je propose également que seuls les étudiants considérés, sur la base de ces épreuves, comme n'étant pas susceptibles d'être classés en rang utile à l'issue de la première année puissent être réorientés vers une autre filière, et que l'université ait dans ce cas l'obligation d'assurer leur inscription dans une formation qui les accueille dès l'année universitaire en cours. L'objectif est de prévenir la sélection par l'échec encore trop présente, hélas, en première année d'études de santé.

Afin de conserver une certaine souplesse dans sa mise en oeuvre, le texte ne fixe par de pourcentage pour ces réorientations : qui peut dire aujourd'hui quel sera le numerus clausus dans dix ans ? Mais, pour mieux cibler les étudiants les plus en difficulté et tenir compte de la capacité d'accueil en cours d'année des autres unités de formation et de recherche (UFR), nous proposons qu'un arrêté, élaboré en concertation avec les doyens et les représentants des étudiants, fixe la proportion des réorientations, qui en l'état actuel des choses ne devrait pas excéder 15 % des inscrits.

La réorientation doit également être offerte aux étudiants qui, à l'issue des premières épreuves, ont statistiquement trop peu de chances de parvenir à obtenir un classement en fin d'année et seraient désireux de bénéficier de passerelles en cours d'année. Je vous proposerai donc que les expérimentations puissent prévoir une réorientation facultative que les universités proposeraient aux étudiants tout en assurant, là aussi, leur inscription dès l'année universitaire en cours dans une autre filière.

Le deuxième apport de l'article 22 est l'ouverture de passerelles permettant d'intégrer des études de santé sans être passé par la PACES.

Il faut en effet adapter la formation de nos futurs professionnels de santé aux besoins de la population. Comme l'a rappelé la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à l'occasion du lancement de la stratégie nationale de santé en février dernier, « c'est dorénavant à partir du parcours de la personne, du patient, de la personne âgée ou handicapée, que doit s'organiser le système de santé, pour supprimer peu à peu les ruptures dans la prise en charge provoquées par les cloisonnements ».

Si toute la formation initiale des futurs professionnels de santé doit s'adapter à cette nouvelle donne, ce doit être également le cas de leur mode de recrutement. Il faut diversifier les profils. Or, les épreuves de sélection font une place prépondérante aux matières scientifiques, parfois au détriment de disciplines plus susceptibles de sensibiliser l'étudiant à la dimension humaine des métiers de la santé. Très peu d'étudiants titulaires d'un baccalauréat non scientifique sont admis en deuxième année – environ 1 % pour les médecins et odontologistes et 5 % pour les pharmaciens. Pourtant les sciences humaines et sociales, ainsi que les enseignements relatifs à la santé publique, paraissent tout aussi utiles à la formation de bons praticiens. Et il est laissé peu de place à une deuxième chance pour les bacheliers qui n'ont pas réalisé de bonnes études secondaires mais qui sont potentiellement capables d'augmenter la qualité et la quantité de leur travail.

Enfin, si la loi de 2009 a élargi les passerelles entrantes, cette option n'est accessible qu'aux étudiants titulaires d'un master. J'observe d'ailleurs que toutes les places offertes ne sont pas pourvues. En outre, les études montrent que les catégories les plus modestes ont moins de chances d'accéder à un niveau master.

C'est pourquoi je proposerai d'ouvrir la possibilité à des étudiants titulaires d'une licence d'intégrer la deuxième ou troisième année des études médicales, odontologiques, pharmaceutiques ou maïeutiques. Ces étudiants, recrutés sur dossier et entretien, pourront avoir à se remettre à niveau dans certaines matières, car il n'est pas question de renoncer à l'excellence du niveau d'études. Pour répondre aux inquiétudes de certains, je précise que cette voie d'entrée aurait vocation à compléter et non à remplacer la voie de droit commun qu'est la PACES.

Je vous proposerai enfin un amendement visant à élargir le champ de cette expérimentation aux projets de licences « santé » généralistes à spécialisation progressive, où l'entrée dans les études de santé se ferait, selon la filière, à la fin d'une, deux ou trois années de cursus commun. Cette proposition figurait dans le rapport de M. Vincent Berger et dans celui de notre collègue Jean-Yves Le Déaut. Les universités des Pays de la Loire ont mis au point un projet de ce type pour la rentrée 2014. Une telle solution a l'avantage de regrouper des étudiants d'horizons différents et de lutter contre la seule logique de bachotage, car l'évaluation et la formation sont dissociées, tout en conservant le principe d'une sélection pour les métiers soumis à numerus clausus.

En conclusion, cet article s'inscrit dans la même logique que la loi de 2009 créant la PACES : il s'agit, d'abord et avant tout, d'éviter que cette année ne soit vécue, au pire comme un traumatisme, au mieux comme une perte de temps, par une majorité d'étudiants ; ensuite, de faire en sorte que des étudiants ayant fait la preuve de leur niveau et de leur motivation puissent intégrer les études de santé en deuxième ou troisième année.

Je ne doute pas que, dans ces conditions, vous émettrez un avis favorable à l'adoption de cet article modifié.

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