Intervention de Olivier Véran

Réunion du 23 avril 2013 à 16h45
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran, rapporteur pour avis :

Je constate avec bonheur que nous nous accordons tous pour lutter contre l'immense gâchis que représente aujourd'hui la sélection draconienne – et probablement injuste – de nos étudiants en première année d'études de santé. Je me réjouis également que personne ne s'oppose au principe de l'expérimentation retenu par le Gouvernement, ni à la volonté de réformer le programme de première année. Nous convenons tous que la sélection par QCM portant sur la pensée d'Aristote ne garantit pas la qualité d'un futur professionnel de santé.

Notre majorité est cependant en désaccord idéologique avec l'opposition sur la question de la sélection à l'entrée de l'université – point dont la loi ne traite pas et dont elle ne traitera pas – je vous le garantis. Nous ne prévoirons aucune sélection selon le niveau des résultats obtenus au cours des études secondaires ni selon l'origine ou le niveau sociaux. Le droit à une seconde chance sera également maintenu puisque le redoublement restera possible. Voilà trois principes auxquels nous nous engageons à ne pas déroger.

Par ailleurs, vous êtes nombreux à exprimer vos préoccupations quant à la démographie médicale et au numerus clausus. Nous nous accordons tous sur le fait que l'adaptation de l'offre de soins à la demande pose problème. C'est d'ailleurs pourquoi la stratégie nationale de santé comprend un volet consacré à la formation qui devrait permettre d'assurer une certaine régulation démographique et qui prévoit la refonte des trois cycles d'études de médecine et de santé. Il n'est donc pas opportun d'aborder la question démographique dans ce projet de loi.

Jean-Pierre Door a évoqué la possibilité d'intégrer un cursus d'études de santé en troisième ou en quatrième année de faculté : elle existe effectivement déjà actuellement, et ce, dès la deuxième ou troisième année d'études de médecine – point qui est maintenu par le projet de loi. Cela étant, elle n'est ouverte qu'aux titulaires d'un master, ce qui constitue un facteur de discrimination sociale. C'est pourquoi la loi permettra cette intégration à tous les titulaires d'une licence. La passerelle sera ainsi plus précoce.

Si Arnaud Richard rappelle à juste titre que la réorientation concerne déjà obligatoirement 15 % des étudiants, en pratique, les universités n'atteignent pas ce taux. Et ce que propose l'article 22 du projet de loi, c'est une réorientation à la fois plus précoce – au bout de huit semaines et non au terme d'un semestre complet – et qui reste facultative au-delà de ce taux de 15 %. Ainsi les universités auront-elles la possibilité de la proposer aux étudiants susceptibles de rencontrer des difficultés pour valider leur première année.

Je tiens à rassurer Élie Aboud quant à l'aspect vraisemblablement sélectif des passerelles qui permettront d'intégrer des études de santé lorsque l'on est titulaire d'une licence : car en tout état de cause, il n'y aura pas suffisamment de place pour accueillir tout le monde. Le système actuel est d'ailleurs déjà sélectif et sans doute les doyens appliquent-ils des critères de sélection draconiens à l'entrée par ces filières puisque seules 160 places sur les 210 disponibles sont attribuées aux titulaires d'un master souhaitant intégrer une faculté de médecine, alors qu'il y a trois fois plus de demandes.

Quant à la question posée par Arnaud Robinet concernant les kinésithérapeutes, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a indiqué au Sénat il y a quinze jours que désormais, tous les étudiants en kinésithérapie – qu'ils soient formés en institut de formation ou par l'université – bénéficieront d'un agrément universitaire au bout de leur première année d'études, soit directement, soit par le biais d'une convention conclue avec ces instituts. J'ai par ailleurs déposé un amendement proposant la création d'une année commune aux études paramédicales pour des professions dont la liste sera définie par arrêté après concertation avec les organisations représentatives. Plusieurs expérimentations seront menées dans des universités régionales et non seulement dans les grosses universités des grandes métropoles.

Je confirme de nouveau à Laurent Marcangeli que nous ne prévoyons pas de sélection à l'entrée.

Isabelle Le Callennec a raison d'insister sur l'importance du droit à une seconde chance – qui ne sera pas remis en question par le projet de loi : le texte ne limitera pas la réorientation aux études de santé si bien qu'un étudiant en première année de médecine pourra entreprendre un cursus de sciences humaines. Les expérimentations seront définies par chaque université et proposées pour validation au ministère.

La médecine est-elle un art ou une science ? Nous nous posons cette question depuis de très nombreuses années tant il est vrai que les deux profils sont fondamentaux.

Je rappelle que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 comprend des dispositions relatives à la démographie médicale qui concernent directement les étudiants – et notamment l'extension des contrats d'exercice de service public à destination des jeunes étudiants qui décideraient de s'engager en zone sous-dotée pendant tout ou partie de leur carrière médicale.

Quant à l'enseignement sur DVD en PACES à la faculté de médecine de Grenoble, tant les étudiants que les enseignants se disent très satisfaits du dispositif – ce qui nous inciterait plutôt à l'étendre. Il a notamment permis de diversifier de façon très conséquente le profil de recrutement des étudiants : on recense désormais moins d'étudiants issus des grandes villes ou de milieux aisés ou encore de fils de médecin.

Face à l'essor des formations payantes, depuis plusieurs années, les universités proposent un tutorat public en première année, reposant largement sur une solidarité entre les étudiants ayant réussi le concours et leurs jeunes collègues. Ce tutorat est un succès comme en attestent tous les classements universitaires en première année de médecine, ainsi qu'en internat. Pour autant, il est vrai que les écoles privées existant en parallèle pour accompagner la formation à tous les concours – que ce soit en médecine ou pour l'intégration des grandes écoles – persistent, car aucun outil législatif ne les interdit.

Enfin, Christian Hutin a évoqué les médecins qui, parvenus au terme de leurs études, décident de ne pas exercer leur profession. Je ne dispose d'aucun chiffre précis sur ce point mais je sais en tout cas que le taux d'arrêt en cours d'études de médecine s'élève à 10 %.

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