Intervention de Jean Leonetti

Séance en hémicycle du 25 avril 2013 à 15h00
Renforcement des droits des patients en fin de vie — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission, mes chers collègues, la mort c'est l'autre, c'est toujours l'autre.

Je ne peux tirer aucune expérience personnelle de ma propre mort et donc aucun enseignement. Je suis marqué par la mort de l'autre, celui de l'être aimé que j'ai accompagné et qui me manque. Cette expérience structure ma pensée sur la mort, et quelquefois m'y enferme.

La mort est désormais totalement, presque excessivement, médicalisée. On demande logiquement à la médecine d'adoucir la mort comme elle a adouci la vie, redoutant bien sûr l'acharnement thérapeutique et refusant que cette médecine trop technique vole ces derniers instants, à nous-mêmes ou à ceux que nous aimons.

La mort est encore taboue et le vaste problème de la fin de vie, de la vulnérabilité des personnes en cette partie finissante de leur existence, est souvent abordé de manière binaire, sous le seul angle de l'euthanasie ou du « droit à la mort », de sorte que sont niées à la fois sa complexité et la diversité des situations humaines rencontrées.

La loi relative aux droits des malades et à la fin de vie, votée à l'unanimité il y a huit ans, presque jour pour jour, est une loi imparfaite. Mais faut-il espérer qu'une loi parfaite règle de manière parfaite nos existences et nos fins de vie ? Cette loi a été modifiée en 2008 et en 2010.

Nous nous trouvons aujourd'hui dans un contexte particulier. Le candidat François Hollande a en effet proposé, de manière quelque peu ambiguë, « l'assistance médicalisée pour finir sa vie dans la dignité ». Certains ont pu y voir une incitation à la légalisation de l'euthanasie, d'autres un appel à l'intensification des soins palliatifs. En réalité, le candidat avait exprimé son opposition à l'euthanasie, ce qui a contribué à clarifier la situation.

Une fois élu, François Hollande a chargé Didier Sicard de présider une mission et d'aller à la rencontre des Français. Après avoir rencontré entre 4 000 et 5 000 personnes, la mission a rendu son rapport. Elle y souligne avec force « l'exigence d'appliquer résolument les lois actuelles plutôt que d'en imaginer sans cesse de nouvelles » et réaffirme « le danger de franchir la barrière de l'interdit. »

Par ailleurs, elle relève que la parole du malade est peu entendue dans cette période de grande fragilité, confirmant le rapport Ferrand, qui soulignait que 30 % des Français meurent encore dans les hôpitaux dans des souffrances physiques et morales ressenties comme atroces.

Le rapport Sicard propose deux améliorations à la loi actuelle concernant les directives anticipées et la sédation terminale. Elles font l'objet de la proposition de loi que nous vous présentons aujourd'hui.

Les directives anticipées doivent pouvoir devenir opposables, dans un pacte solidaire de confiance entre le corps médical, qui s'engage à faire ce que le malade a souhaité, et le malade lui-même, qui les a écrites et signées. Il s'agit de faire simplement respecter la parole du malade lorsqu'il ne peut plus exprimer sa volonté.

La sédation en phase terminale permet, dans le cadre de la définition donnée par la société française d'accompagnement et de soins palliatifs et par la Haute autorité de santé, d'éviter les souffrances réfractaires en fin de vie. Désormais, elle doit pouvoir être demandée et exigée par les patients qui se trouvent dans ces conditions. Il s'agit de pouvoir dormir pour ne pas souffrir avant de mourir. Homère ne rappelait-il pas que « le sommeil et la mort sont des frères jumeaux » ?

Sur cette initiative, j'entends un certain nombre de critiques – modérées, et le plus souvent amicales. Pourquoi pas l'euthanasie ? Je pourrais, par facilité, répondre que le Président de la République s'y est déclaré hostile et que le rapport Sicard la rejette. Mais je vous propose de lire l'étude conjointe de l'Institut national des études démographiques et de l'Observatoire de la fin de vie, où il est rappelé que la légalisation de l'euthanasie augmente paradoxalement les pratiques clandestines.

Enfin, comme le souligne le rapport Sicard, tous les pays qui ont légiféré en la matière ces dernières années ont copié la loi française plutôt que les lois belge ou hollandaise. De l'Argentine à la Suède, de l'Espagne au Royaume-Uni, c'est le modèle français qui prédomine.

Quant au suicide assisté, madame la ministre, je pense qu'il s'agit d'une belle idée, difficile toutefois à mettre en oeuvre. Si l'on n'y prend garde, elle peut ouvrir la voie à des dérives, comme en Suisse, où 30 % des personnes qui en bénéficient ne sont pas atteintes de maladie grave et incurable.

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