Intervention de Luc Chatel

Séance en hémicycle du 25 avril 2013 à 15h00
Renforcement des droits des patients en fin de vie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLuc Chatel :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, M. Leonetti l'a très bien rappelé, nous partageons une responsabilité devant cette assemblée, celle d'avoir à traiter, à gérer, la question si importante de la fin de vie. La mort est la seule certitude de la vie. Ce débat honore notre assemblée et fait la grandeur de notre mandat de parlementaire parce qu'il transcende les clivages. Il est essentiel que chacun suive ses convictions et les partage dans cette enceinte.

Le Président de la République – et Dieu sait si nous avons des différends avec lui – a souhaité légiférer sur la question de la fin de vie. C'est un bon sujet. Suite à la remise du rapport du professeur Sicard, Jean Leonetti l'a pris au mot. C'est pourquoi nous vous présentons cette proposition de loi visant à renforcer les droits des patients en fin de vie.

Le rapport Sicard nous donne une occasion propice pour réaffirmer les valeurs qui nous guident dans la définition de ce que doit être l'accompagnement de la fin de la vie et pour préciser ce qui doit l'être, huit ans après la première loi de notre collègue Jean Leonetti, qui avait admirablement posé les bases de notre doctrine sur ce sujet. Je crois que chacun le reconnaît.

Dans une société où, trop souvent, nos proches pouvaient mourir dans la douleur et l'incompréhension de leur mal-être, la loi Leonetti de 2005 a pour la première fois posé des principes clairs : l'interdiction de l'acharnement thérapeutique et l'obligation de traitements palliatifs. Elle a voulu mettre la personne au coeur de la fin de la vie, afin de ne plus traiter celle-ci dans sa seule dimension médicale, ce qui était trop souvent le cas, mais de l'envisager dans ses multiples dimensions : psychologique, relationnelle, affective, et même spirituelle.

Ceci, c'est notre famille politique qui l'a voulu, mais elle l'a défendu après la loi Kouchner de 2002 qui esquissait le principe de la dignité de la personne malade, sans aller plus loin. Rappelons-nous l'intensité des débats qui ont eu lieu dans notre hémicycle en 2004, tant ceci n'avait alors rien d'évident. Aujourd'hui, plus personne ne penserait contester ce qui est devenu le fondement de notre réflexion pour l'accompagnement de la fin de vie.

C'est le rapport Sicard lui-même qui demande une meilleure application de la législation existante – suivi en cela par l'Ordre des médecins, dans son avis rendu en février – et qui préconise de promouvoir la connaissance et l'application de la loi Leonetti, en soulignant qu'elle répond au plus grand nombre de situations de fin de vie.

Mais surtout, si nous proposons une nouvelle loi aujourd'hui, c'est que nous partageons votre avis, madame la ministre : le temps est venu d'aller plus loin.

La question de la fin de vie, ô combien sensible, n'est l'apanage ni du Président de la République, ni de la majorité, ni même du Parlement. C'est l'apanage de tous nos concitoyens, qu'ils soient confrontés eux-mêmes ou à travers l'un de leurs proches à l'approche de la mort.

Il faut le reconnaître, aujourd'hui, la loi Leonetti est souvent mal connue ou mal appliquée ; nos équipes soignantes manquent de formation, et, lors de ses consultations, la mission Sicard a pu recueillir le témoignage de Français révoltés qui avaient vu un proche mourir dans la souffrance, peu ou pas accompagné, parce que les principes qu'impose la loi n'avaient pas été mis en oeuvre pour assister le mourant dans ses dernières heures.

Cela, nous devons l'améliorer. Nous ne devons plus permettre que des situations semblables puissent se produire.

Nous avons entendu les objections que vous avez déjà formulées en commission, madame la ministre.

Pourquoi, ainsi, légiférer sous forme de proposition de loi, alors que nous vous avons reproché très récemment de vouloir passer en catimini pour autoriser la recherche sur l'embryon ? Je vous réponds : dès lors que ce sujet transcende les clivages, la proposition de loi reste notre seule arme législative, notre seule possibilité de contribuer au débat parlementaire. C'est ce que Jean Leonetti a souhaité faire dans la continuité du travail qu'il avait mené en 2004 et 2005.

Vous nous avez également objecté le fait que le calendrier n'était pas le bon, qu'il aurait fallu attendre que la réflexion soit plus avancée. Je vous l'ai dit, cet argument est un peu tiré par les cheveux. Certes, nous attendons l'avis du Comité national consultatif d'éthique. Je regrette que la publication de cet avis, initialement prévue mi-avril, ait été repoussée, mais nous ne pouvions prévoir ce contretemps lorsque l'ordre du jour du Parlement a été fixé.

Nous considérons pour notre part que la question de la fin de vie n'attend pas. À nous de nous en saisir de nouveau pour qu'à l'avenir, ce désir qui habite chacun de pouvoir mourir dans la dignité prenne tout son sens dans des actes.

Jean Leonetti a voulu situer sa démarche sur le terrain de l'humanisme. Cette proposition de loi pose un principe nouveau : tout malade conscient, atteint d'une affection grave et incurable en phase terminale et d'une souffrance physique et morale qu'il juge insupportable, peut demander une sédation qui soulagera sa souffrance.

Dans le même esprit, et afin d'améliorer la pratique des directives anticipées, peu utilisée aujourd'hui, elle propose que, dans les directives anticipées de toute personne, puisse être mentionné le désir de bénéficier d'une sédation qui atténuera ses souffrances en phase terminale de la fin de vie.

Ce faisant, nous répondons à deux impératifs : celui du respect de la parole du malade et de son autonomie, qui a été souligné par le rapport Sicard, et celui de la dignité du malade jusque dans ses derniers instants. Si nous voulons tous mourir dans la dignité, encore faut-il savoir de quelle dignité il s'agit.

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