Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre collègue Jean Leonetti soumet à notre examen une proposition de loi visant « à renforcer les droits des patients en fin de vie ». Voilà un titre qui aurait pu augurer une très bonne nouvelle pour les 86 % de Français favorables à l'euthanasie. Hélas, la lecture du texte nous apprend qu'il s'agit en fait de renforcer la protection du corps médical quand il est confronté à ce type d'événements, tout en nous faisant croire que l'on renforce les droits des malades.
Les citoyens, les patients et leurs familles veulent un nouveau droit, acquis dans d'autres pays en Europe : celui de choisir comment abréger ses souffrances et comment un malade entend rester digne jusqu'à la mort. Ils ne veulent pas de la sédation proposée dans le texte, car elle prendra un temps plus ou moins long selon les capacités du malade à résister. Ils demandent une aide active à mourir vite. Il s'agit là d'un droit individuel qui reste à conquérir.
Le droit de finir sa vie dans la dignité est l'une des dernières libertés fondamentales que nous ayons à conquérir. Il ne sert à rien d'honorer la vie si nous sommes incapables de donner à l'être humain les moyens de maîtriser la sienne jusqu'au bout. Pourtant, le texte qui nous est soumis continue à refuser ce droit. Il rend même obligatoire la validation par le médecin des directives anticipées du patient. Quelle contradiction ! Alors que la société reconnaît à chaque individu le droit de décider par lui-même de la conduite de ses actions et du sens qu'il donne à sa vie, au moment de mourir, de faire ce saut intime dans la mort, on lui retire le droit de décider pour lui – d'autres le feront à sa place.
L'idée d'instaurer un collège de quatre médecins – au lieu de deux, comme dans certains pays – rendra impossible tout accord unanime car, comme le reconnaît lui-même M. Leonetti, en phase terminale, il existe souvent des conflits de positionnement entre les médecins, ce qui est bien normal.
Les patients et leurs familles ne sont aujourd'hui que les spectateurs impuissants de la maladie et du corps médical. Cela doit cesser. Il ne s'agit pas de se réfugier derrière les soins palliatifs pour ne pas avoir à répondre à la vraie question. Il ne faut surtout pas opposer euthanasie et soins palliatifs, car les pays qui ont légalisé l'euthanasie ont vu augmenter le nombre de lits et de demandes d'admission en soins palliatifs. Les capacités dans ce domaine doivent être renforcées.
Nous sortirions grandis de ce débat si nous acceptions enfin d'affronter la vraie question, plutôt que de vouloir aménager la loi de 2005 dans la précipitation, histoire de donner l'impression de faire un pas en avant. Car en fait de pas en avant, il s'agit d'un pas de côté. Rappelez-vous qu'à l'occasion de l'évaluation en 2008 de la loi de 2005, la conclusion du rapport de notre collègue Leonetti était qu'il ne fallait rien changer.