Intervention de Michel Liebgott

Séance en hémicycle du 25 avril 2013 à 15h00
Renforcement des droits des patients en fin de vie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Liebgott :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat nous permet de rappeler que la gauche est avant tout avant-gardiste sur le plan sociétal. Je ne rappellerai pas, puisque certains l'ont évoqué, la position de M. Badinter et l'abolition de la peine de mort, le PACS, plus récemment le mariage pour tous. Aujourd'hui, vous nous invitez à débattre d'un sujet qui nous est tout aussi cher, celui de la recherche de la liberté, fût-elle celle de mourir.

Le groupe SRC a déposé par le passé un certain nombre de propositions de loi, qui affirmaient explicitement le droit de vivre sa mort, le droit de finir sa vie dans la dignité. Le Président de la République, alors candidat, dans son engagement n° 21, dit très clairement qu'il faut pouvoir bénéficier d'une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité.

Je n'oublie pas non plus que, dans les années 1980, la circulaire que l'on a appelée la circulaire Laroque, fruit d'une initiative de Michèle Barzach, avait pour objet de développer les soins palliatifs – que personne ici ne conteste –, mais aussi de combattre, déjà, à l'époque, les propositions de l'association pour le droit de mourir dans la dignité.

De ce point de vue, une fois de plus, je suis obligé, comme beaucoup, de constater que la France est loin d'être avant-gardiste. Beaucoup de pays scandinaves, de pays voisins – on a cité les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, la Suisse, tous États évolués, dans lesquels la liberté et l'égalité ont un sens fort et où la laïcité est affirmée – ont osé aller beaucoup plus loin que nous, sans doute à juste titre, sans jamais porter atteinte à la liberté de qui que ce soit. Chacun est libre de faire usage de cette liberté, qui est une liberté totale.

Il est vrai que, dans le texte que vous nous proposez, vous élargissez le champ des soins palliatifs, ce dont on peut se féliciter : il me semble d'ailleurs que ce sont plus les moyens que les principes qui sont ici en débat, puisque nous sommes tous peu ou prou conscients que les soins palliatifs sont actuellement souhaités par une très large majorité de la population. Néanmoins, 61 % des personnes bénéficiant de ces soins considèrent qu'il faudrait pouvoir aller plus loin ; ils seraient prêts à s'engager, s'ils le pouvaient, dans la voie de l'euthanasie, qui n'est malheureusement pas possible en France.

Cette interdiction induit nécessairement des inégalités, car ceux qui peuvent aujourd'hui y recourir le font dans des États voisins. Or, pour ce faire, il faut avoir un réseau relationnel, savoir comment s'y prendre, être accompagné, prendre des dispositions particulières : ceci ne me paraît pas conforme à la façon dont nous devons mettre en oeuvre aujourd'hui le droit pour chacun de choisir sa propre mort.

Monsieur Leonetti, vous avez sans doute été l'un des parlementaires les plus courageux sur ce sujet – je ne peux que vous en féliciter –, de même que vous avez pris le temps, dans le passé, de bien écouter les uns et les autres. La loi portant votre nom, du 22 avril 2005, est d'ailleurs issue d'une mission d'information et d'une succession de rapports parlementaires.

Ceci me conduit, quant à la forme, à vous inviter – à nous inviter, en quelque sorte –, au moment où vous lancez un nouveau débat, qui n'est pas destiné, je le suppose, à régresser, à reculer, mais à aller plus avant, à progresser, à prendre le temps d'écouter, d'échanger, afin, s'il est possible, de nous rapprocher d'une vision encore plus consensuelle.

On le voit bien, en effet, à travers l'expression des uns et des autres, nous ne sommes encore pas tous d'accord. Il serait important pour la société française que ne se répète pas le triste spectacle de ces derniers jours, où la rue a voulu, en quelque sorte, contester ce que la représentation nationale avait construit, non dans l'improvisation, mais dans l'écoute, après plus de 170 heures de débat et 120 auditions. Ces débats se sont poursuivis hors même de l'enceinte parlementaire, dans les médias – il n'est pas une télé, pas une radio qui n'ait pas organisé de multiples débats. On ne peut donc absolument pas considérer que le débat n'a pas eu lieu, sur le plan parlementaire comme sur le plan médiatique.

J'espère simplement que, s'agissant du texte que vous nous proposez, nous parviendrons au même résultat : je souhaite, à titre personnel, que l'on aille au-delà, non en deçà (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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