Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il n'est pas de sujet plus empreint d'humanité ou devant lequel les hommes, dans leur grande diversité, sont plus égaux entre eux que celui qui nous réunit ici et maintenant.
Qui, en effet, au cours de sa vie, ne se pose pas la question de sa propre fin et des conditions dans lesquelles cet ultime événement doit prendre sa place ?
Cette préoccupation devient même existentielle quand la maladie frappe avec son lot de souffrances inacceptables, de déchéance du corps et de l'esprit et d'insupportables angoisses devant l'inéluctable.
Subir cette agonie malgré l'aide apportée par la médecine palliative – il faut reconnaître que le nombre de lits qui y sont dédiés est dérisoire au regard des besoins exprimés – et la bienveillance reconnue des praticiens et de leurs équipes ou y mettre fin par un départ anticipé, volontaire et accompagné : tel est le choix auquel chaque patient, et lui seul, devrait pouvoir accéder.
Or, paradoxalement, avoir le choix de sa fin de vie est une liberté élémentaire qui reste à conquérir aujourd'hui en France.
Ce choix d'homme libre – la possibilité de mourir dans la dignité par une interruption volontaire de vie – reste en effet un horizon que le législateur, dans sa plus grande responsabilité et avec une profonde humilité face aux drames de la fin de vie, n'a pas encore pu inscrire dans le droit de notre pays.
Des avancées sur ce chemin ont toutefois déjà été permises.
Ainsi, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé renforce le droit du patient de ne pas subir un traitement contre son gré, puisque celui-ci peut s'opposer à un traitement même lorsque ce refus est susceptible d'abréger sa vie.
La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie est venue ensuite compléter la législation en ouvrant au malade la possibilité de demander au médecin de suspendre ou de ne pas entreprendre des traitements jugés comme une obstination déraisonnable.
Cependant, il reste encore, au nom du droit de tout individu à disposer de son corps et à considérer que la vie symbolique est différente de la vie biologique et que la mort commence quand la vie symbolique s'arrête, au nom du respect de la liberté de conscience et du libre arbitre de tout être humain, à permettre à chaque patient d'être maître de son destin jusqu'au bout sans qu'aucune considération philosophique, religieuse ni médicale ne puisse s'opposer à cette liberté fondamentale.
Il reste encore à apporter un droit nouveau en réponse à la demande de la société française d'une aide active à la fin de vie.
Une nouvelle étape législative doit par conséquent être franchie.
Or, force est de constater que la proposition de loi visant à renforcer les droits des patients en fin de vie, que nous examinons aujourd'hui, ne répond malheureusement pas à cette attente.
En effet, la sédation terminale, proposée par le Conseil national de l'Ordre des médecins dans sa communication du 14 février 2013, qui figure dans l'article 1er de cette proposition de loi, ne vise de fait qu'à détourner l'attention de la représentation nationale du sujet qu'elle doit traiter.
Parce qu'il dispose que des directives anticipées peuvent être validées par le patient et par le médecin sans prévoir que celles-ci soient contraignantes à l'égard du médecin en cas d'urgence vitale immédiate, l'article 2 marque un recul évident de la liberté du patient.
Cette proposition de loi ne peut donc qu'être renvoyée à un nouvel examen plus abouti et dont l'esprit serait conforme à l'engagement n° 21 pris par le Président de la République au printemps 2012 : « Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d'une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. »
Le Gouvernement a d'ores et déjà saisi en ce sens le Comité consultatif national d'éthique des orientations qu'il souhaite inscrire dans son futur projet de loi sur ces questions.
À ce stade du processus de réflexion, je considère comme impératif le respect des directives anticipées émises par le patient et formulées au terme d'un cheminement personnel éclairé et juridiquement encadré. En d'autres termes, il me paraît absolument nécessaire de permettre au patient qui en fait le choix en conscience d'accéder à une interruption volontaire de vie.
Formulée préalablement de manière lucide, éclairée et réitérée, l'interruption volontaire de vie sera pour chaque patient le droit à un dernier acte de vie avant la mort, l'ultime respect de son humanité.
Je conclurai mon propos par ces mots : on n'a qu'une vie pour être un homme, mais il faut toute une vie pour être un homme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, écologiste et RRDP.)