Intervention de Marisol Touraine

Séance en hémicycle du 25 avril 2013 à 15h00
Renforcement des droits des patients en fin de vie — Discussion générale

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi de saluer à mon tour la qualité des débats qui viennent de se tenir. Ils montrent qu'il s'agit d'un sujet majeur sur lequel les attentes de la population sont importantes, et qu'il faut aborder avec sérieux et considération. Ils ont aussi montré, parfois en filigrane et parfois de façon de façon plus explicite, qu'il y a différentes façons d'appréhender les enjeux.

Je me réjouis d'abord de la référence qui a été faite à plusieurs reprises à l'engagement pris par le Président de la République au cours de la campagne électorale, parce que j'ai le souvenir de certains débats moins apaisés à cette époque. Le temps passant, on s'aperçoit que ce qui était impensable hier devient aujourd'hui éminemment souhaitable, au point de faire l'objet de propositions de loi.

Il me semble également que le débat a été très bien posé par les interventions des uns et des autres. Au fond, il y a eu unanimité pour considérer que la loi de 2005 qui porte votre nom, monsieur le rapporteur, a constitué une avancée considérable.

Comme l'ont souligné divers intervenants, notamment Jeanine Dubié et Marie-Odile Bouillé et M. Chatel, cette loi se heurte aujourd'hui à des difficultés pour être appliquée dans sa lettre et dans son esprit, et qu'il nous fallait donc faire en sorte que les soins palliatifs trouvent pleinement leur place et soient pleinement maîtrisés et connus. Cela suppose une amélioration de la formation des étudiants et des médecins et une plus grande diffusion de ces soins palliatifs, non seulement en milieu hospitalier mais aussi à domicile. C'est un point sur lequel insiste beaucoup, par exemple, le professeur Aubry. Il y a donc un consensus sur ce point, même si l'on peut discuter de la meilleure manière de procéder.

La question qui se pose est celle de savoir s'il faut aller au-delà. Vous-même, monsieur le rapporteur, vous avez très bien posé les termes de ce débat en expliquant que lorsque l'on arrive à l'extrême fin de la vie, la question n'est pas celle de savoir comment s'exerce l'autonomie, mais de savoir comment soulager la souffrance, comment l'accompagner, comment garantir la dignité. Il existe donc une première interrogation sur l'ultime moment. S'agit-il de quelques heures ou de quelques jours, cela peut-être discuté, mais cette interrogation de l'ultime moment porte sur la dignité.

À ce questionnement s'ajoute celui de l'autonomie, qui a été posé par d'autres intervenants. Le rapporteur a bien indiqué que cette question de l'autonomie se pose à un moment où l'on est encore autonome. C'est bien ce débat qui a été ouvert. J'ai entendu les interventions de Gérard Sebaoun, Christophe Léonard et Alain Fauré, ainsi que celle de Mme Fraysse, qui exprimait des réserves sur certaines perspectives qui pourraient être ouvertes à l'avenir, bien qu'à ce stade, aucune ne le soit. À l'inverse, Mme Barbara Pompili a appelé de ses voeux une démarche plus volontariste. Dans tous les cas, il apparaît clairement que la question ne se résume pas, aujourd'hui, à l'extrême fin de la vie.

De ce point de vue, monsieur le rapporteur, votre proposition de loi, parce qu'elle en reste là, n'épuise pas le débat tel qu'il est posé et qu'il a été porté dans le cadre de la commission Sicard, et tel qu'il doit être porté par le Comité consultatif national d'éthique. Ce dernier a été saisi de trois questions précises par le Président de la République, qui ne se limitent pas à l'enjeu de la dignité au moment où la fin est assurée dans un délai extrêmement rapproché.

C'est pourquoi nous avons besoin de continuer à réfléchir et à travailler. Mais je crois qu'aujourd'hui, la discussion a permis d'identifier clairement que nous sommes confrontés à des questionnements de nature différente. Au fond, la proposition de loi que vous présentez, monsieur le rapporteur, constitue une étape supplémentaire, après celle qui a donné naissance à la loi de 2005. Aujourd'hui, la question posée est celle de savoir s'il nous faut ouvrir un cadre nouveau à côté de celui qui existe, avec – et j'en resterai là, aujourd'hui – différentes perspectives possibles et différents questionnements possibles. Il a été fait référence à des modèles étrangers de nature différente : la Belgique n'est pas la Suisse, qui n'est pas l'Oregon. Des législations et des pratiques différentes existent, et nous voyons bien que ce débat-là doit également être ouvert aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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