Intervention de Sonia Lagarde

Séance en hémicycle du 25 avril 2013 à 15h00
Égalité des droits et intégration des personnes en situation de handicap — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSonia Lagarde :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, comme l'a écrit Emmanuel Levinas, « chaque humain, sans exception, est un membre indispensable ainsi qu'une chance pour l'humanité ».

Ce qui conditionne le lien démocratique dans notre société si technicienne, si follement engagée dans la course à la performance, si attachée aux plus forts, mais aussi si profondément affectée aujourd'hui par l'inquiétude et la peur du lendemain, ce n'est pas l'excellence d'autrui mais bien la connaissance et la reconnaissance de sa fragilité.

Au fond, le handicap n'est jamais qu'un aspect de la diversité dans laquelle doit s'enraciner la démocratie. Dans notre conception de la démocratie, la société se doit de reconnaître la diversité des êtres humains qui la composent et s'en nourrir.

Le préambule de la constitution du 27 octobre 1946 se fait l'écho de cette nécessité de protéger les diversités lorsqu'il affirme que « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi », que « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement », que « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » et que : « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture ».

C'est bien l'État qui doit rester le garant de l'égalité des citoyens, notamment au bénéfice de ceux qui sont handicapés, quels que soient leur lieu et leur cadre de vie.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui s'inscrit pleinement dans cette logique républicaine et démocratique. Elle est le prolongement de la loi fondatrice du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées, qui a permis de reconnaître les besoins spécifiques liés au handicap et de favoriser l'intégration sociale des personnes. Il fallait, à un moment, l'adapter aux évolutions des sciences et des techniques, mais aussi à celles des mentalités, ce à quoi s'est appliquée la grande loi du 11 février 2005.

Cette loi a défini pour la première fois le handicap, en tentant notamment de couvrir toute sa diversité. Elle a créé une prestation de compensation qui tient compte des conséquences des situations de handicap et qui représente 1,4 milliard d'euros dans les budgets des conseils généraux. Elle a imposé une meilleure intégration des personnes souffrant de handicap dans le monde du travail, sous peine de sanction. Elle a également créé des guichets uniques et les maisons départementales des personnes handicapées.

Enfin, elle a posé l'idée fondamentale que le droit du vivre ensemble, c'est à la fois le droit de la personne à la compensation fonctionnelle de son handicap et le devoir pour la Cité de devenir accessible, accueillante, ouverte à tous, quelles que soient les différences.

Mais après le temps des classements par pathologies, par situations et par thématiques, qui, en évoluant sans cesse, oblige à une course incessante de rattrapage, le temps d'une démarche holistique n'est-il pas venu ? C'est, monsieur le rapporteur, la nouvelle pierre que vous proposez d'apporter à l'édifice.

La démarche, en apparence modeste, est en réalité fondamentale. D'abord, la notion de handicap ne saurait être réduite à la seule déficience ou aux incapacités qui en résultent. À côté du modèle médical traditionnel qui voit dans le handicap le résultat d'une imperfection physique ou mentale de l'individu, est apparu un modèle social qui voit dans le handicap le résultat de la confrontation entre les capacités d'un être humain et les exigences de son environnement. D'un côté, la lésion ou la déficience rend les personnes handicapées ; de l'autre, la société crée les situations de handicap.

Ensuite, il n'y a pas un sujet relatif à notre collectivité nationale qui ne concerne tous les citoyens, y compris ceux frappés de handicap. Les personnes handicapées grandissent, vieillissent, accèdent à la prévention, à l'éducation, aux soins, à l'orientation professionnelle, à l'emploi, à la garantie d'un minimum de ressources, au logement. Elles ont la faculté de se déplacer, d'accéder à une protection juridique, aux activités physiques et sportives, aux loisirs, au tourisme, à la culture, à l'information et aux technologies de l'information. Bref, rien de ce qui concerne la Cité ne leur est étranger. Vivre comme les autres, parmi les autres : tel est évidemment leur voeu le plus cher. C'est aussi le plus naturel.

Or 20 000 enfants handicapés sont aujourd'hui sans solution de scolarisation. Malgré des évolutions encourageantes, le taux d'emploi des personnes handicapées demeure en deçà de l'objectif des 6 % fixé par la loi de 2005 : il s'établit à 2,7 % dans le privé et à 4,2 % dans le public. Le taux d'emploi global des personnes handicapées est, quant à lui, nettement inférieur à celui de l'ensemble de la population active – 35 % contre 65 % – et le taux de chômage, de 20 %, est deux fois plus important.

Il y a quelques décennies encore, on craignait que l'esprit public ne soit pas prêt à ce type de démarche globale. Cela a sans doute conduit le législateur à construire « à la découpe ».

Mais aujourd'hui, le regard porté sur le handicap a profondément évolué. Je crois que notre société ne supporte plus les discriminations, quelles qu'elles soient. Nous le devons avant tout à notre jeunesse, accueillante et généreuse. Je n'ignore pas ce que peut encore avoir de cruel le regard parfois porté sur les personnes handicapées, mais j'ai le sentiment que le handicap devient progressivement familier.

En réalité, la conscience collective a conduit à porter une plus grande attention à tous ceux qui, handicapés ou non, paraissent exclus du mode de vie ordinaire de la société. Il est évident que notre société est assez mûre pour ne plus se contenter d'adapter les lois aux handicaps, et pour intégrer, par principe, la problématique du handicap à toute loi.

À cet égard, ce texte a le grand mérite de faire sauter les logiques institutionnelles. Voilà sans doute là la meilleure façon d'apporter aux personnes handicapées des réponses individualisées, qui leur permettront de maîtriser leur projet de vie.

Il ne s'agit pas seulement de régler des questions pratiques et financières, mais avant tout de faire en sorte que les handicapés participent à la vie d'une société qui est encore souvent pensée et fabriquée sans eux. Il s'agit de donner pleinement à la loi son caractère universel.

Le groupe UDI votera donc pour cette proposition de loi, qui dans les moments de fragilités collectives que nous traversons, exprime un appel à la solidarité et un message de plus grande fraternité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

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