Madame la ministre, nous partageons votre inquiétude au sujet du logement – le ralentissement est effectivement spectaculaire – et notamment du logement social. Mais les mesures que vous proposez risquent en réalité d'entraver les efforts accomplis par les collectivités territoriales.
S'agissant de la cession gratuite du foncier public, la liste de terrains que vous nous avez communiquée était aberrante, et vous l'avez d'ailleurs tout de suite retirée. Mais sur quelle liste doit-on aujourd'hui travailler ?
Ensuite, l'idée selon laquelle les terrains devraient être cédés gratuitement si la totalité des logements qui y seront construits sont des logements sociaux n'est pas réaliste. S'ils n'ont plus aucun intérêt à céder leurs terrains, les ministères ne les céderont plus. Nous pensons, nous, que la décote devrait être plafonnée à 50%. De plus, dans un moment de difficultés budgétaires, mieux vaudrait conclure des baux emphytéotiques. L'État ferait ainsi un effort en faveur du logement social sans perdre la propriété de ses terrains. Enfin, les délais de vente, trop longs, ne permettent pas de réaliser les opérations en temps utile.
J'en viens au titre II du projet. Nous considérons, pour notre part, que la loi SRU a été utile et que les maires ont fait des efforts. Aussi plutôt que de les sanctionner toujours plus sévèrement, mieux vaudrait les encourager. Relever de 20% à 25% le pourcentage exigé de logements sociaux et quintupler le montant des pénalités en cas de carence, c'est imposer à de nombreuses communes des charges disproportionnées. Vous ne l'ignorez d'ailleurs pas, car des élus de tous bords, y compris de l'actuelle majorité, alertent sur le sujet. Les mesures prévues n'auraient d'ailleurs vraiment de sens que si l'État abondait comme il convient les crédits du logement social. L'étude d'impact évalue à 2,7 milliards d'euros le montant nécessaire pour la période 2014-2016. En disposera-t-on ?
Tous les spécialistes estiment qu'on est en mesure de construire 100 000 logements par an. Faudra-t-il donc, pour tenir l'objectif fixé, recourir aux promoteurs privés ou pourra-t-on compter sur des financements complémentaires ?
Le dispositif prévu créera de dramatiques effets de seuil pour les collectivités. Celles-ci n'auront d'autre solution que d'augmenter la fiscalité ou bien de ralentir leur effort de construction pour qu'il soit tout entier consacré au logement social.
Alors que notre ambition à tous est de parvenir à une plus grande mixité sociale dans l'habitat, céder gratuitement les terrains à la condition qu'on y construise 100% de logements sociaux risque d'aboutir à l'effet inverse, notamment dans les communes où il n'y a que peu de foncier disponible. Là où se trouvent les rares terrains disponibles, on aura 100% ou presque de logements sociaux alors que nous nous efforçons aujourd'hui de les répartir dans tous les quartiers.
Ce projet de loi fait aussi l'impasse sur certains sujets, comme celui des logements militaires, qui ne sont absolument pas pris en compte dans les calculs au titre de la loi SRU. Dans une commune comme la mienne, ils sont pourtant extrêmement nombreux. Ce problème sera-t-il réglé ?
Enfin, toute politique de relance de la construction devrait viser toutes les formes de logement, et pas seulement le logement social. C'est en effet le parcours résidentiel qui importe. Il faudrait prévoir des mesures pour favoriser l'accession à la propriété et aider les primo-accédants.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas ce projet de loi.