Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la situation de notre pays tient en trois mots : explosion de la dette, qui a doublé en dix ans ; explosion du chômage, avec un million de chômeurs supplémentaires en quelques années ; déficit abyssal du commerce extérieur, alors même qu'il était assez nettement excédentaire – d'une vingtaine de milliards d'euros – il y a moins de dix ans. Face à cette situation, on peut, comme l'a fait le gouvernement précédent, se concentrer sur la seule réduction des déficits publics ; c'est très exactement ce qu'on appelle une politique d'austérité. C'est croire que l'on peut réduire les déficits simplement en se concentrant sur la réduction des dépenses, sur l'augmentation des recettes, sans rien faire par ailleurs.
Pour notre part, nous pensons au contraire que, pour réduire le déficit des finances publiques, il faut réduire en même temps les trois déficits dont souffre notre pays : bien sûr, le déficit public, mais aussi le déficit d'emplois et de pouvoir d'achat, ainsi que le déficit extérieur. Il s'agit d'avoir une politique qui s'attaque à la fois aux trois, même si ce n'est pas exactement dans le même temps, car on sait bien que le redressement de la compétitivité s'étalera sur plusieurs années, que la priorité c'est l'emploi et la demande, laquelle fléchit énormément en ce moment ; et que, à plus long terme, il faudra consolider la réduction des déficits. C'est en tout cas cet effort global qui permettra de réduire les déficits.
Pour réduire le déficit des finances publiques sans peser sur la croissance, il faut éviter les augmentations générales d'impôt, comme la hausse de la TVA qu'avait prévue la droite. Il faut supprimer tous ces dispositifs inefficaces et injustes – Dieu sait s'ils sont nombreux dans notre fiscalité du revenu et notre fiscalité des sociétés– qui les mitent complètement. Ainsi peut-on à la fois réduire le déficit, avec des recettes fiscales, et rendre notre impôt plus juste, plus simple et plus clair ; cette suppression aurait donc deux effets positifs.
Il faut s'attaquer au déficit d'emplois et de pouvoir d'achat. Pour cela, il faut commencer par supprimer cette arme de destruction massive de l'emploi qu'est la subvention aux heures supplémentaires, mesure dont je crois qu'elle restera dans l'histoire comme l'une des plus absurdes qui soient. Elle aurait pu, certes, avoir un sens dans un autre contexte économique, mais elle est totalement absurde dès lors que notre pays connaît un chômage de masse. Il faut aussi – j'ai entendu avec plaisir le ministre des finances l'évoquer – agir directement sur l'emploi, notamment grâce à des emplois aidés et par la mise en place, lors de la discussion budgétaire, des emplois d'avenir et des contrats de génération.
Il faut agir sur le pouvoir d'achat directement, en augmentant le SMIC, en augmentant l'allocation de rentrée scolaire, et, surtout, grâce à l'emploi. On le sait bien : ce qui fait la hausse du revenu, c'est, pour l'essentiel, la hausse de l'emploi.
Enfin, s'attaquer au déficit de compétitivité, c'est mener une politique constante de réindustrialisation de notre pays, avec le financement d'une banque publique d'investissement en relation avec les régions, de façon à remédier au sein de nos pôles de compétitivité à notre principale défaillance en matière industrielle : l'insuffisante croissance de nos PME. Nos PME doivent pouvoir grandir comme elles le font en Allemagne.
J'ai entendu avec intérêt le ministre des finances parler de l'Europe. Celle-ci s'enfonçait depuis plusieurs années, c'est vrai, dans des politiques d'austérité qui n'étaient pas sans rappeler les politiques menées en Europe dans les années trente, après la crise de 1929. Le changement impulsé par le Président de la République n'est pas seulement un changement de discours, même si, effectivement, l'Europe parle désormais de croissance, alors qu'elle avait oublié ce mot ; elle prend aussi des mesures, dont le montant est de 1 % du PIB, ce qui est considérable : c'est l'équivalent du budget européen. Voilà un changement décisif.
Monsieur le ministre, vous avez parlé de trois principes. Le principe de sincérité, tout d'abord, consiste à ajuster les budgets sur la prévision établie par le consensus des économistes. S'agissant, ensuite, du principe de concertation, ce qui se passe en ce moment dans notre pays – je parle bien sûr de la conférence sociale – constitue aussi un changement majeur dans notre pays ; cela aura sans doute des répercussions importantes à terme. Enfin, le pragmatisme implique la fin de cette politique absurde, elle aussi, de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, une politique désobligeante pour notre fonction publique, quand on connaît la qualité de nos fonctionnaires, et dont les fruits, en termes budgétaires, sont tellement dérisoires ; il est temps d'en terminer avec cette politique.
Enfin, dans le prolongement de ce que je disais à propos de la RGPP, la compétitivité d'une nation, on le sait très bien, repose, pour l'essentiel, sur des services publics efficaces. À l'heure de la mondialisation, on peut reproduire partout dans le monde une usine moderne mais, si on veut qu'elle fonctionne, il faut des services publics efficaces, il faut des infrastructures, il faut un système de formation, il faut un système de sécurité sociale ; tout ce qui fait le développement économique, c'est, en grande partie, l'efficacité du secteur public. C'est pourquoi il est temps de tracer un autre chemin pour la France et, comme l'a fait le Président de la République, un autre chemin pour l'Europe. C'est tout simplement ce que vous nous proposez aujourd'hui.