Intervention de Jean-Yves Le Bouillonnec

Réunion du 24 avril 2013 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Le Bouillonnec, rapporteur :

Je rappelle que la mission avait pour objet d'analyser la mesure statistique des délinquances. Notre travail consistait donc uniquement à voir de quelle manière sont mesurées les délinquances. Le débat sur la sécurité est assurément politique ; mais la mesure des statistiques ne devrait plus l'être. Un consensus républicain devrait émerger sur la façon dont on mesure les délinquances et dont on rend les données plus fiables. Si l'on souhaite avoir un réel débat sur l'insécurité, il doit reposer sur des données précises.

Aucun des propos que vous critiquez n'émane de vos rapporteurs ; j'invite chacun à visionner les vidéos de toutes les auditions pour constater que les termes dénoncés sont ceux des personnes entendues. Aucun de nos interlocuteurs, y compris les derniers ministres en exercice, n'a nié la nécessité de visiter ces questions. Le terme de « sarkomètre », en particulier, semble être passé dans le langage policier courant, puisqu'il a été utilisé par des hauts fonctionnaires entendus par la mission, comme par un ancien ministre. Nous avons pensé qu'il était nécessaire de traduire ces propos dans notre rapport, afin de faire évoluer les choses. L'ensemble de nos interlocuteurs a émis le souhait que la classe politique jette un autre regard sur les statistiques des délinquances. C'est un pari compliqué, comme notre débat le démontre ! Mon collègue Didier Quentin et moi-même souhaitons que ce rapport soit l'occasion de tourner la page.

À titre d'illustration, les quelque 665 homicides commis en 2012 – le nombre le plus faible depuis longtemps – sont à mettre en regard avec les 3 645 tués sur la route, qui n'entrent pas dans les statistiques de la délinquance, car les infractions routières n'y figurent pas. Or, les délits routiers occupent 35 % des audiences correctionnelles ! Il faut donc revoir le champ de l'état 4001.

En second lieu, pour répondre à M. Ciotti, l'évolution dont l'ONDRP a fait l'objet ces deux dernières années, a conduit à ce qu'il soit entièrement libre du rythme de publication des statistiques de l'état 4001. Nous avons souligné ces évolutions. Il n'a pas à chercher ses instructions auprès du ministère de l'Intérieur. Il fait à tel point preuve d'indépendance qu'il a exclu de son analyse les dernières données fournies par la gendarmerie, car elles contenaient des éléments incertains. Le chemin parcouru par l'ONDRP doit être amené à son terme.

Nous ne souhaitons pas que le ministre de l'Intérieur ait la main sur les statistiques des forces de l'ordre ; au contraire, nous voulons qu'il dispose, à l'instar de la plupart des ministères – le ministère de la Justice, le ministère de l'Agriculture, etc. –, d'un service statistique propre, à même d'analyser et de quantifier l'activité de ses services. Si le ministre le souhaite, ce service pourra lui fournir chaque mois les statistiques dont il a besoin, dans une perspective opérationnelle, pour analyser son propre travail.

À côté de cela, la mesure de la délinquance, qui est d'une autre nature, appartiendra à l'ONDRP, qui travaillera à partir de données fiabilisées. Il ne saurait remplir parfaitement cette tâche aujourd'hui, n'ayant aucun moyen de contrôler la fiabilité des données qui lui sont transmises. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les travaux de l'ONDRP, à l'exception de l'enquête de victimation « Cadre de vie et sécurité » portée par l'INSEE, ne sont pas reconnus comme répondant aux critères de la statistique publique – et c'est injuste d'un certain point de vue.

J'insiste également sur le fait que l'activité des services ne fournit pas une mesure des délinquances réelles. J'en veux pour preuve les statistiques relatives aux violences intrafamiliales, dont chacun se félicite qu'elles progressent au fur et à mesure que l'accueil des victimes par la police s'améliore. Mais seuls 10 % de ces violences sont en réalité révélées aux services de police et de gendarmerie : 90 % de cette réalité n'est pas connue des autorités.

Il faut donc distinguer l'activité des services, dont la quantification est utile aux services, de la mesure de la délinquance. Les données relatives à l'activité des services peuvent être publiées tous les mois ; mais l'analyse de l'ONDRP, réalisée à partir des données policières et judiciaires, des enquêtes de victimation, des enquêtes de satisfaction, ne peut pas obéir au même rythme. Cet observatoire plus indépendant, plus scientifique, détaché du débat politique, assurera aux autorités politiques une meilleure compréhension des enjeux de la délinquance. Ne confondons pas le débat politique sur la sécurité, qui appartient à la classe politique et au Gouvernement, avec les instruments qui nous permettent d'appréhender les réalités.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion