Vous prétendez, madame, que votre majorité ne stigmatise personne. Nous apprenons pourtant ce matin l'existence dans les locaux du syndicat de la magistrature d'un « mur des cons » où sont épinglées les photos de personnalités politiques et médiatiques. Or je crois savoir qu'un certain nombre des magistrats qui composent le cabinet de la ministre de la Justice sont issus de ce syndicat.
La pondération dont vous avez fait preuve dans votre exposé, monsieur le rapporteur, me semble trahir une certaine gêne face à une proposition d'amnistie qui, quoi que vous en disiez, ne fait plus partie de notre tradition républicaine depuis dix ans. Vous tentez donc de ressusciter une pratique que nos concitoyens n'acceptent plus. D'autre part, les lois d'amnistie historiques dont vous faites état ont été prises pour mettre un terme à des crises majeures. Or on ne voit pas ce qui justifierait aujourd'hui une amnistie : la crise économique que nous traversons aujourd'hui ne suffit pas à excuser les violences et les atteintes à l'outil de travail que vous voulez amnistier. Ce serait de surcroît adresser un message d'impunité au monde syndical et au monde du travail en général. Encore heureux que vous ayez exclu de cette amnistie les délits de vol et d'abus de confiance : le fait d'être syndicaliste ne peut excuser tout !
Une telle loi serait aussi une forme de régression de notre droit, en ce qu'elle contreviendrait au principe d'égalité des citoyens devant la loi. Ce serait enfin porter atteinte à l'indépendance de la justice puisqu'il s'agirait d'une amnistie in rem, c'est-à-dire une amnistie des faits, et non pas seulement des condamnations. Ces exactions ne pourraient plus faire l'objet de poursuites, même devant une juridiction civile, au détriment des victimes.
Nous perdons notre temps à discuter de ce texte inapproprié et malvenu, d'autant qu'il semble que le groupe socialiste ne le votera pas.