Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 24 avril 2013 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas, président :

Étudiant la proposition soutenue par le groupe GDR, je me suis posé deux questions.

La première a consisté à me demander si la démarche était légitime.

Le rapporteur l'a dit : seize amnisties ont été votées depuis 1958, certaines après une élection présidentielle, d'autres à propos d'événements ou de faits ponctuels. Parmi ces dernières, l'amnistie de 1972 – qui a suivi la « jacquerie » des commerçants et artisans réunis dans la CIDUNATI – semble la plus proche de celle qui est envisagée aujourd'hui. Mais elles diffèrent sur un point : en 1972, tous les groupes politiques de l'Assemblée nationale avaient déposé une proposition de loi en faveur de l'amnistie, ce qui avait convaincu le Premier ministre, Pierre Messmer, de présenter à son tour un projet de loi. La démarche du groupe communiste du Sénat me paraît donc légitime, mais originale dans l'histoire de la Cinquième République : c'est la première fois qu'une amnistie est proposée à l'initiative d'un seul groupe parlementaire.

Deuxième question : cette démarche est-elle opportune ? Je suis plus réticent sur ce point. La réponse suppose de s'entendre sur l'objet de l'amnistie. Il ne s'agit pas, comme l'a affirmé un collègue du Sénat de manière excessive, de clore une guerre civile. Mais, selon l'acception générale, l'amnistie doit permettre au législateur de dénouer une situation inextricable, résultant de troubles qui ont gravement porté atteinte à l'unité nationale ou sont susceptibles d'obérer une future paix civile. Ce fut la justification de l'amnistie du 10 janvier 1990, prévue par les accords de Matignon, portant sur les événements qui s'étaient déroulés en Nouvelle-Calédonie.

L'intention louable des auteurs du texte, de même que les positions du groupe socialiste et du Gouvernement au Sénat, sont pleinement compréhensibles mais je crains que le résultat ne soit à l'opposé de ce que recherche le législateur, à savoir l'apaisement social. Pour moi, le monopole de la violence appartient à l'État. Toute autre violence n'est jamais légitime même si elle s'inscrit dans un combat social. Quand nous appelons à la négociation entre partenaires sociaux et approuvons l'accord national interprofessionnel de janvier dernier, nous ne pouvons pas dans le même temps laisser penser que nous admettons le recours à la violence de la part du mouvement syndical. C'est la raison pour laquelle je partage la position défavorable du groupe socialiste sur cette proposition de loi.

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