Intervention de Colette Capdevielle

Réunion du 24 avril 2013 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Capdevielle :

La suppression du mot « race » de notre ordre juridique participe de ces actes symboliques forts par lesquels nous pouvons manifester notre volonté de renouer avec l'idéal républicain. Repris dans l'article 1er de notre Constitution, l'usage de ce terme – dont l'application à l'espèce humaine est non seulement inopérante, mais choquante et dangereuse – remonte à la législation antisémite du régime de Vichy, qui en fait une catégorie juridique. En effet, la loi du 3 octobre 1940 portant statut des juifs dispose : « Est regardé comme juif, pour l'application de la présente loi, toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents de la même race, si son conjoint lui-même est juif. » La loi du 2 juin 1941 précise cette définition en spécifiant : « Est regardé comme étant de race juive le grand-parent ayant appartenu à la religion juive ».

Depuis, la présence du mot « race » dans nos textes de droit divise sociologues, philosophes et juristes ; alors que pour certains il doit absolument disparaître, d'autres soutiennent qu'il reste nécessaire pour lutter contre le racisme. Depuis 2002, plusieurs tentatives de suppression de ce terme – juridiquement ambigu et dénué de tout fondement scientifique – se sont heurtées au refus de la précédente majorité qui, bien que partageant la philosophie et la finalité pédagogique de la démarche, voyait dans ce mot un instrument juridique indispensable à l'arsenal répressif antiraciste.

Le 10 mars 2012, François Hollande déclarait : « Il n'y a pas de place dans la République pour la race. Et c'est pourquoi je demanderai au lendemain de la présidentielle au Parlement de supprimer le mot “race” de notre Constitution ». Supprimer le terme « race » est aujourd'hui indispensable ; c'est très « politiquement correcte » mais ne saurait suffire à combattre efficacement les discriminations raciales. La dimension symbolique est importante et on y fait droit. Il serait certes préférable de modifier la Constitution sur ce point, mais toucher au Préambule de 1946 se révèle difficile, voire impossible. La présente proposition de loi se limite donc à la suppression du mot « race » dans la législation pour tous les cas où il ne se réfère pas à la désignation d'espèces animales.

L'article 1er de la proposition initiale pose ce principe général cependant que les deux articles suivants, d'application, visent à supprimer les adjectifs dérivés du mot « race » dans divers textes législatifs – code pénal, code de procédure pénale, code du travail, etc. –, ou à les remplacer par l'adjectif « ethnique ». Par un amendement déposé au dernier moment, le rapporteur propose de supprimer l'article 1er, modifiant ainsi le coeur même du texte, et de remplacer le mot ou ses dérivés partout où ils apparaissent : dans la partie législative de neuf codes et dans treize lois non codifiées, soit 59 articles au total. Il est vrai que le choix du terme de substitution est délicat. Les mots « ethnie » ou « ethnique » n'ont pas la même signification que « race » ou « racial » et ne permettent pas d'exercer une véritable répression antiraciste. Le mot « origine » serait bien trop large et interdirait d'appréhender spécifiquement les discriminations racistes. Quant à l'option consistant à accoler au mot « race » l'épithète « prétendue » ou « supposée », elle pourrait poser des problèmes d'interprétation. La solution que le rapporteur retient dans ses amendements, consistant à remplacer les mots « race » ou « racial » par « raciste » ou « pour des raisons racistes », ou encore « déterminé à partir d'un critère raciste », apparaît juridiquement plus neutre, puisque les races n'existent pas, seul existant le racisme.

Sur le fond, notre groupe approuve cette proposition de loi ; nous estimons cependant que, compte tenu du nombre de textes concernés, il faut en retravailler ensemble la rédaction. Le souci de cohérence commande notamment de réécrire l'article 1er qui en pose le principe. En attendant, même si les amendements nous paraissent extrêmement intéressants, nous nous abstiendrons.

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