Nous serons brefs, d'autant plus qu'un consensus suffisamment large nous permettra d'éviter, je pense, un certain nombre de discussions sur les trente propositions que nous faisons.
Je souhaiterais rappeler le contexte économique de cette mission : celui d'une crise qui a provoqué un doublement du nombre de liquidations judiciaires. Nous devons nous interroger sur la capacité des dispositifs en place à absorber cette augmentation du nombre de procédures collectives.
Cette mission intervient dans un contexte politique marqué par l'engagement du Président de la République, M. François Hollande, de réorganiser la justice commerciale, et par le rapport de M. Louis Gallois sur la compétitivité de l'industrie française, qui a souligné la nécessité, pour nos entreprises, de bénéficier d'un cadre juridique et d'un système judiciaire performants. Par ailleurs, Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice, prépare un projet de loi dont le dépôt est prévu pour l'automne.
Nous avons entamé cette mission en janvier. Nous avons mené, dans des délais très serrés, un grand nombre d'auditions, reçu une centaine d'intervenants et obtenu des contributions écrites de haut niveau. Cela nous a permis de dégager des orientations qui nous semblent importantes, qui vont ouvrir la voie à la discussion et qui vont sans doute nourrir la réflexion des groupes de travail mis en place par la garde des Sceaux le 5 mars dernier.
Nous formulons trente propositions pour l'avenir de la justice commerciale. Vingt-huit de ces trente propositions ne posent pas de difficulté majeure et répondent à un réel besoin d'adaptation de la justice commerciale.
Les juges consulaires sont, aujourd'hui, réputés élus par leurs pairs. Ils sont en effet élus par des délégués consulaires, dans un dispositif à deux étages qui n'est guère lisible. Nous proposons donc une élection directe par les membres des chambres de commerce et d'industrie et ceux des chambres de métiers et de l'artisanat. Nous souhaitons, en effet, que le corps électoral des juges consulaires soit élargi aux artisans, dans la mesure où les tribunaux de commerce sont appelés à connaître des litiges qui les concernent. Les représentants des chambres des métiers et de l'artisanat sont tout à fait favorables à cette évolution. Cette proposition fait l'objet d'un consensus.
S'agissant des modalités d'élection des juges consulaires, nous avons repris à notre compte les initiatives prises par le tribunal de commerce de Lyon qui soumet les candidats aux fonctions de juge consulaire à l'appréciation d'une commission d'évaluation composée de magistrats professionnels et de juges consulaires. Cette commission examine, sinon la capacité des candidats, du moins leur motivation, et établit une liste de candidats aptes aux fonctions.
S'agissant de la formation des juges consulaires, qui, je le rappelle, exercent leurs fonctions à titre bénévole – ce qui est tout à leur honneur –, il nous semble que les programmes de formation actuels sont nettement insuffisants. Ce n'est pas avec une formation initiale de neuf jours que l'on peut se sentir en capacité d'apporter l'expertise juridique qu'exige le traitement de litiges. Nous proposons une formation complète et dispensée par des universitaires et par des magistrats professionnels, et pas seulement par des professionnels appartenant au microcosme de la justice commerciale. Cette formation devra être validée par la Chancellerie.
Les juges consulaires n'ont pas démontré d'incapacité à juger, mais il faut tendre vers l'exemplarité dans un contexte où le droit commercial se complexifie énormément. La technicité du droit des affaires et du droit international privé exigent le dispositif de formation que nous proposons et pour lequel les juges consulaires ont manifesté de l'intérêt.
Ces mesures ont un coût. Il est toutefois possible d'alléger ce coût en explorant la possibilité de faire intervenir dans ces formations des universitaires émérites et des magistrats honoraires rémunérés à la vacation.
Cette formation que nous voulons obligatoire devra également être gratuite. Il nous a été rapporté qu'aujourd'hui les juges consulaires payaient quelquefois les frais de déplacement et de séjour inhérents au suivi de certaines formations, ce qui est inadmissible.
Dans la mesure où le tribunal de grande instance est le tribunal de droit commun et le tribunal de commerce une juridiction d'exception, il nous a semblé nécessaire de replacer les magistrats professionnels, et plus précisément les premiers présidents des cours d'appel au coeur des dispositifs de formation en leur confiant un rôle de superviseur.
Un autre volet de propositions fait l'objet d'un consensus : celui de la déontologie des juges consulaires. Nous pensons qu'il faut s'orienter vers l'élaboration d'un code de déontologie à l'attention des juges consulaires. L'échelle des sanctions disciplinaires doit être revue. Tout justiciable doit pouvoir saisir la commission nationale de discipline des juges des tribunaux de commerce, et pas seulement le garde des Sceaux. Par ailleurs, dans un souci de lutte contre les conflits d'intérêts, nous proposons d'imposer aux juges consulaires d'établir des déclarations d'intérêts à l'occasion de leur prise de fonction et du renouvellement de leur mandat, ainsi que des déclarations d'indépendance au début de chaque instance dans laquelle ils sont amenés à délibérer qui auront pour effet de permettre aux juges de s'interroger sur la pertinence de leur présence dans une formation de jugement sur une affaire donnée : des conflits peuvent échapper à l'attention des juges sans pour autant qu'ils soient de mauvaise foi.
Nos propositions tendent à opérer un rapprochement entre le statut du juge consulaire et celui du magistrat professionnel.
Nous avons, au cours de cette mission, évoqué les enjeux liés aux procédures collectives qui, à mon sens, mériteraient une mission d'information à part entière, de même que ceux liés mandataires de justice.
En matière de prévention des difficultés des entreprises, nous proposons d'aménager un accès anonymisé aux dispositifs de prévention grâce à un numéro vert. Il s'agirait d'étendre la pratique mise en place par le tribunal de commerce de Lyon. L'anonymat est essentiel pour inciter les chefs d'entreprise à prendre attache auprès des tribunaux de commerce pour prévenir les difficultés.
J'aurai l'occasion de revenir sur les réformes procédurales que nous suggérons. Mais, pour l'heure, je vais laisser la parole à mon collègue Marcel Bonnot, que je remercie pour la qualité du dialogue que nous avons pu avoir au sein d'une mission qui n'était pas si facile à mener, au regard des susceptibilités – fort légitimes bien sûr – des acteurs de la justice commerciale. Des réactions se sont manifestées sans attendre la présentation de ce rapport. Mais notre travail est précisément là pour nourrir la discussion.