Intervention de Cécile Untermaier

Réunion du 24 avril 2013 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier, rapporteure :

Les juges consulaires sont prêts à adhérer à toutes les propositions de réforme que nous faisons, à l'exception de celles qui permettent à un magistrat professionnel de prendre part au délibéré. Tout le monde est évidemment en faveur de la présence systématique du procureur aux audiences commerciales. Mais lorsque nous envisageons le recours à une formation de jugement mixte, on évoque une mesure de défiance. Au vu de ces réactions, les magistrats professionnels pourraient également s'inquiéter du peu de cas que l'on semble faire de leur formation. Nous allons sans nul doute améliorer la formation des juges consulaires. Pour autant, ce ne sont pas huit à neuf jours de formation, destinés à permettre que la justice soit rendue conformément aux exigences du droit processuel, qui donnent la capacité d'appréhender la complexité du droit international privé, du droit économique ou du droit des affaires . De leur côté, les magistrats professionnels ont fait de longues études, ont passé un concours difficile et ont suivi une formation longue. Mais à l'inverse, accomplir un stage en entreprise ne leur permet pas nécessairement de prétendre avoir une compétence pour répondre à des questions économiques.

Les deux propositions que je formule et sur lesquelles nous divergeons procèdent de l'idée que le meilleur jugement résulte d'un partage des cultures. Nous adoptons une approche mesurée puisque nous estimons que de manière générale, grâce à leur formation, les juges consulaires peuvent parfaitement remplir leur office. Quand il s'agit en revanche de dossiers majeurs, comme des procédures collectives qui peuvent mettre en friche un territoire, il ne me semble pas inconvenant de considérer que ces dossiers ne doivent pas être traités seulement par des juges consulaires. L'intérêt général commande que l'on puisse ouvrir la formation de jugement à des magistrats professionnels qui disposent de compétences que l'on ne peut acquérir dans le cadre de la formation dispensée aux juges consulaires, même si celle-ci doit être de bon niveau et se dérouler sous le contrôle de la Chancellerie. Il faut un croisement des regards.

On m'objecte le faible nombre d'appels sur les décisions rendues par les tribunaux de commerce. Ceci s'explique avant tout par le fait que, dans les procédures collectives, les chefs d'entreprises sont « rincés ». En outre, le faible taux d'infirmation est tributaire de l'inégale qualité de la motivation des jugements rendus en première instance. Dans ces conditions aléatoires, l'appel peut perdre beaucoup de son intérêt. Enfin – c'est là une conviction personnelle –, les justiciables ne sont pas incités à saisir les cours d'appel dans la mesure où les magistrats professionnels qui y siègent sont censés ne rien connaître aux affaires commerciales car ils ne possèdent pas la même culture. Ainsi, les faibles taux d'appel et d'infirmation ne fournissent pas de véritables arguments en faveur du statu quo. Ils révèlent au contraire les difficultés de la situation actuelle, avec des juges consulaires en première instance et des magistrats professionnels en appel.

Je considère que l'on peut organiser une mixité de la formation de jugement dans les cours d'appel. Un juge consulaire peut venir éclairer en appel les magistrats professionnels avec sa compétence en matière économique. À l'inverse, un magistrat professionnel peut se joindre aux juges consulaires en première instance. C'est grâce à ce partage de cultures que nous irons vers des décisions plus transparentes et rendues conformément au principe d'impartialité objective. Nous avons entendu rappeler cette exigence tout au long de nos auditions. La bonne foi ne se décrète pas. Il faut que le justiciable en attente d'un jugement ait le sentiment que la justice sera bien rendue. Pour cela, il faut qu'il sache que ce n'est pas qu'une justice rendue par des pairs, et cela suppose qu'un magistrat professionnel puisse prendre part au délibéré, en particulier en matière de procédures collectives.

Je tiens à redire que la procédure que nous proposons ne permet pas de choisir son juge car c'est le premier président de la cour d'appel qui désignera un tribunal de commerce pour le jugement d'une affaire « délocalisée » Notre proposition ne marque aucune défiance. C'est une mesure de bon sens qui vise à tirer parti des compétences des juges consulaires et des magistrats professionnels pour des affaires qui le justifient par les effets qu'elles peuvent avoir sur des territoires.

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