Au nom du groupe SRC, je vous remercie, madame la ministre, d'avoir accepté le principe de cet échange. C'est la première fois qu'une commission parlementaire vous auditionne depuis la présentation, le 10 avril, des trois projets de loi sur la décentralisation.
Vous l'avez vous-même souligné, ces textes visent avant tout à améliorer l'efficacité de l'action publique. Dans ce but, vous proposez trois grandes orientations novatrices.
Tout d'abord, et même si vous ne l'avez pas exprimé en ces termes, il me semble que vous avez voulu éviter les transferts massifs de compétences qui ont trop souvent tenu lieu de décentralisation dans notre pays – je pense en particulier à la loi du 13 août 2004. En fait, la logique de défausse de responsabilité qui sous-tendait ces transferts a eu pour effet de brouiller l'image de la décentralisation, au point que ce seul mot a fini par susciter la méfiance voire la défiance des élus locaux. À cet égard, la démarche du Gouvernement semble plus qualitative que quantitative, comme le prouvent vos propos sur la mutualisation des services, un sujet qui personnellement me tient à coeur.
Ensuite – et c'est sans doute l'orientation la plus attendue –, vous essayez de clarifier les compétences, de déterminer qui fait quoi. C'est en effet une nécessité, non seulement pour améliorer l'efficacité de l'action publique, mais aussi – et peut-être surtout – pour en assurer la lisibilité.
Mais la clarification des compétences n'est pas synonyme d'hyperspécialisation. C'est d'ailleurs tout le sens de la réintroduction – encadrée, je le souligne – de la clause de compétence générale pour les départements et les régions, clause qui est au coeur du principe de libre administration des collectivités territoriales de la République.
Vont également dans le sens d'une clarification le fait de pousser plus loin la logique de la collectivité chef de file ou celui de consolider les compétences exclusives des différentes catégories de collectivité – y compris à travers la création des métropoles. Il appartiendra au pacte de gouvernance territoriale de définir, secteur par secteur, les schémas d'organisation destinés à mieux articuler entre elles les compétences locales, y compris sur la question complexe des financements croisés.
Enfin, la troisième orientation novatrice a trait à la méthode employée par le Gouvernement. Le contexte était difficile, puisque chacun a aujourd'hui sa propre idée de ce que doit être une nouvelle étape de la décentralisation. En matière d'organisation territoriale, nous sortons d'une période mouvementée, la révision de la carte intercommunale, parmi d'autres initiatives, ayant longtemps fait « bouillir la marmite » en ce domaine. Quelles que soient nos sensibilités politiques, nous avons alors jugé la méthode, sinon arbitraire, du moins autoritaire. Il me semble que vous en avez tiré les leçons en proposant un processus pragmatique de remise en ordre des compétences locales : la répartition n'est pas imposée « d'en haut », depuis Paris, dans la plus pure tradition jacobine, mais négociée au sein d'une conférence territoriale de l'action publique. L'objectif, on le voit bien, est de nouer le dialogue entre l'État et les collectivités territoriales, et entre les collectivités elles-mêmes. L'idée n'est pas, comme j'ai pu l'entendre, de laisser à ces dernières la responsabilité d'une réforme que l'État ne parviendrait pas à réaliser, mais de trouver des solutions adaptées aux réalités et aux rapports de forces locaux.
Plusieurs questions restent toutefois posées, dont celle, centrale, du décrochage des territoires périurbains et ruraux, auxquels les quartiers dits « difficiles » de nos grandes agglomérations urbaines n'ont parfois rien à envier en termes de précarité. Quelle réponse les trois projets de loi peuvent-ils apporter à ce phénomène, qui touche un très grand nombre de bourgs centres ? Ces derniers, en raison de leur fragilité, peinent à assumer leur rôle structurant au sein de nos territoires. De quels outils faut-il les doter, en complémentarité avec les métropoles ? Quelqu'un a d'ailleurs pu parler de « métropoles rurales » pour indiquer la voie à suivre.
D'autre part, quel équilibre peut-on trouver entre la centralisation excessive qui caractérise aujourd'hui la politique énergétique et une décentralisation qui pourrait perturber les processus de décision ? Comment le débat sur la décentralisation va-t-il croiser celui qui est mené sur la transition énergétique ?
Enfin, on ne peut pas envisager d'approfondir la décentralisation sans revisiter la fiscalité locale. Quelles sont les intentions du Gouvernement en ce domaine ?