Mme Carrillon-Couvreur a évoqué la question des aménagements de postes en relation avec des affections de longue durée ainsi que celle de l'accroissement des arrêts de travail en fonction de l'âge.
On s'attend évidemment à ce que le vieillissement de la population active entraîne un accroissement des arrêts de travail, le nombre des pathologies augmentant avec l'âge. D'autres facteurs interviennent également, qui peuvent être liés à la géographie – dans certaines régions les arrêts de travail sont plus nombreux que dans d'autres – ou aux prescripteurs – l'assurance maladie a parfois mis sous entente préalable les « médecins hyperperscripteurs », avec des résultats très positifs. Malheureusement, cette mesure n'a pas pu s'installer dans la durée.
M. Jean-Pierre Door a souligné, avec raison, le fait qu'une même pathologie pouvait s'accompagner d'une grande variation dans le nombre de jours d'arrêt de travail prescrits. Ainsi, alors que la moyenne des jours d'arrêts prescrits pour le syndrome du canal carpien est de cinquante-sept jours, le nombre de jours prescrits va de vingt-neuf jours pour un quart des patients à cent vingt-trois jours pour 20 % d'entre eux. La CNAMTS s'efforce depuis plusieurs années d'améliorer la maîtrise de ces différents facteurs tout en diminuant le nombre des indemnités journalières. C'est la raison pour laquelle le rapport propose la mise à la disposition des médecins de fiches repères pour les aider à prescrire le nombre adéquat de jours d'arrêt de travail pour chaque pathologie. Convient-il de rendre ces référentiels opposables, comme le souhaite M. Jean-Pierre Door ? Une telle mesure me semblerait difficilement conciliable avec le colloque singulier qui doit exister entre le médecin et son patient. En revanche, une telle fiche repère permettrait au médecin de mieux résister aux pressions éventuelles de certains de ses patients.
Monsieur Élie Aboud, les arrêts de courte durée ne représentent que 20 % du coût total des arrêts – les arrêts de longue durée en représentent 80 %. C'est la raison pour laquelle, du reste, la CNAMTS privilégie les contrôles des arrêts de plus de quarante-cinq jours. Or le coût financier des indemnités journalières ne peut être seulement pris en considération. Le coût sociétal et le regard de nos concitoyens sur la question des indemnités journalières ne doivent pas non plus être négligés. Il serait plus sain de procéder également à des contrôles sur les arrêts de courte durée, qui peuvent, eux aussi, faire l'objet d'abus – l'assurance maladie procède à une expérimentation en ce sens en Champagne-Ardenne ainsi qu'à Bayonne, en vue d'établir une base de données. Ces expérimentations permettent de mieux cibler les contrôles, notamment sur les arrêts itératifs, ou de comprendre pourquoi le nombre des arrêts augmente à certaines périodes de l'année.
Monsieur Jean-Marc Germain, la complexité du calcul des indemnités journalières, notamment pour les accidents du travail, dessert les salariés qui peuvent attendre entre quinze jours et trois semaines avant de percevoir leurs indemnités. Certes, il convient de ne pas réduire leurs droits, mais pourquoi ne pas disposer d'une base identique pour tous les arrêts de travail avec modification des taux pour les accidents du travail ? Cela permettrait de se rapprocher d'un mode de calcul plus simple – c'était le cas auparavant – et les caisses pourraient ainsi déclencher plus rapidement l'indemnisation.
M. Gérard Bapt a évoqué le mi-temps thérapeutique qui, comme le rapport le souligne page 75, peut se révéler une bonne solution. Toutefois, comme ce mi-temps est prescrit par les médecins, il faut trouver les moyens de les inciter à y recourir plus souvent.
M. Gérard Sebaoun a soulevé la problématique de la dématérialisation de l'envoi de l'avis d'arrêt de travail. Si les professionnels de santé ont été longs à recourir à cette procédure, ils ont déjà accompli beaucoup de progrès. Il faut savoir également que les fabricants de logiciels métiers pour les médecins n'ont pas encore intégré tous les référentiels nécessaires à la dématérialisation qui, une fois effectuée, permettra de gagner en efficacité et de diminuer le coût d'instruction des dossiers.
MM. Dominique Dord et Bernard Perrut ont évoqué la question des médecins conseils : sur les 2 053 équivalents temps plein (ETP) au plan national, seuls 1 708 ETP sont dédiés au contrôle. Beaucoup d'entre eux perdent trop de temps en travail administratif, si bien qu'ils exercent leurs contrôles sur dossier, sans examiner les patients. Il faut donc soulager les praticiens conseils des charges administratives, qui pourraient être transférées sur d'autres personnels des caisses lesquels, à leur tour, auraient été soulagés d'un travail compliqué et fastidieux grâce à l'harmonisation des méthodes de calcul des indemnités journalières. Une telle harmonisation serait donc bénéfique à tous, patients compris.
C'est vrai : les fonctionnaires sont traités différemment des salariés du secteur privé, pour la simple raison que l'agent continue de percevoir son traitement versé par la fonction publique lors d'un arrêt de travail – il ne s'agit pas d'indemnités journalières comme dans le privé. Il est vrai aussi que les fonctionnaires échappent a priori au périmètre de la MECSS. Toutefois, compte tenu de l'actualité, j'ai tenu à comparer la situation de la fonction publique avec celle du secteur privé.
Le problème de la journée de carence est plus compliqué qu'il n'y paraît au premier abord. En effet, dans les grandes entreprises privées, des conventions collectives prévoient souvent la prise en charge d'un, de deux, voire des trois jours de carence – ce qui n'est pas le cas des petites entreprises. Quant aux artisans et commerçants, gérés par le régime social des indépendants (RSI), leur délai de carence est de sept jours, parfois porté à onze en cas d'envoi tardif de l'arrêt. Les situations sont donc très différentes selon les régimes, d'autant que la journée de carence n'est pas la seule différence existant entre le secteur public et le secteur privé : dans le privé, l'indemnité journalière est plafonnée à 1,8 SMIC alors qu'aucun plafonnement n'est prévu dans la fonction publique.
Il conviendrait donc de se pencher sans esprit de diabolisation sur l'ensemble de ces facteurs, qui sont plus compliqués et plus hétérogènes qu'on pourrait le croire, afin de présenter aux Français une réflexion sereine et de leur procurer une sensation de justice. Il n'est pas bon de chercher à opposer nos concitoyens entre eux. La MECSS est l'endroit idéal pour réfléchir à une harmonisation du système.
Si, pour M. André Chassaigne, la préconisation six est la seule à s'attaquer aux causes des arrêts de travail, c'est que la problématique du rapport porte non pas uniquement sur les prestations pour accident du travail et maladie professionnelle, mais sur l'ensemble des indemnités journalières qui s'inscrivent dans une vraie dynamique, même si l'année 2012 a vu baisser leur nombre. Les caisses ont réalisé un effort important pour mieux comprendre le phénomène, contrairement aux entreprises qui n'ont fait aucun effort en la matière, alors même que les indemnités journalières complémentaires représentent une dépense importante pour elles.
Enfin, les dépenses de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (ATMP) pour les pathologies liées aux conditions de travail sont en constante augmentation, s'agissant notamment des troubles musculo-squelettiques qui ont engendré 9,7 millions de journées d'arrêt de travail pour un coût de 930 millions d'euros en 2011. Le phénomène est évidemment lié à l'âge des personnes. L'audition des représentants des services à la personne nous a permis de constater combien la formation des personnels exerçant des métiers difficiles contribuait à diminuer les arrêts de travail liés à ces troubles. Une expérimentation menée a permis de faire passer le taux d'arrêts de travail de longue durée de 13 % à 7 % après un programme de formation aux gestes « éco-sûrs ». L'augmentation de la prévention, de la formation et de l'information des personnels sur ces troubles permet donc d'obtenir des résultats tangibles.