Intervention de Véronique Louwagie

Réunion du 24 avril 2013 à 9h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

La question des licenciements et des plans sociaux est un sujet grave, qui préoccupe les Français et chacun d'entre nous. Je vous rejoins tout à fait sur ce point, monsieur Chassaigne. Pour autant, il convient d'être vigilant : des idées révolutionnaires en apparence peuvent avoir des effets désastreux sur le terrain.

Il est impératif de mieux anticiper les plans sociaux et d'intervenir en amont. À cet égard, le projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi, qui reprend l'accord du 11 janvier, vise à renforcer le rôle des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). Il convient d'abord de mettre en oeuvre cette disposition intéressante et de constater ses effets. Il n'est pas temps d'envisager des mesures plus radicales, telles que celles que vous proposez. Votre proposition de loi télescope en effet, comme l'a dit le président, le projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi que nous examinons actuellement.

De plus, les plans sociaux abusifs sont d'ores et déjà sanctionnés par le juge. Il n'existe aucun vide juridique en la matière : vous écrivez vous-même à juste titre dans l'exposé des motifs que « la justice n'est pas impuissante ».

Votre proposition de loi tend à interdire les licenciements dits boursiers. Mais existe-t-il aujourd'hui une définition juridique de cette notion ? Vous indiquez que l'article 1er en donne une qui est dénuée de toute ambiguïté. Sa rédaction me laisse cependant perplexe.

Surtout, vous introduisez dans cette proposition de loi, de manière audacieuse et insidieuse, la suppression du dispositif de rupture conventionnelle, qui n'a pourtant rien à voir avec les licenciements boursiers.

En somme, votre proposition de loi repose sur une vision totalement erronée de l'économie de marché. La mise en place d'un dispositif coercitif serait une démarche antiéconomique : pour produire, une entreprise a besoin non seulement de salariés, mais également de moyens de production. Il convient de laisser les entreprises atteindre un niveau de capitalisation qui leur permette d'investir. De trop nombreuses entreprises françaises souffrent en réalité d'une sous-capitalisation, qui bride leur développement et leurs exportations. L'investissement dans une entreprise est un risque qui doit être rémunéré à sa juste valeur.

Les dispositions de votre proposition de loi ne manqueraient pas d'avoir des effets pervers. Premièrement, elles décourageraient l'embauche et se révéleraient ainsi contre-productives au regard de l'objectif de lutte contre le chômage, que nous partageons tous.

Deuxièmement, elles préserveraient des emplois peu rentables et favoriseraient des entreprises moins performantes. Aux termes de l'article 2, serait dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique pratiqué par une entreprise qui a constitué des réserves ou réalisé un résultat net positif au cours des deux derniers exercices comptables. C'est là une vision très restrictive de l'économie.

Troisièmement, elles détourneraient les investisseurs étrangers de la France, alors qu'ils contribuent à créer des emplois.

Quatrièmement, elles inciteraient les entreprises françaises à s'implanter et à produire à l'étranger.

Avec cette proposition de loi, vous niez la réalité économique et risquez de compromettre l'efficacité de nos entreprises. Vous caricaturez outrageusement les entrepreneurs de notre pays qui, en règle générale, cherchent à développer leur activité, à conquérir de nouveaux marchés, à innover. Lorsqu'une entreprise licencie, elle y est souvent contrainte et le fait pour mieux s'organiser, s'adapter aux mutations, retrouver la croissance et, à terme, réembaucher.

Enfin, votre proposition de loi encourt la censure du Conseil constitutionnel : elle ferait peser sur les entreprises des contraintes excessives et, en définitive, nie la réalité du droit français, déjà protecteur des salariés. Le tribunal de grande instance de Troyes a ainsi annulé un plan social, en février 2011, en raison de l'absence de motif économique.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe UMP est opposé à cette proposition de loi.

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