Cela a été dit, mais il faut le répéter, j'ai le plaisir de vous présenter un rapport adopté à l'unanimité, il y a quinze jours de cela, par la mission d'information commune, et qui sera intitulé : « Métiers artistiques : être ou ne pas être des travailleurs comme les autres ? ».
Je salue la pertinence de la création de cette mission qui a permis de réunir de nouveau les membres de nos deux commissions,. Je remercie Christian Kert pour la qualité de sa présidence que je qualifierai d'exquise et courtoise ; il a su mener nos travaux dans un esprit toujours constructif. Nous avons travaillé longuement et dans une grande liberté d'organisation, ce dont je me réjouis. La publicité de nos travaux a été, elle aussi, une excellente initiative : elle a contribué à leur qualité tout en permettant aux personnes directement concernées – je pense en particulier aux intermittents du spectacle – de les suivre de près. Je remercie enfin également les membres de la mission d'information pour leur assiduité.
L'ampleur de notre travail s'explique par le champ d'étude de la mission : elle portait en effet sur les conditions d'emploi de l'ensemble des métiers artistiques, toutes disciplines confondues. Pour ne pas nous limiter aux seuls salariés et englober dans notre champ les artistes auteurs, nous avons élargi la notion de conditions d'emploi à celle de conditions d'exercice car, le président Patrick Bloche l'a dit, il ne faut pas oublier, parmi les professionnels des métiers artistiques, tous ceux qui ont un exercice indépendant.
Vous avez eu connaissance du rapport de la mission ; je vais m'efforcer d'en présenter la synthèse.
Le premier constat que nous avons pu dresser est celui de la croissance du secteur des métiers artistiques, très attractifs et ouverts, et de l'apport de ces métiers à notre économie, à nos territoires et à notre société. Qu'il s'agisse du spectacle vivant ou enregistré, des arts visuels ou de la musique, le nombre de professionnels est en augmentation constante, ce qui démontre la vigueur de l'exception culturelle française. Ils sont, pour notre économie, une véritable richesse, d'autant plus que ces emplois ne sont pas délocalisables – à l'exception de quelques-uns qui s'expatrient… Comme le soulignait Patrick Bloche, on compte, dans ce secteur, autant de salariés que dans le secteur automobile et il n'est pas improbable que les courbes d'emploi se croisent à l'avenir. La construction automobile rencontre en effet des difficultés, alors que l'emploi culturel se développe et contribue à 2 % du produit intérieur brut, soit 40 milliards d'euros.
Le deuxième constat qui s'impose à nous est celui de la diversité et de la précarité des conditions d'emploi et d'exercice. Derrière les « vedettes » que l'on peut retrouver dans chaque discipline, on trouve de nombreux travailleurs qui peinent à « joindre les deux bouts ».
Cette situation concerne autant les salariés que les artistes auteurs. Pour les artistes indépendants, je pense qu'on peut parler d'isolement et de vulnérabilité. La mission d'information a été particulièrement sensible à leur demande de reconnaissance. Leurs relations souvent déséquilibrées avec les diffuseurs tendent à fragiliser leurs rémunérations qui sont, par ailleurs, menacées par l'essor des technologies numériques. Sans vouloir évacuer cette question, nous avons considéré qu'elle relevait davantage des travaux de la mission menée par Pierre Lescure que de la nôtre.
Pour ce qui concerne les salariés, on les retrouve surtout dans le secteur du spectacle – je rappelle que les artistes bénéficient, en effet, d'une présomption de salariat. La prépondérance de l'organisation par projets explique l'importance des formes d'emploi discontinues et du recours au contrat à durée déterminée d'usage (CDDU). Celui-ci est à la base du dispositif de l'intermittence qui rend possible une bonne part de notre politique culturelle et notamment des festivals que nous soutenons tous sur nos territoires respectifs. La diversité et le nombre important des employeurs conduisent à une fragmentation du travail et une diminution de la durée des contrats. Dans l'ensemble, nous pouvons parler de précarité des conditions d'emploi : les salariés sont soumis à une extrême flexibilité et les niveaux de salaire sont très contrastés. L'apport de l'assurance chômage dans le revenu global est élevé : pour une part non négligeable des intermittents du spectacle, il est supérieur à 50 %.
Nous avons retiré de nos auditions le sentiment que les partenaires sociaux et les pouvoirs publics avaient pris leurs responsabilités pour tenter d'améliorer les choses, notamment après la crise de l'été 2003. Des efforts importants ont été déployés pour parvenir à une couverture conventionnelle plus rationnelle et complète du secteur du spectacle, même si le résultat semble plus abouti dans le spectacle vivant que dans le spectacle enregistré. Un mouvement s'est néanmoins déclenché qui me permet d'être relativement optimiste, en dépit de la situation complexe de la production cinématographique, marquée par des tensions concernant l'extension de la convention collective.
La précarité des conditions d'emploi a été prise en compte pour construire des droits sociaux adaptés à la discontinuité des activités. Les artistes auteurs bénéficient d'une sécurité sociale calquée sur celle des salariés, grâce à l'assimilation de leurs diffuseurs à des employeurs. La sécurité sociale des salariés est également adaptée, notamment grâce à des taux de cotisation relativement avantageux – ils sont en effet inférieurs de 30 % aux taux de droit commun. Pour autant, les régimes de protection sociale, en particulier de retraite, sont équilibrés en raison d'une pyramide des âges favorable. Les partenaires sociaux ont aussi construit des dispositifs de protection sociale spécifiques qui reposent sur la transférabilité des droits : retraite complémentaire, prévoyance, formation professionnelle, congés payés, santé au travail et assurance chômage.
Une autre voie de lutte contre la précarité a consisté à mener des actions de professionnalisation des salariés et des employeurs. Pour les salariés, les partenaires sociaux et les pouvoirs publics ont encouragé la structuration des formations initiales et continues. Pour les employeurs, des initiatives ont été prises pour renforcer leurs compétences en matière de gestion économique et sociale, comme par exemple avec l'accord-cadre national pour des actions de développement de l'emploi et des compétences (ADEC) du spectacle vivant. Une démarche similaire dans le spectacle enregistré serait sans doute la bienvenue. La licence d'entrepreneur de spectacles a également constitué un outil de professionnalisation du secteur.
Malgré ces avancées, nos auditions nous ont permis d'identifier certaines carences. La mission formule donc des recommandations pour tenter d'y remédier.
Le premier enjeu consiste à promouvoir l'emploi permanent et lutter contre la « permittence ».
En dépit de l'érosion des « marges artistiques », il doit être possible d'accroître la durée d'emploi dans le spectacle vivant. Il faut mieux prendre en compte, dans la politique de de la création, les considérations liées à l'emploi : fixer un objectif en termes de nombre de représentations ou lier les financements à la qualité de l'emploi sont deux pistes à privilégier. Des accords existent en matière d'emploi permanent dans certaines structures subventionnées, mais ils ne sont pas respectés, souvent par défaut de moyens financiers.
La « permittence » concerne plus particulièrement les techniciens de l'audiovisuel. Elle consiste en l'emploi récurrent et régulier, sous CDDU, d'un salarié par un même employeur, alors que ce salarié devrait, de toute évidence, être embauché sous contrat à durée indéterminée (CDI). Cette pratique abusive, que tout le monde connaît et qui fragilise le dispositif, nuit à la stabilité des parcours et sollicite indûment l'assurance chômage qui assure, dans un tel cas de figure, un complément et non plus un remplacement de revenu. La mission juge nécessaire d'y mettre un terme et émet des recommandations graduées. Elles ne sont pas, pour la plupart, de nature législative et relèvent souvent de la négociation entre partenaires sociaux.
La première recommandation consiste à inviter ceux-ci à négocier des accords collectifs pour prévoir l'obligation, pour l'employeur, de proposer un CDI lorsque le salarié a travaillé pour lui 600 heures sur un an. Le salarié est alors libre de choisir la nature de son contrat de travail. La deuxième recommandation, qui suppose une modification de la partie législative du code du travail, consiste à prévoir une requalification des CDDU en CDI lorsque la durée travaillée pour un même employeur atteint, de manière récurrente, 900 heures. Enfin, nous recommandons d'interdire la possibilité de cumuler un revenu d'activité avec la perception d'allocations d'assurance chômage lorsque la durée mensuelle travaillée est équivalente à un temps plein, soit 151 heures.
Je pense que ces trois propositions sont un signal fort de notre détermination à mettre un terme à ces dérives.
Ces mesures sont indispensables mais il ne faut pas que leur mise en oeuvre soit seulement coercitive. C'est pourquoi une réflexion sur un dispositif de soutien public des employeurs qui s'engageraient dans une démarche d'emploi permanent me paraît nécessaire. Je pense qu'il faudrait aussi, à terme, mener une réflexion sur le coût global des prélèvements sociaux : les taux de cotisations sociales sont inférieurs au droit commun, mais le taux des contributions au régime d'assurance chômage est supérieur à celui du régime général. Il serait opportun que les partenaires sociaux réfléchissent à des taux de cotisation et de contribution qui incitent à recourir à l'emploi permanent, ce qui n'est pas forcément le cas aujourd'hui. Je défends le système de l'intermittence du spectacle, mais j'estime nécessaire d'inciter à en « sortir par le haut ». Ce dispositif ne doit pas constituer un horizon indépassable pour les salariés du secteur culturel.
Il faut aussi garantir des conditions d'exercice et de rémunération satisfaisantes. Pour les salariés, cela implique de faire respecter les salaires minimaux conventionnels, trop souvent ignorés par les employeurs occasionnels, notamment en intensifiant l'information mais aussi les contrôles.
Pour les artistes indépendants, cela suppose de mener une politique ambitieuse, au niveau européen, pour sécuriser la rémunération pour copie privée et la gestion collective des droits. Cela implique aussi, pour les artistes visuels, de faire respecter le droit de présentation publique et le « 1 % décoration », notamment par les collectivités locales, en mobilisant le réseau des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) pour mieux les informer sur leurs obligations en la matière.
La mission juge également nécessaire de mieux lutter contre les pratiques qui fragilisent l'emploi artistique.
Il serait opportun d'intensifier les contrôles en matière de travail dissimulé dans le secteur du spectacle. Comme tout secteur fortement employeur de main-d'oeuvre, il est susceptible de donner lieu à de telles infractions, d'autant qu'un nombre important d'employeurs ne sont qu'occasionnels. Une formation des agents chargés du contrôle aux spécificités du secteur, qui sont nombreuses, semble nécessaire. Le concours des DRAC dans le ciblage des contrôles serait bienvenu. J'ajoute que, depuis la loi du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, les agents de Pôle emploi peuvent être assermentés ; cette opération, en cours d'achèvement, leur permettra de diligenter des contrôles plus poussés. Enfin, la possibilité de refuser ou de demander le remboursement des aides publiques octroyées, en cas de travail illégal, devrait être utilisée.
En termes plus positifs, je dirais qu'il faut désormais promouvoir une culture de la déclaration, comme cela a été le cas dans le domaine musical, grâce au travail mené par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM). Pour ce faire, il convient d'informer sur la capacité de contrôle désormais très importante des organismes de protection sociale et de Pôle emploi qui est chargé non seulement d'indemniser les chômeurs, mais aussi de recouvrer les contributions d'assurance chômage dans le secteur du spectacle. Les intermittents du spectacle sont aujourd'hui la population salariée la plus connue et le sera encore plus à l'avenir grâce aux croisements de fichiers. Je pense qu'il faut faire passer ce message, autant auprès des salariés que des employeurs, notamment occasionnels. Il faut expliquer, y compris aux salariés, que la sous-déclaration conduit à les priver, in fine, de leurs droits. Un changement de culture est nécessaire.
Il convient aussi de mieux définir la pratique amateur qui constitue parfois une concurrence déloyale et pèse à la baisse sur les rémunérations offertes aux professionnels.
J'en viens maintenant à la question de l'assurance chômage de l'intermittence du spectacle. Cette question sensible a bien évidemment été abondamment évoquée lors des travaux de la mission. Je ne pense pas pertinent d'émettre, sur ce sujet, des propositions qui se voudraient définitives. Nous devons être respectueux des partenaires sociaux. Nous pouvons fixer des orientations, identifier des sujets de négociation, mais pas contraindre les discussions.
La mission d'information a établi le constat suivant : l'existence d'un régime spécifique, constitué par les annexes VIII et X de la convention d'assurance chômage, est justifiée par la particularité des conditions d'emploi des intermittents du spectacle qui sont, plus que les autres salariés, soumis à un rythme de travail discontinu. Certes, le déficit de ce régime est préoccupant, mais il faut se garder de toute analyse caricaturale : un régime qui couvre uniquement des contrats de courte durée est, par nature, déficitaire. En outre, les simulations de l'Unédic nous permettent d'établir que le « vrai » coût du régime, imputable à la spécificité de ses règles, est de 320 millions d'euros et non de 1 milliard d'euros. Ce montant est très nettement en-deçà des ordres de grandeur qui sont régulièrement brandis par les détracteurs du système.
La Cour des comptes nous a alertés, régulièrement, sur le montant du déficit des annexes VIII et X, qu'elle chiffre à 1 milliard d'euros. Ce n'est pas faux sur un plan strictement comptable, mais, et c'est une divergence de vues, nous considérons que l'approche du régime ne peut s'y résumer. Le régime d'assurance chômage repose sur la solidarité interprofessionnelle et le régime de l'intermittence du spectacle ne relève pas d'une caisse spécifique. Comme l'a souligné devant la mission d'information M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, on ne peut restreindre l'analyse d'un régime d'assurance aux seules personnes qu'il indemnise : par définition, dans un tel cas de figure, il est déficitaire. Le rôle de l'assurance chômage est d'établir une solidarité entre ceux qui ont un emploi stable et ceux qui en sont dépourvus et qui ont acquis des droits à indemnisation. Si l'on appliquait aux intermittents du spectacle les règles du régime général d'assurance chômage, il en résulterait une baisse des dépenses de 420 millions d'euros, mais aussi une diminution du montant des contributions encaissées de l'ordre de 100 millions d'euros – je rappelle que le taux des contributions d'assurance chômage est de 10,8 % dans le secteur du spectacle contre 6,4 % dans le régime général. Au total, le surcoût des règles spécifiques du régime de l'intermittence du spectacle peut être estimé à 320 millions d'euros. C'est à partir de ce montant qu'il convient de raisonner, et non à partir du « cliché » de 1 milliard d'euros qui circule partout.
Pour autant, compte tenu de la situation économique et sociale actuelle, ce coût paraît difficilement soutenable dans la durée. Nous devons donc réfléchir aux moyens de le contenir, dans un esprit de justice et de responsabilité, pour garantir la pérennité d'un régime adapté aux spécificités du spectacle. Il faut donc tenter de contenir la dérive des comptes, mais dans un esprit d'équité : en s'attachant protéger les plus précaires et en faisant davantage participer les mieux intégrés.
J'ai souhaité distinguer les propositions qui font l'objet d'un consensus des partenaires sociaux de la branche de celles qui nécessitent sans doute des négociations plus approfondies, y compris au niveau interprofessionnel. Le paritarisme du secteur est en effet particulier, en raison de la convergence d'intérêts qui peut survenir entre employeurs et salariés. Ceux-ci peuvent faire des propositions communes, mais elles ne suffisent pas.
La mission émet deux recommandations qui semblent recueillir le consensus. La première consiste à doubler le plafond de l'assiette des cotisations d'assurance chômage, aujourd'hui fixé à quatre fois le plafond de la sécurité sociale, pour le porter à un peu plus de 24 000 euros par mois. La recette supplémentaire attendue serait, selon l'Unédic, de 7 millions d'euros en année pleine. Certains proposent un déplafonnement complet de l'assiette mais je n'y suis pas favorable car je crains des pratiques de contournement.
La seconde recommandation consiste à plafonner le cumul mensuel des revenus d'activité et des allocations de chômage. On compte environ 250 000 salariés ayant conclu, au moins une fois dans l'année, un CDDU dans le secteur du spectacle. Parmi eux, environ 110 000 sont indemnisés au titre du régime d'assurance chômage de l'intermittence du spectacle une fois dans l'année. La vraie particularité du régime réside dans les 70 000 personnes qui perçoivent régulièrement une allocation de chômage et la cumulent avec des revenus d'activité. Ce cumul n'est pas plafonné. Un accord semble se dégager pour instituer désormais un plafond ; se pose alors la question de son montant. Nous proposons de le fixer au montant maximal pouvant être aujourd'hui atteint pour les allocations d'assurance chômage, soit 4 188 euros mensuels en 2013. L'Unédic estime que la moindre dépense serait de 33 millions d'euros. Il s'agirait d'un changement important dans le régime, mais les partenaires sociaux du secteur semblent prêts à l'assumer car tout le monde voit bien qu'il instituerait une forme d'équité et de justice.
J'indique que nous avons découvert que le cumul d'un revenu d'activité et d'allocations de chômage existe également dans le régime général, où 45 % des allocataires sont en activité réduite. Ce phénomène est donc loin d'être marginal. Le marché du travail semble, de ce point de vue, être caractérisé par une généralisation de l'intermittence.
Au-delà, la mission a souhaité faire état d'autres pistes d'évolution dont l'impact semble plus difficile à mesurer.
La première est celle du rétablissement de la « date anniversaire », qui consisterait à fixer à un an la période de référence au cours de laquelle sont appréciés les droits ainsi que la durée d'indemnisation. Il s'agirait donc de revenir au système antérieur à la réforme de 2003. Cette mesure est séduisante par sa simplicité, mais semble difficilement compatible avec la logique des droits rechargeables qui tend à s'imposer dans le régime général avec la transposition de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013. Si une telle mesure était proposée, il me semble qu'elle devrait sans doute s'accompagner d'un relèvement du nombre d'heures travaillées nécessaire pour ouvrir un droit à indemnisation – par exemple, à 535 heures, soit quatre mois, dans une logique d'harmonisation avec le régime général. On pourrait, dans le même temps, réévaluer le nombre d'heures d'enseignement pouvant être assimilées à des heures travaillées dans le spectacle. Cette piste d'évolution répond à une attente du secteur, c'est pourquoi j'ai tenu à l'évoquer, mais elle me semble assez délicate à mettre en oeuvre. C'est pourquoi je n'ai pas souhaité l'ériger au rang de recommandation mais simplement la soumettre aux partenaires sociaux.
La deuxième piste est celle de la modulation du taux de contribution à l'assurance chômage des employeurs, en fonction de l'intensité du recours au CDDU, afin de développer des comportements plus vertueux. L'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 de sécurisation de l'emploi prévoit une sur-cotisation pour les contrats les plus courts. Les contrats des intermittents seraient concernés par cette sur-cotisation de 0,5 point qui représenterait 11 millions d'euros de recettes supplémentaires pour l'assurance chômage. J'indique d'ailleurs qu'un point de cotisation représentant 22 millions d'euros, la résorption complète du surcoût de 320 millions d'euros – je ne parle même pas du milliard d'euros ! – supposerait d'établir le taux des contributions à l'assurance chômage à un niveau extrêmement élevé.
Enfin, je pense qu'un débat pourrait être ouvert sur une éventuelle suppression de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels qui concerne certains artistes. On pourrait en espérer 13 millions d'euros de recettes supplémentaires et une telle mesure permettrait d'améliorer les droits sociaux des salariés, notamment en matière de retraites, ce qui est d'autant plus nécessaire que la population des intermittents vieillit.
Pour résumer, s'agissant de l'assurance chômage, trois principes m'ont guidé : contenir le déficit, protéger les plus fragiles et faire davantage contribuer les mieux insérés. Je pense que cette approche est équilibrée et responsable. J'espère que l'accord trouvé au sein de la mission sera partagé par les deux commissions. En tout état de cause, il faudra que les réformes soient progressives ; le précédent de 2003 ne doit pas se reproduire.
Le dernier axe des recommandations de la mission concerne la poursuite du chantier social. Ces propositions sont nombreuses, je vais les résumer.
Il s'agit tout d'abord d'améliorer et de simplifier la protection sociale des professions artistiques : pour les artistes auteurs, la mission recommande la création d'une branche accidents du travail-maladies professionnelles, le rapprochement des deux organismes de sécurité sociale compétents – l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA) et La Maison des artistes, pour la seule gestion de la sécurité sociale –, ainsi que la sécurisation des retraites complémentaires. Pour les salariés, il faut prendre acte des dysfonctionnements de la gestion des congés payés par la Caisse des congés spectacles, sur lesquels la Cour des comptes a alerté à de nombreuses reprises. Le principe d'une mutualisation doit être préservé, mais la délégation de gestion à Audiens ne doit plus être retardée. L'amélioration des droits des salariés appelle une généralisation de la culture de la déclaration : la mission d'information recommande donc d'accroître la visibilité du guichet unique du spectacle occasionnel (GUSO) et d'explorer toutes les voies de simplification des démarches des employeurs relevant de ce guichet, dont les coûts de gestion doivent également pouvoir être réduits.
J'ai par ailleurs consacré des développements spécifiques aux « matermittentes », dont les témoignages ont été saisissants. Je rappelle qu'il s'agit de femmes intermittentes du spectacle qui éprouvent de grandes difficultés à voir leurs congés de maternité indemnisés par les caisses primaires d'assurance maladie, ce qui a ensuite pour conséquence de réduire leurs droits à indemnisation du chômage. J'espère que ce rapport sera un signal fort pour le Gouvernement et les partenaires sociaux. Le ministère des affaires sociales doit réaffirmer, si besoin par circulaire, le droit des « matermittentes » à un congé de maternité indemnisé. Les partenaires sociaux doivent, lors de la négociation sur l'assurance chômage, établir des règles qui garantissent l'indemnisation des matermittentes privées d'emploi. Il nous faut peser de tout notre poids pour mettre un terme à l'injustice dont ces femmes sont victimes.
Le rapport aborde la question de la structuration professionnelle du secteur artistique : il est important de parvenir à une couverture conventionnelle dans les arts visuels, qui sont pour l'instant les « parents pauvres » des métiers artistiques, et d'assurer une représentation satisfaisante des artistes auteurs dans les instances de dialogue avec les pouvoirs publics.
En ce qui concerne la construction des parcours professionnels, il convient d'accroître le recours aux dispositifs de formation et d'améliorer les dispositifs de gestion prévisionnelle des emplois.
Il faut aussi mieux accompagner les reconversions professionnelles. L'État doit s'impliquer, comme il a su le faire en 2004, à travers le Fonds de professionnalisation et de solidarité. Je pense que des marges de manoeuvre existent : ce fonds a été doté jusqu'à hauteur de 109 millions d'euros, il ne l'est plus qu'à hauteur de 7 millions d'euros.
Enfin, j'ai souhaité conclure le rapport en montrant que l'intermittence du spectacle n'était pas un horizon indépassable. J'ai notamment évoqué diverses expériences innovantes qui nous ont été présentées, comme des coopératives d'activité et d'emploi. J'ai également cité les liens qui peuvent se nouer entre des compagnies des arts de la rue et l'économie sociale et solidaire. Des expériences sont menées pour mettre en oeuvre de nouveaux modes d'organisation du travail et de nouveaux modèles économiques. Elles semblent particulièrement intéressantes. De telles démarches gagneraient à être encouragées mais aussi sécurisées car certaines d'entre elles sont parfois à la limite du portage salarial. Le législateur aura certainement à préciser certains points.
En conclusion, le rapport de la mission se veut un manuel pour mieux comprendre les enjeux des conditions d'emploi dans les métiers artistiques. J'ai aussi souhaité tordre le cou à certaines idées reçues et dépasser certains clichés pour, je l'espère, établir un diagnostic partagé. C'est sur ce fondement que j'ai essayé de dégager des pistes afin de conforter, sécuriser et développer l'emploi artistique. J'espère qu'elles recueilleront votre assentiment, comme elles ont su recueillir, à l'unanimité, celui des membres de la mission. Je vous remercie.