Intervention de Isabelle Attard

Réunion du 17 avril 2013 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

J'espère moi aussi que cet excellent travail, très complet, sera suivi d'effets. Le rapport d'information émet de nombreuses recommandations pour améliorer les conditions d'emploi dans les métiers artistiques.

Les écologistes sont tout à fait favorables au principe d'un maintien du régime d'assurance chômage de l'intermittence du spectacle. Il constitue un élément essentiel de l'économie du spectacle. Toutefois, son déficit structurel met en péril sa pérennité. Les partenaires sociaux qui gèrent l'Unédic sont de plus en plus réticents à absorber les charges qui en résultent et qui sont dérogatoires du droit commun.

Un surcroît d'activité crée un surcroît de chômage : plus l'activité est importante, plus elle est partagée, plus il y a de chômage, et plus le régime de l'intermittence du spectacle est déficitaire. En fait, ce régime est une subvention déguisée dont le coût est supporté par les seuls employeurs et employés des autres secteurs professionnels, dont certains sont en récession, et non pas par les employeurs du secteur culturel qui est, lui, en croissance.

Ce mode de fonctionnement produit des effets pervers. Créer des spectacles lors du temps chômé est la logique évidente de tous ceux qui sont indemnisés sans déclarer leur travail. La volonté de réduire les coûts de l'intermittence du spectacle conduit à exclure de plus en plus d'artistes, souvent les plus fragiles, et les nouveaux candidats à l'emploi – les jeunes, les plus âgés, les femmes. Dans le même temps, de nombreux employeurs, surtout ceux qui embauchent des intermittents régulièrement et en nombre, profitent d'un système largement perverti : transformation d'emplois intermittents en emplois permittents, les salariés travaillant cinq jours par semaine mais n'étant rémunérés que pour un ou deux, le solde étant pris en charge par l'assurance chômage ; transformation d'emplois permanents en emplois intermittents – ça coûte moins cher –, et optimisation excessive du système d'indemnisation et du salariat.

Au-delà de la réduction du déficit, la réflexion doit être guidée par la recherche de solutions complémentaires pour réduire la précarité, prendre en compte la pluriactivité et parvenir à l'équité des rémunérations. On ne peut avancer dans la recherche de nouveaux équilibres en s'arc-boutant sur les fameuses 507 heures requises sur la période de référence, car alors on laisse le marché décider de qui est artiste ou non. On ne parviendra à résoudre les problèmes que dans un cadre beaucoup plus large que celui de Pôle emploi.

Trois catégories d'acteurs ont un rôle à jouer. Les premiers sont les partenaires sociaux des branches professionnelles concernées (spectacle vivant et audiovisuel), auxquels il devrait revenir de définir les critères professionnels d'entrée et de maintien dans ce régime dérogatoire. Je pense ensuite aux employeurs qui ne doivent recourir aux contrats à durée déterminée d'usage que pour l'embauche d'artistes et de techniciens dont l'activité, réellement discontinue, s'exerce dans le cadre de projets sur et pour le plateau. Je pense enfin aux collectivités publiques, et plus particulièrement à l'État, à qui il appartient de vérifier le respect des droits sociaux.

Les artistes-interprètes sont considérés comme des intermittents du spectacle lorsqu'ils sont sur scène, mais pas lorsqu'ils sont sollicités pour animer des débats, des ateliers ou des « master classes ». Nous souhaitons que ces activités soient reconnues comme participant pleinement au métier d'artiste et soient donc prises en compte comme des heures travaillées dans le spectacle au titre de l'assurance chômage. Relevant d'une démarche artistique, elles doivent être déclarées comme telles. Les qualifier d'activités d'enseignement pour les exclure des activités de création est totalement incohérent.

Face à ces nombreux problèmes, notre groupe propose des recommandations complémentaires à celles émises par le rapport qui, je le rappelle, va tout à fait dans le bon sens, en répartissant le coût du régime, en incitant à l'emploi permanent générateur de recettes, en augmentant les contributions d'assurance chômage au moyen d'un mécanisme de bonus-malus et en accordant une subvention uniquement aux structures qui justifient, en toute transparence, de la nécessité de l'emploi intermittent.

Les collectivités territoriales et l'État doivent assurer et vérifier le paiement intégral des salaires pour les spectacles qu'ils programment. Nous proposons d'autres moyens pour diminuer le coût de l'intermittence du spectacle : une augmentation des recettes qui peuvent financer le régime, comme par exemple une taxe sur les entrées des spectacles, une taxe supplémentaire sur les droits versés par les diffuseurs (fournisseurs d'accès à internet, opérateurs de téléphonie, services de télévision), ou encore le développement de l'économie sociale et solidaire.

Enfin, nous sommes tout à fait favorables à la suppression de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnel. Ce mécanisme ne profite, en réalité, qu'aux employeurs et aux salariés dont les revenus sont extrêmement importants.

En conclusion, nous félicitons le rapporteur pour le travail accompli. Nous serons à vos côtés pour aboutir à l'amélioration du système.

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