Intervention de Michèle Bellon

Réunion du 23 avril 2013 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Michèle Bellon, présidente du directoire d'électricité Réseau Distribution France, ERDF :

ERDF est au service de l'ensemble des territoires et de leurs habitants. Nous assurons des missions de service public : la gestion et le développement d'un réseau de distribution long de 1,3 million de kilomètres, en moyenne et basse tension, c'est-à-dire en aval du réseau de transport dont il a été question tout à l'heure.

Nous avons 35 millions de clients ; notre chiffre d'affaires s'élève à 13 milliards d'euros, dont 4 milliards sont reversés à RTE, puisque c'est nous qui collectons le tarif d'acheminement. Si nous desservons 95 % du territoire, nous travaillons au quotidien avec les entreprises locales de distribution (ELD) prévues par la loi depuis 1946 : si les réseaux appartiennent aux collectivités locales, ERDF en est à la fois le gestionnaire et le concessionnaire.

Pour nous, la transition énergétique est un défi quotidien. Nos 35 000 salariés, répartis sur plus de 1 000 implantations, interviennent de façon permanente, conformément à nos missions de service public. De la reconstruction du pays après la guerre au changement du plan de tension et à la mise en place du « compteur bleu », qui a permis le développement de l'électroménager, du développement de l'électronique – qui accroît l'exigence de qualité d'électricité – à l'urbanisation de notre territoire, notre entreprise a accompagné toutes les évolutions de la société française. EDF, puis ERDF à partir de sa création en 2008 comme filiale à 100 % d'EDF, ont permis à la France de bénéficier d'un prix de l'électricité parmi les plus bas d'Europe, avec une bonne qualité moyenne : selon la Cour des comptes, nous bénéficions du meilleur rapport qualité-prix sur le continent. La péréquation tarifaire est totale, ce qui n'allait pas de soi au vu des difficultés techniques pour approvisionner certains territoires – elle n'a d'ailleurs été mise en place qu'en 1959.

Aujourd'hui, la transition énergétique fait partie intégrante de notre projet d'entreprise. Pour réussir, il nous faudra resserrer nos liens avec tous les échelons de collectivités territoriales : j'ai d'ailleurs, dans ce dessein, réorganisé ERDF en créant vingt-cinq directions régionales.

EDF remplit son rôle de service public de l'électricité en accompagnant clairement et volontairement le développement des énergies renouvelables : cela n'a pas été facile, car, en quelques mois, nous avons accueilli 10 gigawatts, soit l'équivalent de dix tranches nucléaires, sur un réseau de distribution qui n'a pas été conçu pour cela. Plus de 270 000 installations de production – photovoltaïque et éolienne – sont aujourd'hui connectées, et 95 % d'entre elles sont raccordées au réseau de distribution moyenne et basse tension. Notre réseau est arborescent : il partait des grandes centrales de production pour aller, par des ramifications de plus en plus fines, jusqu'au consommateur final ; aujourd'hui, le développement des énergies renouvelables se fait sur les territoires, là où le réseau est en plus basse tension. À l'horizon 2020, nous devrions investir entre 40 et 45 milliards d'euros.

On pourrait imaginer que le développement des énergies renouvelables signifierait un moindre appel aux réseaux. Il n'en est rien : les énergies renouvelables sont intermittentes, et leur géographie est rarement celle des lieux de consommation. Elles sont, certes, réparties, mais surtout localisées là où existe une énergie primaire suffisante – soleil au sud, vent au nord et à l'ouest –, mais aussi un foncier accessible. Le développement du photovoltaïque en est la parfaite illustration : il se fait où le coût du terrain permet d'optimiser la rentabilité du projet, ce qui oblige à développer des réseaux au milieu de nulle part. Les projets qui seraient les plus utiles au système électrique, et donc à la collectivité nationale, sont situés au plus près des lieux de consommation, mais ce n'est pas toujours là que l'on trouve le foncier disponible : le développement de ces projets est plus long.

Sans doute pourrait-on prévoir, dans la loi sur la transition énergétique, un caractère d'intérêt général compatible avec les règles européennes pour des projets d'énergies renouvelables en milieu urbain, souvent d'ailleurs portés par les collectivités locales : ce serait une véritable avancée.

Si nous voulons être collectivement plus efficaces, nous devons trouver des lieux de concertation, d'échange et d'arbitrage sur les investissements, afin que l'évolution du bouquet énergétique national se fasse de façon pragmatique et supportable économiquement. ERDF souhaite renforcer ses liens avec les associations professionnelles, les filières industrielles et les collectivités locales. Les exemples de l'Allemagne et de l'Espagne doivent nous inciter à revenir à une forme de planification, de programmation pluriannuelle des investissements, transparente et contrôlable.

Plus d'énergies renouvelables, c'est plus de réseaux et plus intelligents : il faut en permanence gérer l'intermittence de ces énergies et assurer la sécurité du système électrique. Si nous n'y prenons pas garde, les réseaux risquent d'être demain un obstacle à une transition énergétique réussie.

Nous voulons aussi renforcer la solidarité entre les territoires et lutter contre la précarité énergétique. ERDF est, je l'ai dit, très attachée au maintien de la péréquation tarifaire, et celle-ci est liée au maintien du monopole historique national, ce qu'explique la Cour des comptes dans son dernier rapport public : la péréquation est un facteur essentiel de solidarité entre les territoires. Certes, nous gérons la distribution dans le cadre de contrats de concession avec les autorités organisatrices de la distribution, mais ce sont des contrats particuliers : ils ne portent pas sur le prix, fixé nationalement par le régulateur ; les limites administratives de ces concessions sont, de plus, variables. Il y a trois ans, plus de 1 200 contrats de concession étaient conclus ; aujourd'hui, il n'y en a que 600, sans que le service rendu aux clients en ait été modifié.

Nous voyons monter la précarité énergétique : il faut imaginer de nouvelles solidarités ; un dispositif de dernier recours permettrait aux plus fragiles de ne pas être privés d'électricité. Je veux toutefois préciser qu'il n'y a pas de lien direct entre précarité énergétique et chauffage électrique de base. Les formes de précarité sont multiples : les populations les plus fragiles sont les personnes âgées qui occupent de grands logements dont elles sont propriétaires, d'une part, et les familles monoparentales logées dans le parc locatif privé, d'autre part. Il faut, comme par le passé, adapter nos réponses à l'évolution de la société : nous sommes prêts à accompagner vos réflexions.

Notre mission est enfin d'innover en permanence et de soutenir les filières industrielles françaises. Nous avons, depuis une dizaine d'années, développé les automates et les réseaux intelligents : trente et une agences de conduite pilotent l'ensemble du réseau en moyenne tension ; demain, nous devrons conduire le réseau en basse tension, et c'est à cela que serviront les compteurs communicants, qui accroîtront la stabilité et l'efficacité du réseau et permettront d'intégrer les énergies renouvelables, tout en donnant un rôle actif au consommateur. Nous nous préparons également à la croissance des véhicules électriques. Notre programme d'investissement, supérieur à 3 milliards d'euros annuels, crée de nombreux emplois ; nous accompagnons les investissements des collectivités locales, à hauteur de 750 millions.

S'il fallait résumer notre mission en deux mots, je dirais : servir et innover.

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