Le tableau que vous avez dressé de nos ambitions stratégiques doit avoir une traduction concrète sur la mobilité des personnes, sujet sur lequel nous sommes très en retard. Nos procédures et dispositifs sont assez rigides et nos pratiques consulaires, même si elles sont mises en cause à tort parce qu'on délivre beaucoup plus de visas qu'on ne le dit, gagneraient à être beaucoup plus souples, en particulier envers celles et ceux qui feront le lien solide et durable entre les deux rives de la Méditerranée. Les artistes, les scientifiques, les chefs d'entreprise, les étudiants, les chercheurs ont déjà fait l'objet d'annonces, mais il faudrait sans doute aller un peu plus loin. Quelle est notre stratégie concrète en la matière ?
Souvent, nous ne pouvons pas tirer parti de la bonne connaissance que nous avons de la région en raison d'attitudes quelque peu velléitaires. En Libye, par exemple, après avoir assuré notre présence par notre engagement dans la guerre, nous sommes le seul pays important d'Europe à ne pas avoir rouvert de ligne aérienne directe entre sa capitale et Tripoli. Quoi qu'on pense de ces opérations et de la façon dont elles ont été menées, la France a consenti un investissement lourd. Pourtant, elle laisse la reconstruction de la quasi-totalité des relations économiques avec la rive nord de la Méditerranée se faire sans elle. Tout cela parce qu'Air France n'a pas daigné rouvrir de liaison aérienne directe, contrairement à l'Allemagne, à l'Angleterre, à l'Italie, à l'Espagne et à la Turquie, qui l'avaient aussi fermée un temps. Comment inciter nos outils, quand bien même sont-ils privés, à participer à une stratégie globale ? Si cette dichotomie entre, d'un côté, une vision stratégique et, d'un autre côté, les agissements complètement déconnectés des acteurs, devait durer, je crains que cette tendance velléitaire ne fasse que se confirmer.