Je suis d'accord avec la nécessité de développer cette problématique. C'est un sujet qui monte dans nos relations bilatérales et qui présente un fort potentiel.
J'en viens à nos relations bilatérales avec l'Algérie et le Maroc. Le choix du Président de faire sa première visite d'État au Maghreb en Algérie, avait, il est vrai, fait craindre à certains qu'un rapprochement avec l'Algérie puisse s'opérer au détriment du Maroc. Tout notre travail a consisté à expliquer qu'une bonne relation entre nous et l'Algérie ne signifiait pas que notre relation avec le Maroc devenait moins bonne, qu'il n'y avait pas de phénomène de vases communicants : nous voulons une bonne relation avec ces deux pays parce qu'ils sont très importants pour nous. Au-delà des mots, ce travail de persuasion s'est traduit, une semaine avant la visite du Président en Algérie, par la visite au Maroc du Premier ministre pour la RHN. Ces messages ont bien porté et la qualité de notre relation avec le Maroc n'est mise en doute par personne.
Quant au rapprochement entre l'Algérie et le Maroc, il est bloqué surtout à cause de deux dossiers. Le premier est la fermeture, depuis 1994, de la frontière entre les deux pays. Le deuxième dossier concerne le Sahara occidental, problème non résolu depuis le départ des Espagnols. Ce sont les Nations unies qui sont chargées de cette question en la personne de Christopher Ross, envoyé personnel du secrétaire général. M. Ross se livre actuellement à une diplomatie de navette. C'est un engagement politique fort de leur part qui permettra de trouver une solution. De son côté, le Maroc a proposé, en 2007, un plan d'autonomie qui donnerait certaines prérogatives aux autorités locales tout en restant sous souveraineté marocaine. Notre politique est claire : nous soutenons les négociations menées par les Nations Unies et comme l'a redit le Président de la République lors de sa visite d'Etat au Maroc, nous considérons le plan marocain comme une base réaliste et crédible d'une solution négociée.
S'agissant des échanges d'étudiants dans les deux sens, le Président a proposé que soit mis en place un système Erasmus entre les deux rives de la Méditerranée, ce qui permettrait à davantage d'étudiants français de se rendre dans les pays maghrébins.
Les réformes engagées au Maroc ont permis d'éviter une instabilité dans le pays. C'est à la faveur de ce processus que le PJD, le principal parti d'opposition islamiste, est arrivé au pouvoir. Pour autant, des progrès restent à accomplir, notamment en matière de droits de l'homme et de libertés. Nous continuons notre dialogue avec les autorités marocaines, dialogue qui a permis notamment la création de la Commission nationale des droits de l'homme, qui a été intégrée dans la Constitution. Nous souhaitons accompagner le pays, car nous n'oublions pas que les difficultés économiques et sociales, qui ont été les principaux facteurs des révolutions arabes sont aussi présentes au Maroc.
Le Président Bouteflika se représentera-t-il à l'élection présidentielle en Algérie ? Lui seul peut répondre à cette question. Pour l'instant, la seule candidature déclarée est celle de l'ancien Premier ministre, M. Benbitour.
La mobilité des personnes entre les deux rives de la Méditerranée est une question très importante. Les pays d'Afrique du Nord peuvent apporter beaucoup à la France et vice-versa. Ce sujet de mobilité est soumis à deux contraintes : la contrainte migratoire et la contrainte européenne, les visas étant très largement traités dans l'espace Schengen. Il y a un certain nombre de choses que nous ne pouvons tout simplement plus faire. Nous avons cherché des solutions innovantes, et des instructions ont été annoncées et mises en place, au Maroc comme en Algérie, pour favoriser la mobilité des personnes qui participent à la vitalité de nos relations bilatérales – étudiants, entrepreneurs, artistes, journalistes. Ces instructions se traduisent concrètement par un allégement des formalités paperassières. Au-delà de ces premiers gestes, une réflexion est toujours en cours entre le Quai d'Orsay et le ministère de l'intérieur sur les moyens d'améliorer les mobilités.
L'absence d'une liaison aérienne directe avec la Libye est considérée par toutes les entreprises comme nuisible au développement des relations commerciales avec ce pays. Contacté à la fois par nos soins, par notre ambassadeur en Libye, par la nouvelle coordinatrice interministérielle, Air France a opposé une fin de non-recevoir : sa situation difficile ne lui permettrait pas de prendre le risque d'ouvrir cette liaison aérienne. Pourtant, beaucoup de compagnies aériennes l'ont fait et de nombreuses entreprises effectuent des déplacements très réguliers. Nous avons essayé de trouver des solutions via les compagnies libyennes, mais celles-ci ne répondent pas aux critères exigés par la sécurité aérienne pour être autorisées à voler dans notre espace aérien. Aussi, continuons-nous à travailler à aplanir les deux principaux obstacles auxquels se heurtent nos entreprises pour travailler en Libye : la liaison aérienne et les conditions de sécurité, qui ne vont pas en s'améliorant. Aux entreprises, nous conseillons d'être vigilantes, de mettre en place certaines conditions de sécurité. Nous pensons que la Libye est un pays dans lequel il faut investir à long terme compte tenu de ses potentialités importantes.
Qu'entend-on par intégration maghrébine ? Pour ma part, je parlais simplement de développement des échanges, ce qui sera tout à fait possible quand la frontière entre l'Algérie et le Maroc sera ouverte. En tout cas, il pourra avoir lieu entre la Tunisie, la Libye et le Maroc, sans compter la Mauritanie. Selon tous les rapports des organisations internationales, cela pourrait représenter un à deux points de PIB en plus pour ces pays, ce qui n'est pas négligeable. Par ailleurs, la revitalisation du dialogue 5+5 a permis davantage de rencontres des ministres de l'intérieur et des ministres de la défense. Dans une optique de coopération en matière de lutte contre le terrorisme, cela favorise des discussions très concrètes, par exemple, sur le terrorisme sahélien. Que nos ministres se rencontrent et parlent des coopérations possibles entre notre armée qui est juste à leurs frontières et les pays d'Afrique du Nord est très important.