Intervention de Fabrice Verdier

Réunion du 24 avril 2013 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabrice Verdier, rapporteur :

L'alimentation est l'un des défis majeurs du XXIe siècle. Les citoyens demandent en effet une alimentation saine, sans suspicion de tromperie sur l'origine des produits.

Or la décision la Commission européenne d'autoriser l'alimentation des poissons avec des protéines animales transformées (PAT), tirées d'animaux non ruminants et de poissons, pour nourrir les poissons d'élevage à compter du 1er juin 2013 est de nature à réveiller la méfiance du consommateur à l'égard de son alimentation, dans le contexte déjà très défavorable du scandale de la viande de cheval.

De quoi parle-t-on lorsqu'on évoque les PAT ?

Avant les années 2000, les farines animales étaient produites à partir de sous-produits animaux, dont certains ont révélé des risques pour la santé des hommes ou des animaux car ils pouvaient notamment contenir des agents pathogènes responsables de l'ESB ou « maladie de la vache folle ». Elles pouvaient notamment provenir de produits malades.

En outre, elles étaient parfois données à des ruminants, qui sont pourtant herbivores. Elles étaient également attribuées sans respect de l'alimentation croisée : on nourrissait des porcs avec des farines de porc. En somme, on instituait la cannibalisation.

Les PAT sont, elles, issues de sous-produits radicalement différents de ceux qui constituaient les farines animales. Ce sont des matières exclusivement fabriquées à partir de sous-produits provenant d'animaux propres à la consommation humaine.

La décision de la Commission européenne a été prise après un vote du 18 juillet 2012 des représentants des États membres au comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale (CPCASA). La France a voté contre cette disposition pour des raisons de perception et de confiance du consommateur, et non pour des raisons sanitaires.

Outre l'absence de consensus sociétal en France sur la question des farines animales, qui symbolisent les dérives d'un système orienté vers la seule rentabilité, les inquiétudes portent sur ce que cette mesure préfigure. À cet égard, je salue que les groupes SRC, écologiste, GDR, RRDP et UDI se soient associés à la démarche du président François Brottes.

Il est important, en effet, pour que les propositions de résolution européennes aient du poids, qu'elles fassent l'objet d'un certain consensus.

Je crois d'ailleurs savoir que la Commission des affaires économiques du Sénat a adopté un texte proche du nôtre.

Cette proposition de résolution, légèrement amendée par la Commission des affaires européennes, rappelle, d'une part, que la logique de la chaîne alimentaire n'est pas de donner à manger de la viande de porc ou de volaille à du poisson et, d'autre part, que la crise de la vache folle a durablement ébranlé la confiance du consommateur.

Elle déplore aussi la décision de la Commission européenne d'autoriser l'utilisation de PAT à compter du 1er juin 2013 pour l'alimentation des poissons d'élevage après le vote des États membres du 18 juillet 2012.

Elle approuve par ailleurs l'opposition de la France lors de ce vote – l'Allemagne ayant aussi voté contre et la Grande Bretagne s'étant abstenue.

Elle rappelle en outre que le règlement européen est d'application directe et s'applique à tous les États membres. Cela signifie qu'il n'est pas possible de prendre un moratoire sans raison sanitaire notamment. Cela constituerait une barrière à la libre circulation des marchandises dans l'Union européenne – ce qui serait contraire aux règles du marché intérieur – et la France s'exposerait à des risques de contentieux importants.

Elle constate également qu'il existerait encore des réserves techniques contre l'introduction de PAT pour les volailles et les porcs, selon une étude de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Les filières ne seraient pas tout à fait étanches : il y aurait donc un risque, minime, de cannibalisation, ce que l'Union veut éviter.

Elle demande, dans ces conditions, une réflexion sur les protéines végétales comme mode alternatif d'alimentation, dans la mesure où l'on nourrit aujourd'hui beaucoup les poissons avec des farines issues de poissons sauvages, alors qu'il existe un problème de surpêche au niveau mondial

Elle salue enfin la promotion de labels tels que le label « 100 % végétal et poisson » ou le label « aquaculture de nos régions », qui couvre 75 % de la production française et n'autorise pas l'utilisation des PAT dans les cahiers des charges de production.

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