Intervention de Richard Ferrand

Séance en hémicycle du 13 mai 2013 à 16h00
Déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ferrand, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Cet outil offre un dispositif simple et équilibré, garantie de son efficacité.

La présente proposition de loi propose, en son article 1er, le déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement, afin d'orienter une partie de l'épargne salariale, aujourd'hui indisponible, vers la consommation.

Le dispositif consiste en effet à permettre le déblocage pendant six mois, limité à 20 000 euros par salarié, des sommes bloquées au titre de la participation et de l'intéressement.

Pour mémoire, en 2010, près de 8,8 millions de salariés ont bénéficié d'un dispositif d'épargne salariale. Les sommes visées sont considérables, puisque l'encours global de l'épargne salariale représente près de 95 milliards d'euros.

Il est ainsi prévu que le déblocage des fonds intervienne en une fois, soit sur simple demande du bénéficiaire, sans autre formalité, soit après conclusion d'un accord collectif, lorsque ces fonds ont été investis en titres d'entreprise.

Les sommes investies dans les fonds solidaires, destinées à des entreprises à forte utilité sociale et environnementale, ainsi que les sommes affectées dans les plans d'épargne pour la retraite collectifs, les PERCO, sont sauvegardées afin de préserver cet outil d'épargne à long terme.

Par ailleurs, l'employeur sera tenu d'informer les salariés de leur droit exceptionnel de déblocage dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la loi.

J'ajoute que ce dispositif est avantageux pour les salariés, puisqu'ils conserveront les exonérations fiscales et sociales attachées aux sommes bloquées, en particulier une exonération d'impôt sur le revenu, mais sans coût pour l'État et les finances publiques.

L'article 2 vise simplement à gager la présente proposition de loi au titre de la perte de recettes anticipée.

Ce texte, adopté en commission à l'unanimité, en dehors de l'abstention du groupe UMP, n'a été modifié qu'à la marge puisque seuls des amendements rédactionnels de votre rapporteur ont été adoptés.

À la différence des dispositifs antérieurs, certes ressemblants mais non similaires, cette proposition de loi est tout à la fois plus opportune et plus aboutie que les précédents déblocages.

Tout d'abord, elle vient à propos, tout simplement parce que la situation économique l'impose. Le pouvoir d'achat et la consommation ayant reculé en 2012, il s'agit désormais de les soutenir activement. C'est le sens de cette mesure immédiate, qui intervient parallèlement aux réformes de structure que nous menons et qui produiront leurs effets à moyen terme.

Au fond, ce déblocage est une consommation anticipée, une anticipation propice au regard de l'environnement économique actuel. On peut même affirmer que cette mesure a un caractère contracyclique.

Contrairement aux dispositifs de déblocage mis en oeuvre par le passé, celui-ci couvrira non seulement les sommes attribuées au titre de la participation, mais également au titre de l'intéressement, ce qui n'avait été le cas ni en 2005 ni en 2008.

Il est important de permettre le déblocage des sommes acquises au titre de ces deux dispositifs car la participation concerne plutôt les grandes entreprises et l'intéressement les petites et moyennes entreprises. La mesure touchera donc un public plus large que par le passé.

D'autre part, le délai imparti aux salariés pour procéder au déblocage est de six mois, contre cinq mois dans le cadre des deux dispositifs antérieurs, et le plafond est fixé à 20 000 euros, contre 10 000 euros dans le dispositif de 2008.

Autrement dit, non seulement l'outil proposé est plus large, mais il dispose d'un effet de levier plus ample, pour permettre un arbitrage entre épargne et consommation qui est favorable à cette dernière.

Conformément aux travaux en commission, je souhaite que le dispositif soit amendé afin d'en renforcer encore l'efficience.

Certains ont fait observer, à juste titre, qu'un simple déblocage exceptionnel, sans aucune condition relative au ciblage, pouvait mener à une modification de la structure de l'épargne : ce fut le cas, selon l'INSEE, de 70 % des sommes liées à la participation ou à l'intéressement débloquées en 2004, qui furent ensuite replacées sur un autre type d'épargne, moins contraignant, plus liquide et plus rémunérateur, par exemple sur un livret A.

Cet effet d'aubaine est contraire aux objectifs d'une telle mesure, et au-delà, au mécanisme et à l'esprit même de l'épargne salariale. On pourra toutefois noter que les liquidités disponibles y compris sur un livret A peuvent être facilement utilisées pour consommer.

Je souhaite donc, en accord avec M. le ministre, flécher le déblocage des fonds vers la consommation, en le conditionnant légalement à l'achat de biens de consommation ou à la fourniture de prestations de services. Cet angle mort des dispositifs précédents a largement contribué à réduire leur impact. Une telle conditionnalité est, je crois, de nature à permettre de surmonter cet obstacle.

Mais il convient aussi de maintenir l'objectif de simplicité : ce serait une erreur contre-productive que de décourager, par une bureaucratisation du dispositif, les salariés désireux de bénéficier du déblocage. J'y reviendrai tout à l'heure, car tel sera le sens des amendements que je proposerai.

Je vous soumettrai par ailleurs un amendement fixant clairement des dates butoirs de déblocage, de juillet à décembre, afin, là aussi, de gagner en simplicité et en lisibilité.

Enfin, à ceux qui demandent une estimation des montants totaux débloqués, je répondrai simplement que nous ne souhaitons pas nous aventurer vers des hypothèses non réalistes, d'une part parce que ces estimations ont toujours été déçues par le passé, d'autre part parce que le dispositif que nous adopterons sera innovant, ce qui rend forcément les prévisions aléatoires.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, réactivité, efficacité et simplicité sont les principes directeurs de la présente proposition de loi, en conformité avec l'objectif fixé par le Président de la République, et en phase avec l'attente de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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