Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, cette proposition de loi reprend une proposition faite par le Président de la République le 28 mars dernier et vise à permettre le déblocage exceptionnel de l'épargne salariale, pour un montant et sur un temps limités.
J'évoquerai ici certains des points sur lesquels porteront nos débats, après avoir indiqué que le mérite essentiel de cette proposition de loi, soutenue par le groupe socialiste, est qu'elle nous permet de compléter la stratégie de croissance du Gouvernement.
Cette stratégie de croissance s'articule, vous le savez, autour de trois axes, le premier d'entre eux consistant à créer un environnement européen plus favorable à la croissance. Cette tâche, à laquelle s'est attelé le Gouvernement, a été partiellement couronnée de succès, avec la décision de la Commission européenne d'attacher davantage d'importance aux mesures prises en faveur de la croissance et de proposer un rythme de consolidation budgétaire plus compatible avec les exigences de croissance dans la zone euro.
Le second axe repose sur la restauration des marges des entreprises, pour leur permettre d'investir à nouveau, et cela grâce à des mesures dont vous connaissez les plus emblématiques, par exemple la mise en place du CICE, ou encore la création de la Banque publique d'investissement.
Après avoir créé un environnement européen favorable à la croissance et pris des mesures en faveur de la compétitivité de nos entreprises, il restait à soutenir la consommation des ménages et leur pouvoir d'achat, et ce en oeuvrant dans deux directions : en jouant d'abord sur les dépenses des ménages, notamment en diminuant les dépenses contraintes ; en permettant ensuite à ces ménages de disposer de davantage d'argent disponible – c'est le sens des mesures que comporte cette proposition de loi.
J'ajoute brièvement que le projet de loi sur la consommation, qui sera soumis à votre examen dans quelques semaines, jouera sur un certain nombre de ces dépenses contraintes – je pense notamment aux dépenses d'assurance – et vous proposera également, ce qui n'est pas une petite mesure, de transférer une part de la rente économique accaparée par certains grands groupes, au mépris de la concurrence la plus élémentaire, vers les consommateurs, grâce à la reconnaissance de l'action de groupe.
Tout cela contribue à dessiner une stratégie de croissance cohérente, à laquelle contribue cette proposition de loi, qui permet le déblocage exceptionnel pour six mois et à hauteur de 20 000 euros, de l'épargne salariale.
Notre objectif consiste donc, très concrètement, à soutenir la consommation des ménages, l'un des derniers ressorts de la croissance française, alors que le rapporteur vient de rappeler que le pouvoir d'achat des Français avait reculé en 2012, en raison notamment d'une très forte augmentation des dépenses contraintes des ménages.
L'épargne salariale représente aujourd'hui 90 milliards d'euros d'encours, et 4 millions de salariés ont des avoirs bloqués. Il s'agissait donc de prendre une mesure qui soit à la fois simple et lisible, qui serve de catalyseur à la consommation et anticipe sur la réforme plus globale de l'épargne salariale qui découlera du débat qu'amorceront le Parlement et les partenaires sociaux, dès l'installation du Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié, le COPIESAS.
Nous avons souhaité que les sommes bloquées puissent être débloquées jusqu'à concurrence de 20 000 euros, à deux exceptions près. La première concerne évidemment les PERCO, qui sont des placements permettant de compléter une retraite. Nous ne voulions pas remettre en cause cette épargne longue au motif qu'il fallait soutenir la consommation. Nous avons également souhaité exclure du dispositif ce qui relève de l'épargne solidaire. En tant que ministre de l'économie sociale et solidaire, je sais l'importance des 10 milliards d'encours liés aux fonds d'épargne solidaire pour assurer des financements pérennes aux entreprises de l'économie sociale et solidaire, qui ont notamment d'importants besoins en fonds propres. Voilà les deux exceptions, logiques et légitimes, que comporte cette proposition de loi.
Ce texte servira néanmoins de catalyseur, en orientant les sommes débloquées durant ces six mois – qui seront défiscalisées, désocialisées – vers la consommation et non vers la reconstitution d'une autre forme d'épargne. Nos débats devraient nous permettre de parvenir sur ce point à une solution qui permettra à l'épargnant de débloquer son épargne dès lors qu'il peut justifier qu'il l'utilisera pour l'achat d'un bien ou d'un service.
Il fallait ensuite que le dispositif soit limité dans le temps, de façon à ne pas porter atteinte à l'outil même de l'intéressement et de la participation, outil original qui fait l'objet d'un dialogue social intense et qui permet non pas une rémunération individualisée mais une rémunération du collectif de travail. C'est un modèle qu'il faut préserver et qui justifie que ce dispositif soit temporaire, le temps que le COPIESAS, où siégeront quatre parlementaires dont deux députés, mais aussi les partenaires sociaux et des personnalités qualifiées, mène une réflexion plus large et fasse des propositions pour une réforme globale de l'épargne salariale. Si cette réforme est tant attendue, c'est que depuis dix ans nous avons empilé tant de réformes qu'il faut aujourd'hui être un spécialiste de l'épargne salariale pour s'y retrouver parmi la complexité des différents dispositifs.
Les propositions que fera le COPIESAS devront répondre à trois défis. Le premier est celui de l'élargissement du nombre de bénéficiaires de l'épargne salariale. Aujourd'hui, 8,8 millions de salariés bénéficient aujourd'hui de la participation, de l'intéressement ou d'un dispositif d'épargne salariale. C'est donc un enjeu important, d'autant que le nombre de bénéficiaires est extrêmement faible dans les entreprises de moins de cinquante salariés.
Il s'agit également de parvenir à un équilibre entre ce qui doit relever de la rémunération du travail sous forme de salaire et ce qui relève des revenus que l'on tire de la participation ou de l'intéressement. J'y insiste, car c'est au nom de cet équilibre que le Gouvernement n'est pas très favorable à ce que, dans les entreprises où n'existe pas de dispositif de participation ou d'intéressement soit mis en place un système de primes, défiscalisées et désocialisées, de 500, 1 000 ou 1 500 euros. Il n'y a guère de raison, en effet, qui justifie que l'on mette en place un tel système de primes, dès lors que les entreprises ont les moyens de procéder à des augmentations de salaires, qui peuvent abonder les régimes sociaux. Il est important de rappeler ici que notre attachement à l'épargne salariale, aux instruments de participation et d'intéressement, ne doit pas nous conduire à en faire des palliatifs, ou des substituts du salaire, lequel doit rester le principal outil de rémunération du travail.
Notre deuxième objectif, au-delà de l'élargissement, est la simplification. Je l'ai dit tout à l'heure, dix lois traitant de l'épargne salariale ont été adoptées depuis 2001, aboutissant à un système toujours plus complexe. Il s'agira donc pour le COPIESAS, pour le Parlement et pour le Gouvernement de répondre à plusieurs questions importantes. Quel niveau d'association des salariés aux profits est-il juste et adapté à l'entreprise ? Quels doivent être les critères de performance retenus pour qu'ils soient compatibles avec la productivité et l'amélioration de la compétitivité des entreprises ? Tels sont les enjeux du chantier de la simplification.
Enfin, le dernier défi auquel devra répondre cette réforme de l'épargne salariale sera de mobiliser l'épargne au service de l'investissement productif. Cette épargne robuste, patiente et participative est là pour financer les entreprises, et il est indispensable de sécuriser cette source de financements – je pense notamment aux 10 milliards d'euros que j'évoquais tout à l'heure, placés dans des fonds labellisés socialement responsables et dont le Comité intersyndical de l'épargne salariale soulignait l'importance. Il est essentiel que les acteurs de l'économie sociale et solidaire puissent bénéficier de sources de financement pérennes. À ce titre, nous attendrons, là encore, les recommandations du COPIESAS.
Voilà ce que je tenais à vous dire, en introduction à nos débats sur le déblocage de l'épargne salariale et de la participation. C'est un élément clé du soutien à la consommation, une mesure cohérente avec les choix du Gouvernement tant en matière de soutien au pouvoir d'achat qu'en matière de restauration des marges des entreprises, donc de soutien à la compétitivité.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, sous réserve de l'adoption de quelques amendements, soutiendra l'essentiel des dispositions de cette proposition de loi, qu'il remercie le groupe socialiste d'avoir inscrite à l'ordre du jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)