On nous annonce un chiffre de 96 milliards, mais à quoi correspond-il ? On nous annonce que des primes ont été versées pour un montant correspondant à un treizième mois, mais c'est très loin de la réalité. Je travaillais encore dans le secteur industriel il y a quelques mois, je sais de quoi je parle.
Une mesure identique avait été initiée par Nicolas Sarkozy en 2008 avec l'efficacité que l'on sait. La majorité d'alors avait prétendu, par ce moyen, « remettre du carburant dans la croissance française et le pouvoir d'achat ». Le moins que l'on puisse dire est que le résultat n'a pas été à la mesure des espérances de ses promoteurs, qui escomptaient par ce moyen injecter 12 milliards d'euros alors que les Français ont finalement débloqué leur épargne pour un montant n'excédant pas 3,9 milliards d'euros. Ce résultat témoigne bien de la limite de l'exercice qui consiste à stimuler artificiellement le pouvoir d'achat en incitant les salariés à puiser dans leur épargne.
Notre crainte est que cette mesure relève davantage de l'effet d'annonce que d'une authentique mesure de soutien au pouvoir d'achat. Tout porte à penser qu'elle n'aura probablement que peu d'efficacité et nous ne pouvons que rejoindre sur ce point l'analyse que proposait un chroniqueur du quotidien Les Échos : « De deux choses l'une : ou cette mesure vise les salariés les plus aisés, et c'est un coup dans l'eau, car ils n'ont nul besoin de puiser dans leur épargne pour leurs dépenses courantes, ou alors, et c'est le plus vraisemblable, cette mesure vise ceux qui ont des revenus faibles ». Force est alors de constater que cette moitié de nos concitoyens qui gagnent moins de 1 800 euros par mois ne peuvent guère épargner. Ceux qui doivent faire face à des dépenses urgentes débloqueront sans doute leur participation – ils le peuvent déjà dans de nombreuses circonstances –, les autres auront tendance à le réinvestir dans l'épargne, comme ce fut massivement le cas lors des précédentes mesures de déblocage.
Nous doutons donc de l'efficacité et de la pertinence de ce dispositif au regard de l'objectif poursuivi de stimulation du pouvoir d'achat.
Notre seconde réserve porte bien évidemment sur l'absence de toute politique de relance du pouvoir d'achat des ménages modestes et moyens, qui subissent les conséquences les plus violentes de la crise actuelle. Une crise qui, en l'absence d'une politique volontariste de soutien de la demande intérieure, s'aggrave dans des proportions extrêmement inquiétantes.
Des quatre leviers de croissance que sont la consommation, les dépenses publiques, l'investissement des entreprises et le commerce extérieur, vous avez décidé de sacrifier les deux premiers pour privilégier les deux autres.