Celle-ci en est une parmi d'autres, sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir. Elle est importante, même si l'on ne peut préjuger des comportements.
Les chiffres ont été rappelés. L'épargne salariale représente aujourd'hui, si j'ose dire, un stock de 90 milliards d'euros, soit environ le tiers de l'encours des livrets A. C'est donc loin d'être négligeable.
Ce sont des versements répartis à peu près à part égale entre participation et intéressement : environ 7,4 milliards ont été versés en 2011 au titre de la participation pour 2010, et 7,2 milliards d'euros au titre de l'intéressement, soit environ 14,6 milliards d'euros. Comme flux annuel, c'est loin d'être négligeable. Cela représente en moyenne 2 335 euros par salarié, soit environ, à 10 % près, l'équivalent du salaire brut moyen, qui était en 2012 de 2 140 euros par mois. Il s'agit quasiment d'un treizième mois.
Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, le texte a pris la précaution de préserver les PERCO et les fonds placés en épargne solidaire. C'était utile et nécessaire. C'était également extrêmement important pour préserver l'utilisation de ce type d'épargne pour des placements dits de long ou de moyen terme.
Pour répondre à l'un des arguments qui ont été avancés, mes chers collègues, cette proposition de loi permet le déblocage de la participation, dont on peut certes penser qu'elle est parfois plus réservée à des cadres, alors qu'elle est débloquée immédiatement, vous l'avez dit à juste titre, par les salariés modestes, et donc, non imposables. Mais le texte propose également le déblocage de l'intéressement, qui touche plus largement quelque 8,8 millions de salariés, comme vous l'avez précisé, monsieur le ministre.
Je voudrais concentrer mon propos sur un point qui vous aura peut-être échappé et que j'avais l'intention de soulever lors de l'examen de cette proposition de loi.
Le calcul de la participation pour les entreprises résulte d'une formule que certains pourraient trouver compliquée, mais qui, en réalité, est relativement simple : elle utilise à la fois le bénéfice réalisé, l'impôt payé, la masse salariale et le capital de la société. Selon cette formule, il faut déduire du bénéfice, qui est l'une des bases du calcul de la participation, l'impôt sur les sociétés.
Or de tout temps – et en tout cas depuis plusieurs années –, de l'impôt sur les sociétés sont déduits les crédits d'impôt. Je dis bien « les crédits d'impôt » parce qu'ils sont nombreux : je pense au crédit d'impôt recherche, qui est probablement le plus connu, au crédit d'impôt innovation, que nous avons instauré, ainsi qu'à d'autres réductions d'impôt. De tout temps, l'administration fiscale, dans sa doctrine administrative, a considéré que, pour calculer la participation, il fallait déduire de l'impôt sur les sociétés, qui est lui-même déduit des bénéfices, les crédits d'impôt.
Tout cela a fort bien fonctionné, à la satisfaction générale, jusqu'au 20 mars dernier. Ce jour-là, le Conseil d'État a décidé, dans un arrêt, d'annuler cette disposition, en se fondant sur le fait que c'était l'administration fiscale qui avait instauré cette pratique et que celle-ci devait relever du législateur, non de l'administration fiscale. Il est d'ailleurs curieux d'observer qu'à peine cinq jours plus tôt, l'administration fiscale avait produit une instruction fiscale prévoyant de faire le même sort au fameux CICE que nous avons adopté en décembre dernier.
Quelles sont les conséquences de cet arrêt du Conseil d'État ?
Si l'on ne déduit pas de l'impôt le montant des crédits d'impôt, on aboutit à une participation minorée pour l'ensemble des salariés. Or on ignore si ce phénomène aura un effet rétroactif. C'est d'ailleurs l'une des questions que je vous poserai, monsieur le ministre. Si nous ne revenons pas sur cette disposition, quelle sera la date d'effet de l'arrêt du Conseil d'État ? Selon les renseignements que j'ai pu obtenir, il aurait un effet rétroactif, ce qui pourrait avoir comme conséquence de diminuer d'environ 10 % la participation versée à l'ensemble des salariés. Ce sont des sommes importantes, compte tenu des sommes que j'évoquais tout à l'heure.
Phénomène supplémentaire, avec le CICE, la participation aurait été augmentée puisqu'on aurait déduit de l'impôt brut ce nouveau crédit d'impôt. Or en l'occurrence, l'effet sera nul. Cela étant, rassurons-nous, ce sera quasiment sans incidence sur le budget de l'État. Je dis « quasiment » parce qu'il faudrait calculer ce qui peut être débloqué et soumis à l'impôt sur le revenu, mais aussi aux charges et au forfait social. Mais en général, on considère que les effets se compensent. Par contre, la ventilation du bénéfice du crédit d'impôt entre l'entreprise au sens propre et les salariés, versé sous forme de participation, est un phénomène non négligeable.
J'ai donc proposé, monsieur le ministre, un amendement que nous aurons l'occasion d'examiner tout à l'heure, pour revenir sur cet arrêt du Conseil d'État, ou plutôt pour revenir à la pratique usuelle qui a été celle de tous les gouvernements et de toute l'administration fiscale depuis l'invention des crédits d'impôt. C'était à mes yeux une bonne mesure, une mesure de justice et d'équité, qui évitait de réduire le montant de la participation versée aux salariés.
Je crois savoir qu'il y a débat sur cette question. J'ai entendu parler du COPIESAS, sigle dont je ne pourrais détailler la signification exacte, mais vous l'avez fait tout à l'heure. Néanmoins, je souhaitais, au travers d'une proposition de loi portant sur la participation, que nous puissions évoquer ce sujet. Si c'est prématuré, nous aurons l'occasion d'y revenir. Mais, mes chers collègues, il s'agit de sommes non négligeables, d'autant que, lorsque nous avons adopté, au mois de décembre, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, nous connaissions la pratique. Personne ne savait que le Conseil d'État reviendrait sur cette disposition. Le Gouvernement, le ministère de l'économie et des finances, celui du budget n'avaient pas prévu qu'un arrêt du Conseil d'État reviendrait sur cette pratique. Or cet arrêt aura des conséquences et il nous faudra les mesurer.
D'ailleurs, nous testons les quelques chiffres qui m'ont été transmis récemment. Je me suis livré, pendant la longue période durant laquelle notre assemblée a suspendu ses travaux, à des calculs d'apothicaire en m'appuyant sur quelques exemples, mais nous devrons y travailler plus avant. On me dit que plusieurs milliards d'euros seraient en jeu. Il faudra donc que nous revenions à cette question. Si ce n'est pas aujourd'hui, ce je veux bien comprendre, nous devrons le faire une fois achevés les travaux de ce fameux COPIESAS ou de tout autre groupe de travail, auquel je suis, bien entendu, prêt à m'associer avec mes services.
Pour le reste, beaucoup d'arguments parfaitement légitimes ont été exposés. Je voterai donc, sans doute avec de nombreux collègues, tous bancs confondus, l'ensemble de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)