Le pouvoir d'achat des Français est une préoccupation première pour les députés du groupe radical, républicain, démocrate et de progrès, comme bien sûr pour l'ensemble de la majorité. Lors de sa dernière intervention télévisée, le Président de la République a annoncé un déblocage exceptionnel de l'épargne bloquée au titre de la participation. La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui traduit cet engagement et l'élargit à l'épargne salariale perçue au titre de l'intéressement.
Une telle mesure de déblocage est bienvenue face aux difficultés budgétaires que connaissent nos concitoyens. Le pouvoir d'achat a baissé de 0,4 % en 2012. Il est plus que nécessaire d'agir, sur le pouvoir d'achat et sur la consommation. Toutefois, à l'examen des débats qui ont déjà eu lieu en commission, il nous faut bien distinguer les deux effets attendus par le déblocage de l'épargne salariale, afin de ne pas prendre le risque de les surestimer ou de les sous-estimer.
Le premier effet, c'est de permettre à des salariés de récupérer un peu plus tôt que prévu des revenus issus de leur travail et qu'ils ont placés afin de bénéficier d'avantages sociaux et fiscaux. Nos débats semblent souvent l'oublier, le déblocage de l'épargne salariale ne sera pas de l'argent gagné de façon indue par les salariés. En fait, cette épargne leur appartient déjà. En définitive, la loi autorisera les salariés à bénéficier d'avantages sociaux et fiscaux plus tôt, rien de plus.
N'oublions pas que l'épargne a principalement deux buts. Le premier, c'est de pouvoir acheter des biens importants, nécessitant parfois plusieurs mois ou années d'économies. Le financement de tels biens permet d'ores et déjà le déblocage de l'épargne salariale, par exemple pour l'achat d'une résidence principale ou d'équipements pour un troisième enfant. Le deuxième but de l'épargne, c'est de pouvoir utiliser une réserve d'argent en cas de coup dur. La loi autorise déjà un déblocage anticipé, par exemple en cas de surendettement. Mais en période de crise économique, les ménages doivent-ils attendre d'être dans une telle situation pour pouvoir débloquer leur épargne ? Non. Et c'est ce que cette proposition de loi s'attache à réaliser : permettre à tout salarié de débloquer tout ou partie de son épargne salariale jusqu'à un plafond de 20 000 euros s'il en a besoin. Du point de vue des ménages, c'est-à-dire d'un point de vue microéconomique, cette mesure aura des effets positifs.
Mais qu'en est-il des effets macroéconomiques, c'est-à-dire ceux touchant l'ensemble de l'économie ? La consommation des ménages est en berne. Au premier trimestre 2013, elle a baissé de 0,4 %, alors qu'elle avait déjà diminué au dernier trimestre 2012. Et l'ancienne majorité a beau jeu de critiquer : avant qu'elle ne quitte le pouvoir, la consommation des ménages avait déjà chuté de 0,3 %. Le déblocage de la participation est utile pour soutenir la consommation, qui constituait jusqu'à aujourd'hui le principal moteur de la croissance en France.
Quel sera l'ordre de grandeur de ce soutien à la consommation ? Nous l'ignorons. Il n'est d'ailleurs pas très agréable, avouons-le, de voter une loi tout en ignorant ce que sera son impact. Certes, cela ne pourra pas faire de mal, et je pense qu'une absence de prévisions vaut parfois mieux que des prévisions aussi inexactes que celles que nous fournissait le précédent gouvernement.
Malgré l'absence d'étude d'impact, on sait que cette mesure ne constitue qu'une contribution partielle. Elle ne saurait, à elle seule, maintenir le pouvoir d'achat et la consommation. Elle doit s'inscrire dans un ensemble de mesures plus larges. C'est ce que s'attachent à faire le Gouvernement et sa majorité. Nous examinerons bientôt le projet de loi sur la consommation, examiné il y a deux semaines en conseil des ministres. La confiance entre les consommateurs et les producteurs est indispensable pour une reprise de la consommation dans notre pays. Cette confiance s'est particulièrement détériorée en raison de pratiques qui, sans même être nécessairement illégales, sont bien souvent répréhensibles. La confiance a été en grande partie cassée, il faut la rétablir.
La proposition de loi porte également sur l'intéressement, quand le dernier déblocage exceptionnel ne portait que sur la participation. Cet élargissement n'est pas qu'un détail. Il montre la volonté de ne pas s'adresser seulement aux salariés des grandes entreprises, qui bénéficient avant tout de la participation, mais aussi aux salariés des petites entreprises, qui ont plus souvent accès à l'intéressement. Il est absolument crucial que l'on cesse, dans notre pays, de créer uniquement de nouveaux droits pour les salariés les mieux protégés, sans résoudre les problèmes qui affectent les salariés les moins protégés. Cela appelle à une individualisation croissante des politiques publiques, comme nous en avions fait le voeu lors de la loi sur la sécurisation de l'emploi.
Le déblocage qui est ici proposé comporte des différences notables avec les mesures de même nature proposées sous la majorité précédente. L'intéressement est inclus. Il s'inscrit dans un contexte plus global de mesures visant à soutenir la consommation. Surtout, il intervient dans une période économique différente. Il n'entretient pas de psychose sur le manque de pouvoir d'achat qui avait porté Nicolas Sarkozy au pouvoir : nous ne votons pas aujourd'hui une loi pour éteindre un feu que nous aurions nous-mêmes allumé. Cette proposition de loi repose sur un vrai problème, vérifié statistiquement, à savoir une baisse moyenne du pouvoir d'achat de nos concitoyens.