Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un peu plus de trente ans après la loi du 11 juillet 1975 ayant posé le cadre de la biologie médicale, la proposition de loi que l'Assemblée nationale s'apprête à adopter est, cela a été rappelé, le cinquième texte en quatre ans sur l'avenir de la biologie médicale.
Cette réforme apporte une réponse ambitieuse aux évolutions technologiques et économiques ayant marqué ce secteur depuis quelques années et engage le tournant de la médicalisation pour garantir une biologie de qualité et de proximité. Rappelons l'engagement du gouvernement précédent, celui de Valérie Boyer et de Jean-Luc Préel qui ont déposé une proposition de loi.
Cette réforme, vous le savez tous, met un terme à l'insécurité juridique provoquée par la caducité de l'ordonnance de janvier 2010. La ratification de cette ordonnance – rappelons le travail considérable accompli par Michel Ballereau – était d'autant plus importante qu'un amendement l'abrogeant avait été adopté à l'Assemblée nationale en 2011, en première lecture du projet relatif à la bioéthique. Si cette disposition avait ensuite été retirée, il était néanmoins important de stabiliser les dispositions législatives. C'est pour ces raisons que le groupe UDI apporte son soutien à ce texte.
Un mot sur l'accréditation à 100 %. Si, à nos yeux, il était indispensable de viser un objectif de 100 % pour renforcer la médicalisation de la profession et répondre aux exigences croissantes de qualité et de traçabilité, il était néanmoins nécessaire de prendre en compte les difficultés d'application pouvant survenir lorsqu'un laboratoire se lance dans l'accréditation. C'est pourquoi des délais ont été introduits et nous avons soutenu l'amendement de Mme la rapporteure.
Je suis par ailleurs heureux que l'article 5 interdise les ristournes en imposant de facturer les examens au tarif de la nomenclature. Les ristournes sont contraires, non seulement au principe de tarification des actes médicaux, mais également à l'objectif de médicalisation, et laissent penser que les analyses biologiques sont des prestations de service commercialisables. En outre, cette pratique peut – on l'a vu par le passé – conduire les laboratoires à augmenter artificiellement le nombre d'actes pratiqués, occasionnant ainsi des dépenses supplémentaires injustifiées pour l'assurance maladie.
Je me suis néanmoins opposé à certaines des orientations défendues par la majorité malgré les mises en garde persistantes de la profession et des parlementaires éclairés sur leurs conséquences délétères.
Il s'agit tout d'abord du problème d'une biologie médicale à deux vitesses. C'est l'affaire de l'anatomo-cyto-pathologie, pour laquelle il faudra engager une démarche d'accréditation. J'ai posé la question et n'ai pas reçu de réponse à ce jour. Vous le savez, madame la ministre, ces disciplines sont des spécialités médicales différentes mais parfois confondues. Or l'article 3, dans sa rédaction actuelle, crée une distinction inacceptable entre les qualités requises pour exercer l'anatomo-cyto-pathologie selon que cet exercice est réalisé dans un laboratoire de biologie médicale ou un autre lieu.
En effet, dans les laboratoires de biologie médicale, l'exercice de l'anatomo-cyto-pathologie sera réservé aux titulaires de la spécialité uniquement. En dehors d'un laboratoire de biologie médicale, des non-titulaires de la spécialité pourront en revanche continuer à réaliser de tels actes. Cette distinction dévalorisera la spécialité lorsqu'elle est effectuée en dehors d'un laboratoire de biologie médicale. Notre collègue a parlé des erreurs qui peuvent survenir dans les laboratoires de biologie médicale : il s'en produit également dans les laboratoires d'anatomo-cyto-pathologie.
J'en viens aux dérogations accordées à l'Établissement français du sang. L'article 4, dans sa rédaction initiale, aménageait les règles d'implantation territoriale des établissements de transfusion sanguine afin qu'ils puissent disposer de sites localisés sur plus de trois territoires de santé, par exception à la règle générale s'appliquant aux laboratoires de biologie médicale.
Le rapporteur de la commission des affaires sociales du Sénat a précisé que la dérogation en matière d'implantation territoriale serait limitée aux actes de biologie qui relèvent du monopole de l'EFS, en faisant référence à la « qualification biologique du don ».
En séance publique, le Gouvernement a étendu la dérogation en matière d'implantation territoriale aux actes de biologie médicale, arguant du fait que ces laboratoires réalisent des analyses qui vont au-delà des simples analyses biologiques d'immunologie cellulaire et humorale, de cytologie hématologique, d'hémostase ou encore de biologie moléculaire, et se livrent donc à des activités qui relèvent de spécialités différentes.
La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, enfin, a adopté un amendement prévoyant que seuls les examens d'immuno-hématologie et d'histocompatibilité, qui sont, chacun me l'accordera, indissociables du traitement transfusionnel, entreront dans le champ de cette dérogation. Elle a également prévu une dérogation applicable au nombre de transmissions d'échantillons biologiques faites par les laboratoires de biologie médicale des établissements de santé aux établissements de transfusion sanguine en vue de réaliser des examens d'« immuno-hématologie receveur ».
Le groupe UDI a défendu des amendements visant à supprimer les dérogations successives accordées à l'EFS. Tout d'abord, la dérogation pour les examens de qualification du don prévue par la commission des affaires sociales du Sénat n'a pas lieu d'être, car ces analyses, je le répète, ne sont pas des examens de biologie médicale.
La dérogation pour les examens de biologie médicale introduite à l'initiative du Gouvernement n'a pas plus de sens, puisqu'une dérogation territoriale est déjà rendue possible par l'article L. 6222-5 du code de la santé publique : cet article permet au directeur général de l'ARS d'accorder des dérogations à la règle des trois territoires dans une procédure transparente, que ce soit pour l'EFS ou les laboratoires de biologie médicale.
La dérogation introduite à l'initiative de la commission des affaires sociales pour les examens d'immuno-hématologie et d'histocompatibilité n'a pas de raison d'être non plus puisque ce sont, cette fois, des examens de biologie médicale : une telle dérogation est donc déjà rendue possible par l'article L. 6222-5.
Enfin, la dérogation applicable au nombre de transmissions d'échantillons biologiques faites par les laboratoires de biologie médicale des établissements de santé aux établissements de transfusion sanguine en vue d'examens d'immuno-hématologie ne saurait être justifiée par la particularité des missions et du fonctionnement de l'EFS. Il n'existe donc aucune raison que des transmissions puissent excéder le pourcentage compris entre 10 et 20 % du nombre total d'examens de biologie médicale.
Je regrette que vous n'ayez pas entendu nos arguments sur cet article, et ce pour deux raisons. Tout d'abord, de telles dérogations contreviennent aux objectifs de proximité – vous avez prononcé le mot à plusieurs reprises – et de qualité de la biologie médicale poursuivis par la présente loi. Enfin, ces dérogations étaient déjà prévues à l'article L. 6222-5 ; il n'était donc pas nécessaire d'y revenir.
Un mot sur le recrutement de professeurs des universités et maîtres de conférences praticiens hospitaliers. Vous connaissez notre opposition sur ce point. L'article 6, rétabli dans sa version initiale par un amendement gouvernemental, permettra le recrutement de professeurs non titulaires du diplôme d'études supérieures de biologie médicale. Où est l'attractivité pour les jeunes biologistes ? Est-ce là la reconnaissance qu'il s'agit d'une discipline médicale à part entière, quand on sait le rôle qu'elle joue notamment dans la phase de diagnostic médical ? On réduit d'une certaine façon la biologie médicale à une sous-discipline et on altère la médicalisation de cette profession, qui était en marche.
En ce qui concerne la lutte contre la financiarisation, je souhaite également dire un mot de l'article 8, qui définit les modalités de participation au capital d'une société exploitant un laboratoire de biologie médicale. Cet article vise à encadrer et limiter les formes de participation au capital d'une société exploitant un laboratoire de biologie médicale afin de limiter le risque de financiarisation du secteur. Je suis d'accord avec Mme Fraysse : il faut éviter que cette financiarisation continue de se développer. Pour autant, l'article ne présentait pas de garanties suffisantes pour que les jeunes biologistes médicaux ne soient pas exclus du capital social des sociétés exploitant un laboratoire de biologie médicale et ainsi privés de la possibilité d'exercer leur profession en tant qu'associés au sein d'une telle structure. C'est tout le danger de l'actionnariat ultra-minoritaire.
Les nombreuses solutions proposées pour remédier à ces insuffisances n'ont pas permis de s'assurer que des effets contraires à l'objectif poursuivi ne surviendraient pas. La commission mixte paritaire, qui s'est réunie le 10 avril, a même adopté un amendement auquel j'étais opposé. Nous sommes donc favorables, madame la ministre, à l'amendement que vous proposez ; le groupe UDI le soutiendra.
Pour autant, cette carence de la proposition de loi ne doit pas être ignorée ou oubliée. Je vous engage à trouver, avec les syndicats représentatifs des internes, et en particulier de ceux qui sont dans la biologie médicale, une solution équilibrée, car nous sommes face à une instabilité. L'accès sans statut ultra-minoritaire au capital des laboratoires est fondamental pour un exercice apaisé de leur profession.
J'ai souligné les points positifs de cette proposition de loi. J'ai également souligné certaines insuffisances, comme celle relative à l'ultra-minoritariat pour les jeunes internes, que corrigera l'amendement du Gouvernement. Ce texte mettant fin à une insécurité juridique, nous le voterons.