…des décrets du 7 juillet 1948 et du 10 décembre 1949 instituant le Conseil supérieur des Français de l'étranger et en fixant le statut ; adoption de la loi du 7 juin 1982, portée par François Mitterrand, et qui permit l'élection des membres de ce conseil au suffrage direct ; loi du 18 mai 1983 qui réserve l'élection des sénateurs représentants les Français établis hors de France aux seuls membres élus du CSFE.
J'y ajouterais volontiers la loi du 9 août 2004 portant création de l'Assemblée des Français de l'étranger car ce texte a en effet résulté de l'examen simultané de deux propositions de loi, dont l'une portée dans la Haute Assemblée par les sénateurs socialistes Monique Cerisier-Ben Guiga et Guy Penne, et qui tendait à tirer les conséquences d'un groupe de travail mis en place au sein du CSFE à la demande des ministres des affaires étrangères Hubert Védrine puis Dominique de Villepin, et que présidait alors l'ancien conseiller de François Mitterrand. Quant à l'élection de députés français de l'étranger permise par la modification en 2008 de l'article 24 de la Constitution, elle mit fin à cette « demi-citoyenneté » – pour reprendre le mot du sénateur Richard Yung –, la représentation de cette communauté étant jusqu'alors amputée d'une partie de son expression, et correspondait aussi à un engagement de François Mitterrand.
La gauche, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, a donc toujours revendiqué cette modernisation de la vie publique que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault assume de nouveau au bénéfice de nos compatriotes établis hors de France. Aujourd'hui comme hier, ce gouvernement a l'ambition de renforcer les liens de solidarité entre tous les Français qui vivent sur notre sol ou à l'extérieur de nos frontières. C'est cette solidarité, expression intime de l'unité de la nation, qui permet en effet de faire vivre la République.
Léon Blum écrivit à la fin de la guerre que « faire de la politique, c'est agir pour maintenir la cohésion de la société, c'est s'adapter au cours des événements, c'est employer la force fraîche des générations montantes ». La volonté du gouvernement auquel j'ai l'honneur d'appartenir n'est pas différente à l'égard de la communauté de nos compatriotes expatriés : il s'agit de maintenir sa cohésion avec la communauté nationale, de nous adapter à son évolution, de permettre aux générations montantes de la faire vivre et de nous enrichir de son expérience. Ce triple objectif me semble rempli par le projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France, et dont l'étude par votre rapporteur a permis de prévenir certains risques d'ordre juridique voire constitutionnel.
Avant d'en venir à l'essentiel, qu'il me soit permis, afin de répondre à certaines interrogations émises en commission, de préciser que l'objet central de cette réforme est la création des conseils consulaires. La suite de nos débats n'en sera que facilitée, même s'il me faut pour cela revenir préalablement sur les traits principaux que présente la communauté des Français établis hors de France.
En dépit des clichés, les Français de l'étranger ne sont ni des exilés fiscaux, ni des jeunes fuyant la République en quête d'une reconnaissance ou d'un statut qu'elle leur refuserait, ni de vieux expatriés aux retraites confortables.
Non, cette communauté française établie hors de France, ainsi que votre rapporteur l'a si clairement mis en évidence, est désormais celle de jeunes actifs souvent binationaux dont le nombre a presque doublé en quinze ans : 1,611 million d'entre eux étaient ainsi inscrits dans les consulats fin 2012. On estime cependant à plus de 2,5 millions le nombre de Français réellement installés à l'étranger, l'inscription étant facultative. Ajoutons que 10 % d'entre eux, âgés de 18 à 25 ans, s'expatrient dans le cadre de leurs études et partent pour une durée de trois à cinq ans mais sans objectif d'installation définitive.
Par sa vitalité même, cette communauté est plurale. Elle me semble cependant, mesdames et messieurs, présenter trois caractéristiques.
D'abord cette communauté est assurée des valeurs qu'elle porte. S'expatrier c'est partir avec une culture, avec une sensibilité, une somme de valeur que l'on fait vivre. Par ce qu'il est, un Français de l'étranger exprime la créativité, la capacité et la générosité de son pays. La France doit ainsi lui être instantanément redevable du rayonnement qu'il assure à ses idées.
S'exprimant à Rabat en décembre dernier devant la communauté française réunie, le Premier ministre le constatait en déclarant : « C'est un idéal de liberté et de fraternité, c'est ce principe même d'égalité qui est à la base de ce nous sommes, que vous contribuez à faire vivre. »
Il faisait ainsi écho aux propos du chef de l'État qui, lors d'un de ses déplacements, relevait qu'il avait « une grande reconnaissance pour ces deux millions de compatriotes qui vivent à l'étranger et qui contribuent à marquer l'influence de la France, sa présence, le rayonnement de ses valeurs ».
Ensuite, cette communauté a la volonté, par ses compétences et par ses qualités, d'aider la République. L'idée d'une diplomatie économique, avancée par Laurent Fabius, signifie que chacun à sa place, lorsqu'il est dans un pays qui n'est pas le sien, doit participer à ces échanges, à cette influence que la France peut espérer à travers la propre participation de ses expatriés. La France était en 2012 le quatrième pays pour les investissements à l'étranger. Gageons que nous le devons à nos compatriotes qui sont alors nos premiers ambassadeurs.
Cette communauté, enfin, est attachée à conserver un lien avec la France. Nos compatriotes ne tournent pas le dos à la France. Vos déplacements et les échanges que vous pouvez avoir avec eux doivent vous en convaincre, mesdames et messieurs les députés. Nos compatriotes qui vivent à l'étranger veulent pouvoir exercer leur citoyenneté. Non sans humour, le Premier ministre le constatait à Rabat en décembre dernier : « Être expatrié, c'est conserver le plaisir de retrouver la France qu'on ne quitte jamais », disait-il. C'est conserver, en quelque sorte, un désir de la France tout au long de la vie.
Jeune, engagée, diverse et généreuse, telle est cette communauté. Ce n'est pas le moindre des paradoxes, dans ces conditions, de constater que son taux de participation aux élections politiques est généralement inférieur de 30 % à celui de la métropole et dépasse rarement 20 %, comme en 2009 à l'élection de ses représentants, les membres de l'Assemblée des Français de l'étranger.
On peut, comme certains s'y sont essayés, en accuser l'AFE elle-même. Peu connue, elle serait victime de son manque de notoriété et de visibilité. C'est faire peu de cas, cependant, de l'engagement, de la présence et de la disponibilité de ceux qui y siègent. Pour avoir participé à ses travaux durant quatorze ans, je puis vous en assurer.
Se refusant à cette dénonciation, le Gouvernement a préféré réfléchir, poursuivant d'une certaine façon le mouvement initié en 1982, à une décentralisation du pouvoir politique afin de susciter un regain d'intérêt de nos compatriotes pour le débat public. Lorsque l'on est Français et que l'on réside à l'étranger, l'exercice de la citoyenneté passe en effet par la démocratie de proximité, telle que représentée par les conseils municipaux pour nos concitoyens métropolitains. Or pour que celle-ci ait un sens, il faut que l'élection s'organise au plus près.
Elle prendra ici la forme de conseils consulaires, c'est-à-dire d'instances locales qui rendront plus lisible à nos expatriés l'action de leurs représentants. Qu'il me soit permis d'en dire deux mots.
Le texte qui vous est soumis crée 444 conseillers consulaires, élus au suffrage universel direct dans le cadre de 130 circonscriptions consulaires. S'inspirant de la structure de notre réseau diplomatique, les circonscriptions seront créées là où la France possède une activité consulaire parce que nous y avons une communauté importante.
C'est en effet à ce niveau-là que s'exprime la réalité des besoins et des désirs de nos compatriotes. Fort justement, la sénatrice Monique Cerisier-Ben Guiga le relevait en 2004 à l'occasion du débat portant création de l'Assemblée des Français de l'étranger. Parce qu'ils sont soumis à la loi de leur pays de résidence, les expatriés français, déclarait-elle, « ne peuvent trouver un pouvoir protecteur et bénéfique dans un cadre français qu'auprès de l'administration consulaire, l'élu jouant alors le rôle d'intercesseur ».
L'instauration d'une démocratie locale par l'élection de conseillers représentant les populations expatriées auprès de l'administration consulaire, au plus près de la décision à prendre, constitue donc bien l'essentiel de ce projet. Contrairement à ce qui a pu être écrit, l'adoption de ce texte ne laissera pas nos concitoyens démunis dans leurs contacts avec l'administration centrale alors qu'il tend précisément à leur donner des interlocuteurs locaux capables de relayer directement leurs préoccupations.
Au Brésil, les 30 000 résidents français sont ainsi représentés par trois élus. Avec la réforme qu'il vous est proposé de voter, cette communauté sera désormais représentée par dix élus locaux qui devront résider dans les circonscriptions des consulats auprès desquels les conseils seront installés. Et parce que la représentativité de ces conseils doit être incontestable, la quasi-totalité des membres sera élue au scrutin proportionnel à la plus forte moyenne.
Je crois utile d'ajouter que les communautés françaises pouvant évoluer rapidement, au gré des aléas de la vie internationale et du changement parfois soudain des données politiques, le projet prévoit que le nombre des conseillers sera fonction du nombre d'inscrits. La proximité, c'est cela.
Ces conseillers formeront 130 conseils consulaires qui remplaceront les comités qui, en matière sociale, pour l'attribution des bourses, ou pour les questions de formation professionnelle ou d'emploi, assistent aujourd'hui nos chefs de poste.
Lieux d'information et de participation des citoyens à la prise de décision, les conseils consulaires, par une extension des compétences matérielles des comités existants, participeront par exemple à la mise en place de politiques publiques en matière d'enseignement, d'aides sociales, mais aussi de toutes politiques relatives au travail, à l'emploi et la formation professionnelle, à la sécurité et à tout autre sujet d'ordre économique, éducatif ou culturel intéressant les Français de l'étranger. Ils assureront en outre un lien entre nos concitoyens avec les autorités administratives tant françaises que locales.
Tirant leur force de leur légitimité électorale, ces conseils seront obligatoirement consultés dans leur domaine de compétence. Ils pourront aussi donner leur avis sur toute question concernant les Français de l'étranger. Ajoutons que ces conseils, présidés par le chef de poste, pourront inviter des personnalités qualifiées et des experts. Il conviendra d'en préciser la composition exacte par décret.
Monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, les auditions auxquelles vous avez procédé en commission vous ont permis de constater que la création de ces conseils consulaires avait fait consensus au Sénat. Je ne pense pas que ce point fasse débat à l'Assemblée.
Il en va de même, me semble-t-il, du rôle du Haut Conseil des Français de l'étranger. Perdant, avec la création des conseils, cette compétence consulaire que ses élus exerçaient hier au niveau local, cette assemblée pourra se recentrer sur sa fonction de conseil et d'expertise, tant auprès du Gouvernement que des assemblées parlementaires. Cette assemblée aux compétences élargies et à l'autonomie renforcée notamment par l'élection de son président sera composée de 102 membres issus des conseils consulaires.
C'est ce double mouvement – création de conseils consulaires, renforcement des compétences consultatives d'un organe de niveau national – qui semble être le mieux à même de tirer parti de l'élection des députés des Français de l'étranger. Ceux qui siègent sur vos bancs ont pu vous en assurer.
Deux points me semblent cependant faire encore ici débat : le nom de cette assemblée ; le mode de désignation de ses membres.
S'agissant du premier point, je m'en remettrai à votre sagesse. Rapporteur de la loi du 9 août 2004 portant création de l'AFE, le sénateur Christian Cointat expliquait alors que le changement de nom de conseil supérieur s'imposait car le sigle n'étant ni significatif ni porteur en termes d'image, il pouvait avoir contribué à la désaffection des électeurs. À le suivre, le changement de nom s'imposerait donc de nouveau.
Plus simplement, il me semble important, quel que soit le nom que vous retiendrez, d'avoir à l'esprit le désir de reconnaître et de valoriser au mieux le travail de ceux des conseillers consulaires qui prendront sur leur temps pour apporter au bénéfice de l'État leur connaissance intime des problématiques transversales qui nous intéressent tous.
Cependant, il est certain que le nom de l'instance ne saurait se confondre avec ses compétences qui d'ailleurs augmentent ; affirmer le contraire et laisser croire que le premier point conditionnerait le second est malhonnête.
Venons-en au mode de désignation de ses membres. Par simplicité et afin d'éviter un mode de scrutin que risquait d'entacher la violation du principe d'intelligibilité et de respect de la sincérité du vote, le Gouvernement est favorable aux amendements qui ont été adoptés par votre commission pour revenir à un mode de scrutin indirect.
Je sais et je comprends l'attachement sincère de tout élu à sa désignation directe par les électeurs, mais un maire ne me semble pas moins légitime que n'importe quel membre du conseil dont il est élu, la simplicité du mode de désignation contribuant aussi à l'acceptation de cette réforme.
J'ajoute que, sans parti pris, votre rapporteur s'est efforcé de rechercher une autre solution, permettant de tenir compte des modifications apportées par le Sénat. Fort logiquement, votre rapporteur, mesdames et messieurs les députés, vous propose de passer de vingt à cinq circonscriptions continentales, pour cette désignation au suffrage universel indirect des membres du HCFE.
La discussion générale qui va s'engager permettra également de revenir sur l'objet et le contenu du rapport annuel remis par le chef de poste aux membres des conseils consulaires. Tout ce qui peut faire vivre la démocratie locale doit être encouragé, même si beaucoup de ce qui peut être fait relèvera du domaine réglementaire.
Dernier point : la création de ces conseils consulaires permettra mécaniquement, oserai-je dire, d'élargir le collège électoral sénatorial. Il sera désormais constitué de l'ensemble des conseillers consulaires auxquels s'ajouteront les onze députés ainsi que 65 grands électeurs supplémentaires. Leur nombre s'élèvera ainsi à 520.
Alors qu'en septembre dernier, l'Assemblée des Français de l'étranger votait à l'unanimité un voeu tendant au doublement de ce collège, le Gouvernement le triple. Son avis était utile ; il a été pris en compte.
Le travail de la commission des lois, monsieur le président, monsieur le rapporteur, a permis une nouvelle évolution du projet porté par le Gouvernement. Ce dernier, je puis vous l'assurer, aborde ce débat dans le même esprit qu'au Sénat, avec disponibilité et ouverture, son seul souci étant de parvenir à la meilleure réforme possible, à budget constant cependant. J'écouterai avec la plus grande attention les interventions des députés inscrits dans la discussion.
Un mot enfin sur le projet de loi qui vous est soumis portant prorogation du mandat des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger, renouvelable au mois de juin prochain.
Afin de permettre l'élection de l'ensemble des conseillers consulaires avant l'été 2014, il est proposé que le mandat des conseillers de la série B – Asie et Europe – soit prolongé d'une année. Cette prorogation répond à un motif d'intérêt général, dans la mesure où ces élections n'auraient pas eu de sens car nous examinons aujourd'hui un projet portant réforme globale de la représentation des Français de l'étranger. L'idée agitée par certains selon laquelle ce projet serait inconstitutionnel sera donc aisément écartée.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, Théophile Gautier, grand écrivain et voyageur déclarait : « Je suis un homme pour qui le monde extérieur existe. » C'est avec ce regard que je vous demande de voter le projet de loi aujourd'hui soumis à votre examen. Vous manifesterez ainsi à nos compatriotes expatriés que l'attachement qu'ils portent à la France n'a d'égal que la considération que vous avez pour eux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)