Intervention de Sergio Coronado

Séance en hémicycle du 14 mai 2013 à 15h00
Prorogation du mandat des membres de l'assemblée des français de l'étranger représentation des français établis hors de france — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, la représentation des Français de l'étranger a une longue histoire – moins polémique et moins partisane que ce que j'ai pu entendre à cette tribune – et dont la dernière étape a été l'élection de onze députés représentant les Français de l'étranger en juin dernier.

La participation à la vie démocratique de nos concitoyens établis hors de France s'est d'abord traduite par la création d'une instance spécifique dans l'immédiat après-guerre : le Conseil supérieur des Français de l'étranger, institué par décret en 1948. Sa mission se cantonnait alors à émettre des avis sur les questions et les projets soumis au Parlement par le ministre des affaires étrangères.

Le Conseil supérieur des Français de l'étranger disposait de pouvoirs restreints. Il était, pour l'essentiel, une assemblée de notables dans son recrutement comme dans sa composition : y siégeaient en effet les conseillers de la République chargés de représenter les Français de l'étranger, le président et le directeur de l'Union des Français de l'étranger, le président de la Fédération nationale des anciens combattants résidant hors de France, le président de l'Union des chambres de commerce françaises à l'étranger et le président de la Fédération des professeurs français résidant à l'étranger.

Seuls vingt de ses membres devaient être élus afin de représenter les organismes français de l'étranger, selon des conditions strictes déterminées par arrêté ministériel.

La composition de l'actuelle Assemblée des Français de l'étranger, avec notamment la distinction entre membres de droit, personnalités qualifiées désignées par le ministre et membres élus, est d'une certaine façon un vestige de cette époque.

En 1948, la loi relative à l'élection des conseillers de la République prévoit que trois conseillers représenteront ces Français, élus par les députés de l'Assemblée nationale au scrutin majoritaire à deux tours parmi neuf candidats présentés par les organismes français de l'étranger. Sept ans plus tard, les membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger sont autorisés eux aussi, enfin, à présenter des candidats.

L'article 24 de la Constitution de 1958 confirme la représentation des Français de l'étranger au Sénat, élus par le Conseil. Mais il faudra attendre le premier gouvernement de gauche de la Ve République, avec l'accès au pouvoir de François Mitterrand, pour que l'étape de la démocratisation soit véritablement franchie.

En 1982, par décret, le Gouvernement prévoit que les membres élus du Conseil supérieur des Français de l'étranger le soient désormais au suffrage universel direct, sur la base du scrutin de liste proportionnel. Ces membres élus sont désormais les seuls à participer à l'élection des sénateurs. Ces règles sont ensuite validées par la loi du 7 juin 1982.

En 1983, la loi dispose que les sénateurs sont élus au scrutin proportionnel de liste, par un collège électoral composé des seuls membres élus du Conseil supérieur. Les sénateurs représentant les Français de l'étranger sont depuis cette époque au nombre de douze.

La démocratisation de l'instance s'est accentuée, et sa place dans l'espace public a pris de l'ampleur : à partir de 1984, le Conseil supérieur est représenté au sein du Conseil économique et social, de la Caisse des Français de l'étranger, du Conseil pour la protection sociale des Français de l'étranger, de l'Agence française pour l'enseignement à l'étranger ainsi que dans des organismes consulaires et dans les commissions locales.

Si l'on étend, en 1986, le mode de scrutin majoritaire à un tour aux circonscriptions élisant jusqu'à quatre membres, la réforme de 1990 fait passer le nombre d'élus à cent cinquante, pour désormais six ans, ce qui constitue un réel renforcement de la fonction.

En 2003, une révision constitutionnelle donne force équivalente aux instances représentant les Français de l'étranger et aux collectivités territoriales, conduisant le Conseil supérieur des Français de l'étranger à proposer d'être renommé « Assemblée des Français de l'étranger », ce qui fut fait en 2004.

En 2005, la réforme démocratique du système est achevée par une normalisation des listes électorales, désormais listes consulaires établies pour l'élection du Président de la République.

La révision de 2008 introduit enfin la nouvelle fonction de député des Français de l'étranger dans le corps électoral des sénateurs.

Comme vous le voyez, d'un conseil de notables, nous en sommes donc arrivés à une assemblée élue ; d'un établissement de nature réglementaire, nous sommes parvenus, grâce aux révisions constitutionnelles de mars 2003 puis de juillet 2008, à une reconnaissance constitutionnelle. Environ 2,5 millions de Français établis hors des frontières de notre pays bénéficient ainsi d'une citoyenneté pleine et entière.

Le développement des moyens de communication, l'essor de la mobilité, la mondialisation, doivent nous conduire à toujours mieux intégrer nos concitoyens expatriés à la vie politique et démocratique de notre pays.

Qu'ils soient établis en Europe, pour la plupart, en Amérique du Nord, au Moyen-Orient, en Afrique ou en Amérique latine, ces Français sont partie prenante de la nation.

Véritables acteurs de l'influence et du rayonnement de la France, ces Français établis hors de nos frontières nous représentent. Ils sont aussi, d'une certaine manière, un visage de la mondialisation : celui du cosmopolitisme, si précieux en ces temps de repli et de nationalismes exacerbés. Plus de la moitié de ces Français est binationale. Leur attachement à la France est profond, et leur volonté d'exercer pleinement leur citoyenneté est totale.

Le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui devrait donc constituer le parachèvement de la démocratisation progressive de l'instance représentant les Français de l'étranger.

Il aurait dû, pour cela, procéder d'une vision claire, partagée, des objectifs de cette réforme ; et c'est sans doute là que le bât blesse. Autant le texte portant prorogation du mandat des conseillers ne pose aucune difficulté, autant le texte portant réforme de la représentation suscite quelques débats.

Si la représentation au plus près des populations, avec la mise en place de conseillers consulaires, et l'élargissement du corps électoral des sénateurs sont autant de points d'accord, le reste du texte est discutable.

La mise en place d'un réseau de conseillers consulaires concrétise l'idée d'une démocratie de proximité, et c'est une bonne chose. Elle constitue une avancée démocratique aussi bien qu'une clarification du rôle des instances au niveau consulaire. Mais votre projet de loi, madame la ministre, est un vrai caméléon : à chaque étape du processus parlementaire, il s'est transformé, son point d'équilibre s'est déplacé.

Vous semblez avoir hésité : fallait-il mettre fin à l'Assemblée des Français de l'étranger, alors que conseillers consulaires, sénateurs et députés peuvent, selon certains, faire l'affaire ? Fallait-il s'engager dans l'amélioration et le renforcement d'une assemblée dont le fonctionnement doit être transformé et amélioré ? Ce point de vue se défend également.

Il faut toutefois bien considérer que toute proposition revenant à la fois sur les compétences et sur la dénomination de l'Assemblée des Français de l'étranger, aujourd'hui transformée en Haut conseil, sera perçue, que vous le vouliez ou non, comme un réel retour en arrière.

Les amendements que j'ai déposés défendent la vision d'une assemblée représentative, élue au suffrage universel direct par scrutin de liste, ainsi que cela a été proposé tant par le Sénat que par l'Assemblée des Français de l'étranger elle-même.

Pour le député des Français établis hors de France que je suis, le travail avec les élus de l'Assemblée des Français de l'étranger a été précieux et indispensable, leur connaissance du terrain a constitué une richesse et, indépendamment des appartenances partisanes, leur légitimité et la mienne se sont complétées.

Je propose également, dans le même esprit, de conserver la dénomination d'« Assemblée des Français de l'étranger », qui correspond mieux à une assemblée de représentants élus : on ne parle plus d'un collège de notables.

Enfin, les errements sur la délimitation des circonscriptions électorales prouvent que le temps de la réflexion, de la concertation et de l'élaboration n'a pas suffi.

Pour être franc, la logique du découpage proposé par le rapporteur, et que vous avez accepté, méconnaît tant la réalité de la représentation des Français établis hors de France que la logique territoriale introduite par l'élection des députés des Français de l'étranger.

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