Intervention de Delphine Batho

Séance en hémicycle du 15 mai 2013 à 21h45
Adaptation au droit de l'union européenne dans le domaine du développement durable — Présentation

Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi que vous examinez ce soir est le troisième de cette législature portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne, et le premier dans le domaine du développement durable.

La transposition de plusieurs textes européens regroupés sous une unique thématique dans un même projet de loi est un exercice pratiqué depuis plusieurs années. Mais tel qu'il est réalisé depuis peu, sous la forme de projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'union européenne – dit DDADUE – il constitue une nouveauté.

La création d'un comité de liaison avec le Parlement a renforcé la contribution des parlementaires à l'écriture du projet de loi. Dans ce cadre, les échanges entre le Gouvernement et le Parlement ont permis une définition précise du périmètre du texte.

Le travail des rapporteurs, Philippe Plisson pour la commission du développement durable et Frédéric Barbier pour la commission des affaires économiques, a permis d'approfondir les différents sujets. Je souhaite les remercier pour la qualité et la minutie du travail accompli.

L'enjeu est important. L'intégration de la législation européenne dans l'ordre juridique national, et dans les délais impartis, est une obligation essentielle inhérente à l'appartenance de la France à l'Union européenne. Tout manquement nous exposerait à des sanctions de la Cour de justice de l'Union européenne.

L'objectif fixé par la Commission européenne est de ne pas dépasser la proportion de 1 % de textes non transposés. Cette proportion s'élevait pour la France, au 1er octobre 2012, à 0,3 %, contre 0,6 % pour l'ensemble des pays de l'Union. La collaboration du Parlement et du Gouvernement permet ces bons résultats.

Le présent projet de loi prévoit, à lui seul, la transposition de six directives et l'amélioration d'ordonnances déjà transposées. Le texte initial prévoyait également la ratification de onze ordonnances. Le vote d'un amendement du rapporteur Philippe Plisson en commission permet d'y ajouter la ratification de l'ordonnance du 28 juin 2012 relative au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre. Le Sénat avait déjà approuvé la ratification de ce texte essentiel, en ces temps où la mobilisation autour du marché carbone européen doit rester constante.

Si le texte est technique, son contenu transversal n'en est pas moins l'occasion pour nous d'échanger sur des sujets aussi essentiels que l'environnement, les transports et l'énergie, qui ont fait ou feront prochainement l'objet de projets de loi spécifiques.

Les trois titres du projet de loi prévoient des aménagements formels au code de l'énergie, à celui de l'environnement et à celui des transports, afin d'en améliorer la visibilité et la rationalité.

Le titre premier est relatif à l'environnement, à la santé et au travail. Il prévoit la transposition de la directive du 4 juillet 2012, dite Seveso III, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses. Le Gouvernement présentera deux amendements sur les plans de prévention des risques technologiques, les PPRT. Déposés par plusieurs députés, dont M. Yves Blein, en commission, ils avaient été déclarés irrecevables au titre de l'article 40. Ces amendements s'inscrivant dans le champ d'application de la transposition de certaines dispositions de la directive Seveso II et portant sur le financement des PPRT, je m'étais engagée en commission à les redéposer au nom du Gouvernement.

Par ailleurs, dans le titre premier, l'introduction de nouvelles exigences du règlement du 22 mai 2012 concernant la mise sur le marché et l'utilisation des produits biocides permet certaines avancées en matière de santé environnementale.

Il est également prévu d'adapter le droit national à différentes exigences communautaires concernant la surveillance et les conditions de mise sur le marché des produits et équipements à risques tels que les artifices pyrotechniques, les appareils à gaz et les équipements sous pression, qui seront ainsi améliorées.

L'ordonnance tire les conséquences de deux décisions du 24 juillet 2009 du Conseil d'État annulant plusieurs dispositions de la partie réglementaire du code de l'environnement, issues de deux décrets relatifs aux procédures d'autorisation d'organismes génétiquement modifiés.

L'article 10 du projet de loi prévoit également la ratification de cinq ordonnances portant sur l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure en vue d'informer et de consulter les travailleurs.

L'ordonnance du 5 janvier 2012 a pour but d'adapter le dispositif législatif français aux nouvelles dispositions du droit communautaire prévues par la directive du 22 septembre 2010 relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques.

L'ordonnance du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l'environnement est également ratifiée, sans modification.

Ce sujet fait l'objet de discussions au sein des états généraux de la modernisation du droit de l'environnement, que j'ai lancés ; nous aurons l'occasion d'en débattre prochainement dans le cadre de la discussion du projet de loi sur la biodiversité.

Par ailleurs, les dispositions du code rural et de la pêche maritime relatives à l'exercice de la profession de vétérinaire, modifiées par la directive relative aux services dans le marché intérieur du point de vue de la liberté d'établissement et de la libre prestation, ont suscité des échanges avec les professionnels concernés lors de l'élaboration du texte.

S'agissant des transports, le projet de loi touche à diverses questions. Je m'attacherai à évoquer les trois directives qu'il doit permettre de transposer en droit français.

Il s'agit d'abord de la directive du 25 octobre 2011 facilitant l'échange transfrontalier d'informations concernant les infractions en matière de sécurité routière, qui permet aux États membres de communiquer les informations d'immatriculation des véhicules en situation d'infraction.

La directive du 27 septembre 2011 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures, dite « Eurovignette », encadre les péages perçus sur les axes routiers du réseau transeuropéen de transport et sur l'ensemble des autoroutes de l'Union. Elle prévoit la possibilité d'appliquer le principe pollueur-payeur. La France avait déjà anticipé cette directive et poursuit son action avec l'entrée en vigueur de l'écotaxe poids lourds le 1er octobre prochain, dans des conditions protectrices pour les transporteurs grâce au mécanisme de majoration du prix de transport voté par le Parlement au mois d'avril.

Enfin, la directive du 16 février 2009 relative à la convention du travail maritime de février 2006 est également transposée. Premier instrument juridiquement contraignant de l'Organisation internationale du travail, cette convention met en place un ensemble de normes couvrant les différents domaines du droit social dans le secteur du transport maritime.

Elle fixe des normes minimales applicables à bord des navires, notamment en matière de conditions d'emploi, de santé, de sécurité au travail, d'hygiène et de bien-être, en vue de contribuer à l'amélioration des conditions de travail et de vie des gens de mer. Ce texte apporte des compléments très attendus par la profession et a fait l'objet de nombreux échanges avec les acteurs du transport maritime.

Enfin, le titre III prévoit la transposition de deux directives dans le champ de l'énergie.

La transposition de la directive du 25 octobre 2012 relative à l'efficacité énergétique est conforme à l'engagement pris par le Président de la République lors de la Conférence environnementale.

Le choix a été fait de n'en transposer qu'un seul article, de façon anticipée, afin de préparer les grandes entreprises concernées à l'instauration d'un audit énergétique obligatoire d'ici le 1er décembre 2015, date d'entrée en vigueur de la directive.

Enfin, l'article 30 prévoit la transposition de la directive du 14 septembre 2009 faisant obligation aux États membres de maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et produits pétroliers.

Le titre III prévoit également la ratification de l'ordonnance du 14 septembre 2011, qui procède elle-même à la transposition en droit français des dispositions de deux directives d'avril 2009 relatives aux énergies renouvelables et aux biocarburants.

L'ordonnance du 9 mai 2011 porte codification des textes relatifs à l'énergie, en même temps qu'elle intègre au nouveau code les dispositions de transposition des directives relatives aux règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et pour celui du gaz naturel.

Je souhaite revenir un instant sur la directive relative à l'efficacité énergétique. Nous avons eu une discussion en commission – nous l'aurons certainement de nouveau – portant sur les certificats d'économies d'énergie. Les économies d'énergie sont, vous le savez, l'un des axes prioritaires de la transition énergétique et les certificats d'économies d'énergie constituent un dispositif efficace pour agir dans les secteurs diffus.

Toutefois, le dispositif actuel a montré ses limites. Sa refonte est en cours, en vue du lancement de la troisième période des certificats d'économies d'énergie, qui sera ambitieuse. Des réformes structurelles doivent être envisagées pour rendre le système plus simple, plus efficace et plus ciblé, notamment sur la rénovation énergétique des passoires thermiques et des logements précaires.

La consultation publique que j'ai lancée à ce sujet le 19 février s'est terminée à la mi-avril. L'évaluation des résultats est en cours. Vous le savez, le Premier ministre et le Gouvernement ont demandé à la Cour des comptes d'évaluer le dispositif existant.

L'objectif global de la deuxième période est aujourd'hui atteint, ce qui conduit à un ralentissement des actions d'économies d'énergie alors qu'il faut au contraire monter en puissance pour atteindre le régime de croisière, fixé par la directive efficacité énergétique à 1,5 % des ventes nationales d'énergie, hors transports.

Pour assurer la continuité du dispositif des certificats d'économies d'énergie, et dans l'attente du démarrage de la troisième période, j'ai décidé de lancer une période transitoire à partir du 1er janvier 2014. Je veux qu'il y ait continuité entre la période actuelle et la troisième période, dont les modalités précises doivent faire l'objet d'un débat avec l'ensemble des acteurs. Le taux d'effort actuel sera donc maintenu à un niveau identique. Les modalités de cette période transitoire seront identiques à celles de la deuxième période des certificats d'économies d'énergie.

Cependant, une simplification immédiate, proposée dans le cadre de la consultation publique, sera apportée en concertation avec les parties prenantes : il s'agit de la création d'un comité professionnel obligé unique de la filière fioul domestique, pour rassembler sous un même toit tous les acteurs de ce secteur.

La mise en oeuvre effective de cette période transitoire se fera d'ici septembre 2013. La période transitoire durera jusqu'à la mise en oeuvre de la troisième période. Pour cette dernière, le Gouvernement souhaite un objectif ambitieux d'au moins 200 térawattheures par an, conforme à nos engagements dans le cadre de la directive efficacité énergétique.

La concertation sur les réformes structurelles permettant de rendre le dispositif plus simple et plus efficace est engagée. J'attends les recommandations de la Cour des comptes et de la mission confiée à la CDC Climat sur les mécanismes de financement de l'efficacité énergétique. Telles sont les précisions que je tenais à apporter ce soir pour répondre aux questionnements de l'ensemble des acteurs concernés.

Voilà ce que je voulais dire en introduction à nos débats. Je me tiens désormais à votre écoute. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

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