Intervention de Frédéric Barbier

Séance en hémicycle du 15 mai 2013 à 21h45
Adaptation au droit de l'union européenne dans le domaine du développement durable — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Sur le fondement de ses compétences dans les domaines de l'agriculture et de l'énergie, la commission s'est saisie pour avis de cinq articles du projet de loi que nous examinons aujourd'hui.

Ils portent sur des thèmes très divers : l'exercice de la profession vétérinaire, la production de biocarburants, l'électricité d'origine renouvelable, l'organisation du marché de l'électricité et du gaz, l'efficacité énergétique et les stocks pétroliers stratégiques. Ils procèdent à une transposition de plusieurs directives européennes, directement ou via la ratification d'ordonnances.

Pour ce qui est de la profession vétérinaire, la directive « services » a pour objectif de faciliter la liberté d'établissement des prestataires de service dans les pays membres de l'Union européenne. Notre droit à l'heure actuelle n'y est pas conforme pour cette profession particulière, considérée en France comme un maillon essentiel de la santé publique quand elle est vue comme une activité commerciale dans d'autres pays membres. Nous avons donc dû nous conformer à la directive tout en essayant de conserver cette particularité. Le texte instaure ainsi un certain nombre de garde-fous, qui préviennent les conflits d'intérêt et la résurgence d'intérêts commerciaux. Il faut également noter qu'il renforce les pouvoirs de contrôle de l'Ordre des vétérinaires. Cette transposition me semble donc satisfaisante et équilibrée.

En ce qui concerne l'énergie, je n'évoquerai que les grandes lignes de chaque sujet dont nous sommes saisis, exception faite de la partie efficacité énergétique, sur laquelle j'aimerais m'attarder.

L'article 27, relatif à la production de biocarburants, est une déclinaison du « triple 20 » qui incite chaque pays membre à atteindre 23 % d'énergies renouvelables dans sa consommation finale d'énergie d'ici à 2020. L'encadrement du marché des certificats verts et l'attention portée à la durabilité des biocarburants, qui incite au développement des carburants de deuxième génération, sont de bonnes orientations.

La partie organisation du marché de l'électricité et du gaz conforte notre modèle, avec l'introduction de sanctions en cas de non-respect pour un fournisseur d'énergie de ses obligations de capacité. Je n'ai pas de remarque particulière à ce sujet.

En revanche, la partie efficacité énergétique nécessite à mon sens certains ajustements. L'article 29 impose à toutes les grandes entreprises de réaliser un audit énergétique avant le 5 décembre 2015, puis tous les quatre ans. Il prévoit également des sanctions en cas de non-respect. Si la transposition de cette obligation dans le droit français semble faire l'objet d'un consensus, il demeure deux points qui suscitent des interrogations.

D'abord, le délai laissé aux entreprises est vraiment très court. D'ici le 5 décembre 2015, plusieurs étapes sont en effet nécessaires, à commencer par voter les dispositions législatives et élaborer les textes d'application. Certes, un travail de concertation a déjà été mené, mais demeurent encore des inconnues : par exemple, comment l'obligation de réaliser un audit s'appliquera-t-elle aux entreprises qui disposent de très nombreux petits sites disséminés sur le territoire ?

Ce n'est qu'une fois que les textes réglementaires seront parus que les auditeurs pourront être formés. Et il faut prendre en compte la nécessité pour les filières locales de se structurer.

Enfin, il y aura l'étape de la réalisation des audits à proprement parler. Les entreprises ne prendront pas le risque de réaliser un audit sans être définitivement fixées sur le contenu de l'obligation, sans quoi elles s'exposeraient à tout devoir recommencer.

Il ne leur restera donc que des délais très serrés et, pour les respecter, il est à craindre que les entreprises et les bureaux d'étude privilégient la quantité sur la qualité. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement pour repousser la date limite d'un an. J'ai bien conscience de la difficulté qu'il pose, car il serait contraire à la directive sur l'efficacité énergétique. Mais je veux tout de même attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité de prendre les textes d'application rapidement, sans quoi les entreprises se retrouveront dans une situation difficile.

Second point à éclaircir, les préconisations des audits énergétiques ne seront pas obligatoirement suivies, car la loi met en oeuvre une obligation de moyens et non de résultats.

Si l'on peut aisément convenir que le préalable à toute action de maîtrise de la demande d'énergie est un diagnostic bien réalisé, comment pousser les entreprises à suivre les préconisations de l'audit ? Selon l'ADEME, 73 % d'entre elles passent à l'acte. Ce chiffre suscite l'optimisme, mais il faut néanmoins le relativiser. En effet, les actions mises en oeuvre ne couvrent que 20 à 25 % des préconisations.

C'est pourquoi j'ai déposé un amendement qui oblige les entreprises à transmettre à l'administration un rapport très succinct sur le suivi des préconisations de l'audit, dans un délai de deux ans après sa réalisation.

Enfin, le dernier article dont la commission des affaires économiques a été saisie a trait aux stocks pétroliers stratégiques. Il oblige les États membres à maintenir un niveau minimal de stocks de pétrole brut et change le statut et la nature du lien entre divers opérateurs, sans conséquences économiques. Cela ne pose pas de difficulté.

Ce texte, qui manque de cohérence dans sa globalité, n'en reste pas moins une transposition que je juge plus que satisfaisante des différentes directives européennes évoquées. Il est tout à fait conforme à leur esprit, tout en préservant nos spécificités quand elles méritent de l'être. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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