Intervention de Sébastien Denaja

Réunion du 24 avril 2013 à 13h45
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Denaja, rapporteur :

Je vais axer ma présentation sur les recommandations que je propose à la Délégation, et qui devraient traduire les principales améliorations que nous pouvons apporter à ce projet de loi. Ce texte a notamment le mérite d'affirmer le principe de la parité dans de nombreuses enceintes d'administration et de gouvernance des universités, afin de remédier de manière efficace aux inégalités toujours très prégnantes entre les hommes et les femmes dans l'accès aux fonctions de responsabilité et dans le déroulement des carrières des enseignants chercheurs et des chercheurs.

Je propose à la Délégation d'aller plus loin dans la logique paritaire en suggérant de la mettre en place dans la plupart des instances où le projet de loi ne l'a pas prévue.

Ensuite, j'ai souhaité introduire un volet relatif au traitement du harcèlement sexuel, phénomène hélas très connu dans les établissements d'enseignement supérieur ; c'est une question que nous avions soulevée lors de l'examen du projet de loi sur le harcèlement en juillet dernier, et qu'il avait été choisi de traiter lors de l'examen du présent projet de loi.

Un premier élément de la réforme, qu'il convient d'améliorer, vise à établir une gouvernance paritaire de l'enseignement supérieur et de la recherche tant au sein des établissements qu'au plan national.

Pour cela, le projet de loi pose le principe de la parité au sein du conseil d'administration et du conseil académique des établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Le système de l'élection à deux tours de ces conseils me paraît très pertinent. Néanmoins, il me semble qu'il faut, pour atteindre le but, s'assurer que le mode de désignation des personnalités extérieures membres de ces deux conseils garantisse une stricte parité. Les modalités de désignation pourraient s'inspirer du mécanisme de tirage au sort prévu pour la constitution du Haut conseil des finances publiques.

Ensuite, la loi devrait aussi prévoir la parité parmi les vice-présidents, ou au sein des bureaux des organes de gouvernance des établissements d'enseignement publics à caractère scientifique, culturel et professionnel.

Au plan national, nous constatons aujourd'hui que la composition des conseils et des comités de sélection des agences nationales de financement de la recherche sont composées d'hommes en plus ou moins grande majorité. Le principe de parité devrait aussi y prévaloir, de même que dans tous les comités de sélection de manière générale. L'argument est souvent opposé d'un manque de femmes dans certaines disciplines, ce qui rendrait difficile la constitution équilibrée des comités. Il me semble que cet argument ne doit pas être retenu, et que, dans un cadre plus contraint, l'on trouvera des femmes pour participer aux instances scientifiques à tous les niveaux, ou que des solutions pourront être trouvées au cas par cas, éventuellement en ouvrant la participation à des personnes ne relevant pas de la même « sous-sous-discipline », c'est-à-dire ne partageant pas obligatoirement la même spécialité vue au sens strict.

La composition paritaire du CNESER est affirmée par le projet de loi. Il convient de s'assurer que les modalités d'application traduiront cette parité, et en particulier que le décret d'application à venir prévoira la nomination paritaire des représentants des grands intérêts nationaux.

Un autre élément est très important pour rétablir l'égalité dans le déroulement des carrières : la stricte prise en compte des quatre dernières années d'enseignement et de recherche pour la constitution d'un dossier de demande de prime ou de promotion ; il s'agit d'un handicap lors de l'examen des dossiers de femmes ayant eu un ou plusieurs enfants pendant les années précédentes. Les situations qui imposent une période fixe devraient inclure un dispositif correcteur, en ajoutant à la période d'évaluation soit une année par naissance, soit la durée du congé de maternité ou parental pris par le salarié, ce qui permettra une évaluation de l'activité sur cette période prolongée et non plus sur les quatre dernières années.

Mon rapport souligne le besoin d'études et de statistiques sur les discriminations sexuées existant dans les établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Á l'heure actuelle, les outils d'appréciation de la place des femmes et de l'évolution de leur carrière sont encore insuffisants. Il existe des initiatives mais isolées, comme la publication par le CNRS du bilan annuel « La parité dans les métiers du CNRS ». C'est pourquoi les établissements devraient collecter et transmettre au ministère les données relatives à la répartition entre les sexes des postes de chercheur et d'enseignant-chercheur, aux différents stades de la carrière. Cela permettra de meilleures statistiques nationales.

Enfin, je consacre un chapitre au respect entre les sexes dans la communauté universitaire. Les violences sexuelles et le harcèlement demeurent un sujet tabou dans l'enseignement supérieur : il doit y avoir une véritable prise de conscience et des mesures plus efficaces que le cadre actuel pour espérer éradiquer ce type d'actes.

Ces agissements, comme les autres conflits, sont traités – dans les rares cas où ils le sont réellement – à l'intérieur de l'établissement par une section disciplinaire, comme dans toute autre structure publique. En effet, les victimes portent rarement plainte devant les tribunaux, pour des raisons de coût et de longueur de la procédure. Mais la procédure impliquant la section disciplinaire est très inégalitaire et loin d'être satisfaisante. Je propose donc de réformer cette procédure pour mieux garantir la défense des droits des personnes victimes de harcèlement, notamment en matière d'accessibilité du recours, d'appel et de publicité. J'ajoute que la section disciplinaire devrait, elle aussi, être composée de manière paritaire. Je considère d'ailleurs que le code de l'éducation devrait comprendre une disposition sanctionnant le harcèlement sexuel, de même qu'il comporte, depuis la loi du 17 juin 1998, une disposition en ce sens sur le bizutage.

J'ai l'intention de déposer un certain nombre d'amendements reprenant les éléments que je viens d'indiquer et d'autres que vous trouverez dans mon rapport d'information.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion